Dans une période où notre pays est confronté à de multiples formes de violence, de dérives de communication et à la persistance des disparités sociales, je voudrais à travers cette adresse vous interpeller, appeler chaque guinéen à une collaboration franche pour la recherche de la paix et au respect de la dignité de chaque citoyen guinéen de toute sensibilité confondue. Nous devrions montrer que le ‘’vivre ensemble’’ est possible, qu’il n’est pas une utopie mais une réalité tangible que nous pouvons bâtir grâce à notre engagement personnel et solidaire.

Pour cela, il est nécessaire de travailler ensemble à l’établissement d’une véritable culture de paix, en répondant courageusement aux défis qui mettent en péril une authentique coexistence entre les différents groupes ethniques.

Dans sa longue marche vers la démocratie, l’Afrique fait souvent l’expérience des violences qui naissent un peu partout sur ce continent. Ayant pour point de départ l’ethnie, la tribu en tant que groupe social, qui se construit et se reconstruit dans les relations qu’il a l’un avec l’autre, ces conflits se nourrissent désormais des sentiments tel que le tribalisme, le régionalisme etc…

Pourtant, tout le monde s’accorde à reconnaître que les tribus entre elles n’ont vraiment pas de mal à vivre ensemble, mais les questions que nous sommes en droit de nous poser sont celles de savoir : Pourquoi les ethnies sont-elles des sources de problèmes pour l’unité et la stabilité de nos Etats ?

1 Causes du repli identitaire en Guinée

Mais aujourd’hui lorsqu’on regarde le continent africain, la violence identitaire ou les guerres ethniques nées à partir du tribalisme ont des causes multiples mais dont la principale demeure : l’instrumentalisation des ethnies et tribus par les politiques dans ce continent.

Les drames comme ceux du Rwanda, des Grands Lacs, du Congo-Brazzaville et de la Côte d’Ivoire, revêtent une dimension de pathologie historique et sociale qui interpelle et révolte la conscience universelle.

Les conflits intra et inter communautaires ont pour cause le tribalisme qui lui-même pourrait s’expliquer par :

La manipulation de la jeunesse par les politiques

Le manque d’éducation et l’ignorance de la quasi-totalité des populations

La pauvreté

La mauvaise gouvernance et l’échec des politiques qui, devant l’impuissance politique, veulent trouver des réponses dans leur ethnie, leur tribu.

Le sentiment de supériorité d’une ethnie sur une autre

Le non-respect des droits humains

L’intolérance
La peur de la différence

La soif du Pouvoir avec des désirs de conquête et de conservation du Pouvoir

Le manque de démocratie à la base

Les sentiments d’injustice…

Devant toutes ces causes énumérées, le tribalisme apparaît comme arme du politique africain.

2 Le tribalisme comme arme du politique

A force d’affirmer son identité, on finit par exclure ou décourager tout ce qui n’est pas exactement comme nous. Dire ce que l’on est se résume souvent à affirmer ce que l’on n’est pas, à prononcer des excommunications, des fins de non-recevoir, des déclarations d’incompatibilité en tous genres. Ceci dit, le repli identitaire est le danger de notre époque. Un danger mortel pour le développement socioéconomique de notre beau pays.

Devant, ce qu’il convient d’appeler « l’impuissance des politiques » en Afrique, le tribalisme est érigé comme une arme au service des leaders politiques africains, incapables d’asseoir les principes démocratiques dans leur pays. Ils deviennent ainsi des dictateurs capables de sacrifier leur peuple pour leurs propres intérêts.

A l’approche des échéances électorales, le politique africain se réconcilie souvent avec sa base constituée essentiellement d’hommes, de femmes appartenant à son ethnie. D’où les expressions souvent répandues du genre : « c’est notre pouvoir » « c’est nous qui commandons » « et vous vous devez attendre votre tour »

En Afrique, lorsqu’un dictateur conteste le verdict des urnes, il se réfugie dans la tribu et l’ethnie. La création des milices armées obéit bien à cette logique. Et lorsqu’il sollicite les suffrages de son peuple, il corrompt les membres de l’ethnie dont il est originaire. Il s’entoure alors de courtisans choisis non pas pour leur compétence mais d’abord pour leur appartenance ethnique.

