Dans cet entretien accordé à notre reporter ce lundi 18 février 2019, Michel Balamou, secrétaire général du Syndicat National de l’Education, passe en revue de la situation des enseignants contractuels et la crise que connait le secteur éducatif depuis des années. En passant par les raisons qui font que ces contractuels manifestent ces derniers temps, Michel Pépé fustige également l’amateurisme et le caractère politique de certains chefs à la tête du département de l’éducation pré-universitaire. Chose du coup selon lui, les enfants Guinéens viennent au collège bancal, au lycée handicapés et à l’université complètement amputés intellectuellement.
Maguineeinfos.com : Récemment, le Président de la République a ordonné à son ministre de l’éducation nationale de revoir le cas des enseignants contractuels pour leur prise en charge. Où en sommes-nous avec cette situation ?
Michel Pépé Balamou : Oui bien entendu ! Monsieur le président a instruit lors de l’un des conseils des ministres de reverser des enseignants contractuels dans le corps des enseignants ce qui est du coup, leur donne la chance d’intégrer la fonction publique. Mais le problème est qu’au niveau du ministère de l’éducation national et de l’alphabétisation, il y a des esprits malins qui ont des assistants, stagiaires et des parents qu’ils ont infiltré dans le lot. C’est pourquoi d’ailleurs le nombre est élevé à 16 milles étant donné que sur le terrain pratiquement il n’y a pas la moitié des 16 milles qui évoluent. C’est pour cette raison que ces jeunes qui ont sauvé l’honneur de la République méritent des médailles pour service rendu à la République. Ils sont donc venus s’affilier à notre structure même si elle est naissante. Alors nous allons porter leurs revendications d’autant plus que la plateforme revendicative que nous avons déposée au niveau du gouvernement fait mention de leurs cas.
Engager directement ces enseignants contractuels dans la fonction publique certes est une bonne chose estiment certains. Mais passé par un test selon les règles n’est-il pas la meilleure des choses à votre avis ?
Le test est une bonne chose car nous, nous sommes des enseignants en situation de classe. Nous évaluons nos enfants et nous savons que l’évaluation est l’un des critères de performances de la qualité de l’enseignement-apprentissage. Mais en République de Guinée, on sait ce que le test représente. C’est comme le cas 2016 où on leur a demandé de faire des simples formalités. Et, en lieu et place des contractuels, on a pris d’autres personnes. Du coup, on a vu que 33 admis sur 1000 et quelques contractuels candidats à ce test et le reste étaient des gens qu’on a pris de gauche à droite. Ce sont ces gens-là qui sont aujourd’hui des gangrènes du système éducatif guinéen. Ils ne savent même pas lire certaines épreuves de dictée et de rédaction lors des compositions. Alors, à partir du moment où ces jeunes ont été évalué par l’inspection sous le critère diplôme c’est-à-dire, chacun est sorti de quelle université, le niveau compétences académiques et celui de la pédagogie sanctionné par une note, je crois qu’il suffit de déganter à partir de cela afin de prendre ceux qui ont des bonnes notes. Donc nous, nous pensons que ces jeunes contractuels bénéficient d’une présomption de compétences d’autant plus qu’ils sont déjà été évalués en classe et le meilleur inspecteur c’est l’élève, c’est le chef de l’établissement mais également l’inspection général de l’éducation l’IGE.
Les enseignants contractuels disent être menacés ces derniers temps par les titulaires. Dites-nous ce que vous en savez ?
Je crois que ceux qui étaient venus de la grève pensaient que c’est eux qui étaient à la base de l’échec de leur mouvement. Et s’ils n’étaient pas venus, c’est que la grève allait aboutir à des résultats concluants. Par conséquent, ce ne sont pas tous les enseignants titulaires. D’autres étaient animés d’une haine viscérale à leur endroit. Mais je crois aux jours d’aujourd’hui, il y a un climat de sérénité dans les établissements scolaire. Sauf que ces enseignants contractuels dans la majorité, ont décidé de ne pas venir en classe et c’est quelque chose qui est vérifiable sur le terrain.
Alors expliquez-nous les raisons qui font que ces contractuels manifestent de nos jours ?
