Lors d’un entretien accordé à notre rédaction ce mercredi 2 janvier 2019, Dr. Alhassane Makanéra Kaké, enseignant chercheur à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia en qualité de professeur de Droit et de Finances Publiques, est longuement revenu sur la baisse du prix du carburant de 10.000 à 9500 francs guinéens à la pompe. Pour ce spécialiste en finances, ces 500 fg de diminution, n’ont pas de justification de rationalités ni économiques ni budgétaires et n’ont également pas d’impact sur le panier ménager et sur le transport car, la masse de réduction est faible et ne rassure non plus le peuple.
Maguineeinfos.com : Depuis 48 heures, le carburant se vend à 9500 fg à la pompe. Quelle est votre appréciation en tant que professeur des Finances Publique ?
Dr. Alhassane Makanéra Kaké : d’abord lorsque l’Etat baisse le prix du carburant sans tenir compte de la proportion sur le marché international, cela sous-entend que l’état des finances publiques reste encore préoccupant pour la simple raison qu’il y a d’abord un accord sur la flexibilité du prix du carburant à la pompe. C’est-à-dire une fois que les prix augmentent sur le marché international, le prix à la pompe augmente, et cette proportion devrait être maintenue. Mais si vous constatés, on était à 8000 fg le litre quand le baril était à 80 dollar, à cause de cela, l’Etat est parti de 8000 fg à 10.000 gf parce que le carburant est à 80 dollar. Maintenant si ce même carburant baisse autour de 50 dollar, on ne devrait pas diminuer 500 fg mais peut être 2500 fg ou plus si vraiment on a joué la flexibilité
Alors pour vous, qu’est-ce que l’Etat devrait faire pour mieux expliquer cette théorie de flexibilité à la population avant de rendre officielle cette baisse de 500 fg sur ce prix?
J’aurai souhaité que le gouvernement communique mieux pour dire qu’à chaque centime sur le marché international, correspond à tel franc guinéen sur le marché national à la pompe. C’est ça la théorie de la flexibilité, de l’augmentation en diminution. Ça veut dire que de 50 dollar on est 5000 fg, de 80, à 8000 fg et de 100, à 10.000 fg. Donc, quand la baisse vient aussi, on doit suivre le même jeu. Je veux tout simplement dire, au lieu de nous dire qu’on a baissé à 500 fg, ils auraient dû expliquer qu’en appliquant ce principe de flexibilité du prix, c’est égal à 500 fg de baisse ou plus. Mais s’asseoir en conseil de ministre pour nous dire qu’on a diminué de 500 fg, est une façon de s’éloigner davantage sur les lois qui régissent la constitution de notre pays. Car, la flexibilité est devenue une loi que les deux parties doivent respecter.
Aujourd’hui, les politiques qualifient cette réduction d’injures à l’intelligence du peuple de guinée, qu’en dites-vous ?
Je donnerai raison à ces politiques car, le manque du respect de l’accord par le gouvernement veut simplement dire qu’il ne nous respect pas. Moi je préférais la loi au dépend de la faveur car la faveur c’est juste pour un temps et la loi elle, rassure tout le monde. Lorsque le gouvernement ne veut pas baisser plus que la baisse sur le marché international, cela signifie que l’état de nos finances reste très préoccupant.
Cette réalité est même démontrée par un penseur que j’aime toujours répéter ces mots. Il dit que lorsque le pays est en difficulté budgétaire, et qu’il n’y a pas d’autres ressources supplémentaires pour compenser le déficit, il faut taxer l’énergie. Autrement dit s’il n’y a pas de difficultés, on ne doit pas taxer l’énergie parce que ce penseur lui-même reconnait que la taxation de l’énergie freine et nie carrément à l’économie. Vous ne pouvez pas taxer l’économie et vous dites qu’il y a accélération de l’économie, ce n’est pas possible car ce sont deux choses contraires. C’est comme si vous me dites, je veux aller vite, mais quand je freine, j’irai plus vite.
Pensez-vous que cette baisse aura un impact positif sur le panier ménager et en même temps sur les petites coupures ?
Cette diminution n’a ni d’impact sur le panier ménager ni sur le transport car la masse de réduction est faible. D’ailleurs elle sera plutôt compliquée pour les pompistes en même temps pour les passagers. Parce que si tu n’as pas de monnaie, tu vas devoir continuer au risque de perdre en temps. C’est inapplicable et on ne peut percuter ça dans le transport.
Économiquement parlant, votre constat sur le nouvel an ?
L’année 2019 commence mal et très mal. Car, il y a encore moins d’espoir et les décisions de ce gouvernement ne sont pas les bonnes décisions qui rassurent le peuple. Si on nous avait dit 6000fg, peut-être on aurait déjà dit au revoir les déficits budgétaires. Mais si on s’accroche à 500fg symbolique comme diminution qui n’a pas de justification de rationalités ni économiques ni budgétaires moins sur le plan d’accords juridiques et que ça chute d’ailleurs de la décision d’un gouvernement, ça signifie que le peuple n’est pas rassurer. On s’attendait à d’autres problèmes économiques beaucoup plus importants et entrainés par ceux financiers. Mais c’est que l’Etat est encore en train de rechercher des ressources supplémentaires qu’il trouvera avec la taxe en maintenant ce prix du carburant.
Propos recueillis par Sâa Robert Koundouno