L’organisation de l’Etat n’a pas de fondement scientifique, c’est un outil en vue d’une finalité, mais lorsque cette finalité est bien définie, le rôle de l’Etat est de la réaliser.
L’état de l’Etat guinéen constitue un enjeu fondamental dans la construction de la paix et la démocratie ; comme le mentionne la Commission des Nations Unies pour l’Afrique, dans un rapport sur la gouvernance : « L’élément central de la bonne gouvernance est un Etat démocratique compétent, un Etat enraciné dans la volonté publique, dont la légitimité repose sur le processus démocratique et dont les Institutions favorisent l’intérêt général.»
Si les mutations démocratiques en question n’ont pas toujours été sereines dans les autres pays, elles se déploient en Guinée, dans des conditions de non-respect des directives des lois , une prédominance des accords politiques, l’irresponsabilité des acteurs politiques, l’ethnicisation de la scène politique, la création exponentielle de partis politiques sans idéologie véritable, du faible niveau de l’autorité publique, de contestation et de violences….
En réalité, le socle de la conflictualité guinéenne est politique, symbolisée par une kyrielle de maux qui résultent d’un déficit de leadership transformationnel, de la qualité de gouvernance en cours, de par le passé aussi, du manque de vision de développement.
Le manque de vision politique à longue échelle voire de prospective à long terme, le tâtonnement, l’impunité, l’absence de stratégies et de pédagogie dans la gestion et la prévention des crises, le manque d’anticipation doivent faire place à cette dynamique de revoir et de repenser notre mode de gestion de la chose publique, afin de satisfaire efficacement les attentes des populations affichant des exigences nouvelles.
Par voie de conséquence, l’analyse de la situation pose la nécessité d’un développement construit, réfléchi et concerté à partir des valeurs endogènes et d’éléments extérieurs, situation dont la bonne gouvernance devient l’un des remèdes les plus conseillés.
Il convient de noter que, cette solution à bon nombre de problèmes endogènes portant sur le développement dans une acception large, soulève implicitement un autre écueil, celui de l’application rigoureuse des principes démocratiques et de la gestion saine et transparente des ressources publiques afin d’aboutir au développement économique et social des pays, c’est à dire la question de la bonne gouvernance.
Souvent galvaudé par bon nombre d’auteurs pour toutes les questions liées au développement et à la gestion étatique dans son ensemble, la bonne gouvernance est devenue un outil souvent usité pour répondre aux nombreux défis que pose la réalité sociopolitique en Afrique de façon générale et particulièrement en Guinée: Ritournelle efficace ou simple trouvaille ?
Dans une période où notre pays est confronté à de multiples formes de violence, de dérives de tous azimuts, à la persistance des disparités sociales, une insécurité galopante, le déficit de confiance de la population à l’égard des pouvoirs publics, un pouvoir d’achat s’affaissant, une grève du secteur de l’éducation qui perdure depuis le 3 octobre 2018, un déficit énergétique, un mécanisme d’envergure devrait se construire autour des interrelations entre gouvernance (la qualité de la gestion publique y compris la gestion budgétaire, la politique budgétaire, la mobilisation des recettes, la transparence), une administration publique performante, des réformes politiques et macroéconomiques durables voire percutantes et une capitalisation des ressources surtout humaines pour une gouvernabilité efficiente.
Un pays comme la Guinée doit investir stratégiquement pour mettre en place ces actions de gouvernance clés afin d’accélérer la transformation économique structurelle, politique et le développement humain progressif de sa population.
L’épanouissement harmonieux de la population guinéenne passe nécessairement par les éléments structurels suivants :
Gouvernance et d’une politique institutionnelle: Ceci inclut des initiatives majeures pour améliorer la participation de larges couches de la société à la gouvernance du pays et assurer des politiques de stabilité macroéconomique, des réformes du secteur public pour réduire la corruption, améliorer l’efficacité et assurer une offre efficace des services.
Politiques structurelles de transformation économique: Il s’agit de promouvoir les investissements stratégiques dans la création d’un environnement propice à l’accroissement de la productivité, à la diversification des bases productives et à la compétitivité, y compris une coordination et un suivi institutionnel solides.
Politiques de développement social et humain: consistant à promouvoir des contrats sociaux solides pour renforcer la participation, l’autonomisation et la responsabilisation, conditions nécessaires pour exploiter la forte corrélation entre la gouvernance inclusive, les normes sociales favorables, la croissance et le développement humain.
Kofi Annan, ancien Secrétaire général des Nations Unies, affirmait que «la bonne gouvernance est le facteur le plus important dans l’éradication de la pauvreté et la promotion du développement». Des actions urgentes sont maintenant nécessaires pour transformer l’Afrique à l’Agenda 2063, une Afrique intégrée, prospère et pacifique, conduite par ses propres citoyens et représentant une force dynamique sur la scène internationale
Dès lors, les dirigeants et les décideurs sont appelés à regarder au-delà des indicateurs standards de la bonne gouvernance pour explorer les liens complexes et la dynamique derrière l’interaction entre la gouvernance transformationnelle, la transformation économique structurelle et le progrès humain durable. Ce sera la clé pour libérer la force de la Guinée et favoriser sa prospérité.
Mohamed D KEITA
ECONOMISTE, mohdkeita@gmail.com