Incarcéré au Japon depuis deux mois, le désormais ex-PDG du constructeur automobile a démissionné dans la nuit de mercredi à jeudi, a annoncé Bruno Le Maire.
Son départ de la tête de Renault était devenu inéluctable depuis son incarcération au Japon : Carlos Ghosn a démissionné de la présidence de Renault dans la nuit du mercredi 23 au jeudi 24 janvier, a annoncé le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, jeudi matin lors d’une interview à Bloomberg en marge du Forum économique mondial de Davos.
« Désormais il est temps de mettre en place une nouvelle gouvernance [du constructeur automobile] parce que le plus important aujourd’hui, c’est de préparer le futur de Renault et de l’alliance » avec Nissan, a ajouté Bruno Le Maire.
Conseil d’administration
Ces déclarations interviennent à quelques heures d’un conseil d’administration du groupe au losange pour définir la succession de son PDG, incarcéré depuis deux mois au Japon pour des malversations financières présumées.
Carlos Ghosn est soupçonné d’avoir omis de déclarer aux autorités boursières entre 2010 et 2018 une grande partie de ses revenus au titre de ses fonctions chez Nissan. Son procès, au terme duquel il risque jusqu’à quinze ans de prison, n’aura pas lieu avant plusieurs mois.
Le tandem composé de Thierry Bolloré, adjoint et dauphin désigné de Carlos Ghosn, et de Jean-Dominique Senard, patron de Michelin, devrait être intronisé officiellement.
M. Senard, 65 ans, deviendrait président du conseil d’administration. Il jouit d’une image de patron social et a les faveurs du gouvernement français, alors que l’Etat est premier actionnaire de Renault avec 15 % du capital et quelque 22 % des droits de vote. Il avait prévu de passer la main en mai à la tête de Michelin et y a déjà mis sa succession en bon ordre.
Quant à Thierry Bolloré, il assurait l’intérim depuis la fin novembre et représente la continuité au sein du groupe qu’il a rejoint en 2012, en provenance de l’équipementier Faurecia. Il devrait être chargé de la direction générale. Ce Breton de 55 ans est fin connaisseur de l’Asie et du Japon, un vrai plus à l’heure où les rapports futurs entre Nissan et Renault interrogent jusqu’en interne.
En effet, si le directeur général de Nissan, Hiroto Saikawa, martèle que l’alliance entre Renault et Nissan, bâtie par Carlos Ghosn, n’est « absolument pas en danger », les interrogations restent importantes.
Succession problématique pour l’alliance
Qui, par exemple, va présider cette alliance ? La succession à la tête du numéro un mondial de l’automobile en 2017 avec 10,6 millions de véhicules vendus, dont 3,76 millions pour Renault et 5,81 millions pour Nissan, s’annonce comme un casse-tête. Même si les statuts prévoient que le PDG de l’entité enregistrée aux Pays-Bas soit nommé par Renault, alors que Nissan choisit le vice-président.
Renault détient 43 % de Nissan, qui lui-même possède 15 % de Renault (mais sans droit de vote) et 34 % de Mitsubishi. Juridiquement, le pouvoir est donc bien aux mains de Renault. Mais Nissan pèse près de deux fois plus que la marque au losange en Bourse, et la situation génère des rancœurs au Japon. Même si Renault a sauvé le constructeur japonais de la faillite en 1999, certains estiment que la structure actuelle de l’alliance ne traduit pas le véritable poids de leur entreprise.
Une remise à plat de cet édifice subtil, dont Carlos Ghosn était la clé de voûte, pourrait signifier une perte d’influence de Renault. « Un des enjeux récents était de s’intégrer davantage » pour rendre plus visible les bénéfices de l’alliance, estimait fin novembre Tommaso Pardi, directeur adjoint du Groupe d’étude et de recherche permanent sur l’industrie et les salariés de l’automobile (Gerpisa). Mais l’affaire Ghosn montre, selon lui, que « le fait d’aller plus loin était peut-être plus compliqué qu’on l’avait pensé ».
Pas de fusion en vue
Dimanche dernier, Bruno Le Maire a, en tout cas, démenti avec vigueur des informations de médias japonais selon lesquels des représentants de l’Etat français auraient plaidé pour une fusion entre Renault et Nissan. Un scénario qui « n’est pas sur la table ».
« Le rôle du prochain président, c’est de renforcer l’Alliance, de renforcer ce géant industriel qui est aujourd’hui le premier constructeur automobile mondial. C’est la responsabilité première du prochain président », a-t-il aussi estimé sur BFM-TV, tandis que le directeur général aura à gérer « le fonctionnement opérationnel ».
Le défi est donc de taille pour le tandem qui doit prendre les rênes du groupe français jeudi, même si Carlos Ghosn leur lègue une entreprise en bonne santé financière. Il aura augmenté le volume des ventes mondiales de plus de 50 % à près de quatre millions de véhicules (hors Nissan et Mitsubishi), en développant notamment le créneau du low cost avec les marques Dacia et Lada.
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