La gestion des déchets dans notre capitale Conakry est un enjeu essentiel pour la qualité de vie de tous ceux qui y vivent.
Toute dynamique orientée dans ce sens devrait découlée d’une étude conséquente élaborée à cet effet.
Une étude prenant en compte tous les facteurs explicatifs du comportement de la population dans le jet d’ordures sur certaines artères urbaines de la capitale, les différents marchés de Conakry, les caniveaux servant de dépotoir d’ordures même non ménagères, les difficultés des PME à évoluer dans les quartiers, le niveau des équipements utilisés, la qualification de la main-d’œuvre, l’informalité du secteur, le cadre législatif et réglementaire….
Depuis quelques mois, la gouvernance des déchets à Conakry et à l’intérieur du pays pratiquée par le département des Travaux Publics est éloquente de ces tâtonnements et errances qui illustrent autant les difficultés à gérer la capitale dans son intégralité que les enjeux d’organisation des aménités urbaines en particulier.
Les principaux freins sont d’ordre culturel, technique, institutionnel et organisationnel, et surtout financier. Au plan culturel, étant donné que les déchets sont par définition des matières que l’on destine à l’abandon, les habitants ont cultivé les habitudes du désintérêt aux déchets. Ce désamour et cette distance font que les habitants ne connaissent pas les déchets et, ne les connaissant pas, ne peuvent pas bien les gérer. Et c’est peut-être malheureusement pour cela que ce sont les déchets qui dominent les habitants dans les quartiers, les marchés, certaines voies à travers Conakry.
Au plan technique, plusieurs quartiers ne sont pas lotis et sont privés du service de ramassage des déchets à cause de la déficience en voies de desserte et de l’absence d’opérateurs de collectes. L’extension continue du périmètre urbain et l’urbanisation horizontale allongent les distances de collecte des déchets tout comme l’augmentation accélérée de la population qui ne cesse à son tour d’amplifier les quantités de déchets à ramasser.
L’insuffisance et/ou la mauvaise utilisation des équipes techniques municipales, des matériels, équipements et infrastructures (une seule décharge qui existe depuis l’indépendance) et l’absence de données précises et mises à jour ne permettent pas d’optimiser la gestion des déchets tant à Conakry qu’à l’intérieur du pays.
Au plan institutionnel et organisationnel, le secteur de la collecte, du transport et du traitement des déchets souffre beaucoup de l’absence ou de l’inadéquation des cadres réglementaires et de la multiplicité des intervenants sans réelle répartition des tâches.
Au plan financier, l’enlèvement et le traitement des déchets sont des tâches qui occasionnent des dépenses continues et assez élevées alors que les ressources financières sont faibles, discontinues et parfois gaspillées. Tout cela n’est pas sans lien avec la difficile rentabilisation financière des services (SPTD, ANASP) et autres projets relatifs au traitement et à la valorisation des déchets.
Avec la configuration démographique que nous connaissons à ce jour, la gestion des déchets demande de créer un modèle et partenariats innovants. Cette innovation et l’intégration de nouveaux acteurs à la chaîne de valeur pourraient rendre notre modèle plus performant.
C’est un vrai changement de mentalité qui est nécessaire. Mais ce changement ne viendra pas de Mars ou de Jupiter, L’Etat, par l’exemplarité de son appareil et par sa fonction d’assurer les services publics, a un rôle pédagogique dans l’apprentissage du nouveau modèle de gestion des ordures.
En effet, on apprend aussi par la contrainte : un environnement laxiste n’incite pas au respect de la loi et des règlements en général. Le pays étant doté d’un Code de la salubrité publique qui indique que chaque ménage a obligation de souscrire à un abonnement à une PME collecte d’ordures, il n’a jamais été appliqué…
Or, des sociologues ont élaboré une théorie dite «du carreau cassé» selon laquelle les petites infractions, lorsqu’elles ne sont pas réprimées, se généralisent et finissent par imprégner l’ensemble de la société.
Il est donc de la responsabilité des pouvoirs publics d’appliquer les règlements de manière stricte. Les médias ont également un rôle important à jouer, en particulier la radio et la télévision surtout l’internet.
Saviez-vous que la publicité sociétale reste très insignifiante dans les budgets publicitaires dans notre pays?
Il y a une nécessaire hybridation de modèles qui doit s’opérer. Les pouvoirs publics doivent pouvoir donner leur vision stratégique, l’opérateur privé amène l’expertise, les services techniques des municipalités avec leur connaissance des acteurs locaux.
Bien que les solutions proposées par les groupes internationaux de l’environnement s’inspirent des expériences réussies ailleurs et bénéficient des résultats probants de recherche, la prise en compte du contexte et des savoirs endogènes constitue une condition incontournable d’efficacité et de durabilité.
Chercher à réaliser des travaux sporadiques (le dernier samedi du mois) de collecte et de transport des ordures avec utilisation de gros engins sur certaines artères urbaines est un échec planifié. La collecte et le traitement des ordures ne doivent pas être gratuites….Dans le contexte de la Guinée, le principe « Penser global et agir local » a davantage sa place.
COMMENT ASSURER LE FINANCEMENT DE CE MODÈLE, UNE ÉQUATION COMPLEXE ?
Les services de gestion des déchets solides, au Nord comme au Sud, parviennent rarement à l’équilibre financier par la mobilisation exclusive d’un paiement par les usagers. Les autorités publiques font donc appel à trois sources de financement pour couvrir les coûts du secteur : des subventions ou prêts de l’État central ou des bailleurs internationaux, les fonds publics et les redevances ou taxes payées par les usagers.
La taxe d’enlèvement des ordures ménagères est le plus souvent adossée à l’impôt foncier. Or, dans le contexte de notre pays où l’informalité est importante, l’assiette de facturation est réduite et le taux de recouvrement faible. Quant à la redevance d’enlèvement des ordures ménagères, elle repose sur une modalité mensuelle (le nombre de collecte par semaine étant définie d’avance à la signature du contrat de prestation), (« Pay-as-you-use ») ; elle peut éventuellement être rattachée à d’autres factures (eau, électricité, etc.).
La vocation principale du service de gestion des déchets, c’est-à-dire d’organisation, de décision et d’action dans le but d’améliorer le fonctionnement de la ville, a donc consisté à dresser des garde-fous face aux interactions entre déchets, milieu et hommes.
« L’invention des déchets urbains » (Barles, 2005) s’est assortie de l’intégration systématique du facteur spatial, et de décisions préventives sur l’aménagement de la ville, fondées sur un double postulat hygiéniste et organiciste.
En tentant de dépasser ces difficultés, notre analyse prend donc un parti audacieux, celui de considérer que les déchets sont un instrument de gouvernement et, plus largement, de l’action publique nationale.
Mohamed D. KEITA
Tél : 622035479