Dans le discours politique, ils n’hésitent pas à appeler à une haine tribale et à une dévalorisation des membres d’une autre ethnie. D’où le fait que le tribalisme apparaisse aussi comme une négation d’Autrui.

3 Le tribalisme comme négation d’Autrui

Le tribalisme en Guinée commence souvent dans les familles. On entend souvent les parents intervenir dans le choix des futurs conjoints de leurs progénitures. Les stéréotypes sur une ethnie par rapport à une autre, les considérations dévalorisantes d’une tribu vis-à-vis d’une autre ont pour conséquence le tribalisme qui apparaît comme la Négation d’Autrui.
« Les Malinkés sont des kapèrès (igname) » ; « les Peulhs sont des djabèrès (tarots) »; « les Soussous sont des chargeurs bac » les forestiers sont des koulé (singes ) disaient souvent à l’approche des élections pour se chosifier, chose que nous humains, devrons refuser.

Nous ne sommes pas des choses, nous sommes simplement des humains. Tant d’autres propos dont je me réserve d’évoquer.

Au terme de cette réflexion sur le tribalisme, nous pouvons dire que ce fléau apparaît comme une violation des droits de l’homme, en ce qu’il déshumanise et nie toute la dignité inhérente à Autrui, sujet de droit comme moi.

En guise de conclusion, il faut dire que les guinéens doivent admettre qu’une « ethnie », une « tribu » est d’abord une entité culturelle et sociale qui permet l’identification d’un peuple. Cette notion est certes fragile, manipulable au grès des politiciens, mais les peuples de ce continent doivent demeurer vigilants pour que le « vouloir vivre ensemble » l’emporte sur la haine tribale.

Dans un continent où les liens de parenté sont sacrés, cet effort passe par la citoyenneté et le respect des droits de l’homme qui sont aussi et surtout des droits d’Autrui.

Cette problématique nous introduit au cœur de la question de l’autre différent de nous. Est-ce que si l’autre en tant que moi qui n’est pas moi pour reprendre l’expression de Martin Heidegger, n’est pas de mon ethnie ou ma tribu constitue une raison valable pour le détruire ?
Les ethnies sont certes instrumentalisées par le politique en Afrique, nous le savons.

Mais quelle réponse les sociétés africaines doivent-elles donner à cette instrumentalisation ?

Le vivre ensemble entre les ethnies ne peut pas devenir désormais « le vivre ensemble en paix » ?

Les ethnies, les tribus africaines ne sont-elles pas des richesses qui prouvent que la diversité culturelle, ethnique est bien une réalité vivante en Afrique ?

« L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni des cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle nation. Tant que cette conscience morale prouve sa force par les sacrifices qu’exige l’abdication de l’individu au profit d’une communauté, elle est légitime, elle a le droit d’exister »

La diversité est là et sera omniprésente. On peut tenter de l’endiguer et d’y échapper le plus possible, ou on peut l’aménager de façon à en faire une force, une source d’enrichissement. C’est ce choix qui est le bon.

Le multiculturalisme s’épanouit difficilement dans des pays qui n’admettent pas la diversité ou les citoyennetés multiples. On ne vous demande pas de renoncer à ce que vous êtes pour devenir citoyen. On vous demande de partager les traits universels de notre culture et d’être ouvert à l’apport des autres.

Nous devrions assumer notre différence, assumer cette exigence démocratique, qui est un respect élémentaire, de parler à l’intelligence de notre peuple, de croire en la Guinée unie et forte dans sa diversité ethnique, culturelle, d’aimer à nouveau ce pays quand, et uniquement quand, il repose sur la raison des citoyens, leur pouvoir souverain, et des passions positives…

Il est maintenant l’heure de nous tourner entièrement, totalement, vers la société guinéenne.

Au fond si je devais résumer en un mot le sentiment ou le tempérament qui vous, qui nous résume collectivement le mieux, ce serait la confiance.

La confiance dans la commune Humanité en dépit de tout, en dépit de la démence d’un monde qui dévore ses propres entrailles, en dépit d’une époque qui exile la beauté, met en jachère les consciences, en dépit des ténèbres de la monté du repli identitaire.

“La folie fait le tour du globe comme le soleil, elle brille partout” nous disait La Nuit des Rois de Shakespeare. A leur folie destructrice nous opposerons la force irrésistible de notre joie et le refus de la résignation !

Soninké Diané

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