Ils sont indignés, frustrés et déçus de l’attitude de monsieur le ministre Mory Sangaré qui semble être beaucoup plus un politique qu’un technicien du département de l’éducation. Il est venu de l’intérieur du pays et qui, ne connait pas fondamentalement les rouages du ministère de l’éducation nationale. Du coup, il s’est entouré de cadres qui, chacun selon ses prétentions essaye de le tirer l’oreille de gauche à droite et finalement il ne maîtrise rien. C’est pourquoi, il a sorti une note circulaire adressée aux différents DPE et à démultiplier au niveau des chefs d’établissement leur demandant de remercier les enseignants contractuels et de leur dire de rester à l’attente qu’on est en train d’examiner leurs dossiers et on les fera appel. Conséquence, on a assisté à la juxtaposition de deux faits. La fin de la grève et le retour des enseignant grévistes dans les classes. Cela indigne une fois encore. C’est pourquoi ils ont préférés se faire entendre d’autant plus qu’ils ont sauvé l’école de la République.
Il y a d’autres qui disent que ces enseignants avaient été recrutés juste pour combler le vide qu’a connu l’école guinéenne pendant un moment et cela suite à la grève du SLECG. Maintenant que l’accord est trouvé, ces contractuels selon vous, ne sont-ils pas en train d’être pris dans leur propre piège ?
Non, ils ne sont pas en train d’être pris par leur propre piège connaissant que la Guinée a un déficit important d’enseignants. C’est aujourd’hui l’un des rares pays au monde où il y a encore des enseignants communautaires dans les villages. Les parents sont contraints de contribuer afin de leur trouver du riz, de logement et salaire. C’est là-bas que nous voyons également un enseignant pour deux promotions 1ere et 2eme année. Et aussi un enseignant dispensé 3 matières en même temps.
Bientôt le démarrage du toilettage du fichier des enseignants. Qu’est-ce qui a fait que vous n’avez pas fait partie des personnes retenues pour ce toilettage ?
Nous avons salué la signature du protocole tripartite du 10 janvier entre le gouvernement, le SLECG et l’USTG. Sur les 12 points de cet accord, nous nous sommes opposés au 2eme point qui parle de ce toilettage de l’éducation. Nous avons cru que ça devait être un toilettage transversal pensant que ce n’est pas seulement les enseignants du SLECG qui devraient être recensés mais plutôt, de toutes les structures syndicales. Mais le SLECG d’Aboubacar Soumah s’est catégoriquement opposé pour notre participation chose que nous n’avons pas acceptée. C’est dans ce sens que nous avons été saisis par le ministre de travail nous demandant notre contribution quant à la bonne réussite de cette opération chose que nous avons déjà faites. Donc nous allons bien participer au même titre que le SLECG au niveau des opérations de supervisions pour ne pas que nos hommes se sentent marginalisés.
Avec cette allure, selon vous, est-ce que ce pays pourrait avoir des élites capables de le représenter partout à travers le monde ?
Pour le moment je ne dirai pas que ces élites n’existent pas mais, il faut un véritable travail fourni pour les retrouver. Pour preuve, aujourd’hui le constat donne que les maîtresses qui enseignent au niveau primaire n’enseignent pas bien. Conséquence, les enfants viennent au collège bancal, au lycée handicapés et à l’université complètement amputés intellectuellement. C’est pourquoi lorsque vous demander aux étudiants de nos jours d’écrire une demande de stage ou d’emploi, une lettre de motivation, sur 100, vous ne verrez que 10 à 15 qui vont valablement le faire comme les règles le voudraient. Ça veut dire que l’école guinéenne se meurt aujourd’hui de l’amateurisme de nos dirigeants et de sa très forte politisation parce que les nominations sont faites sur la base des associations politiques. C’est ce qui fait que nous avons des DPE qui n’ont aucun charisme mais se retrouve avec ce titre à cause des récompenses politiques. Sinon ceux d’avant partaient à Dakar pour suivre les formations en administration et ils venaient très bien outiller. Donc, une nécessité d’organiser les Etats généraux de l’éducation avec les acteurs qui ont la craie en main, pas avec ceux qui sont dans les bureaux climatisés. Et si c’est comme ça, j’ose croire qu’on pourra faire le diagnostic du système éducatif et trouver solutions idoines qui peuvent nous permettre de sauver l’école guinéenne.
Vu toutes ces tracasseries que connait l’école guinéenne de nos jours, quelle solution proposez-vous afin de redonner une belle image à ce secteur, particulièrement le pré-universitaire ?
Depuis 2006, on est dans l’intense totale et permanente dans nos concessions scolaire, surtout au niveau pré-universitaire. Cette autre partie du secteur éducatif guinéen manque de leaderships. Regardez aujourd’hui au niveau de l’enseignement supérieur et celui professionnel, vous n’entendez aucun brouille. Mais pourquoi c’est toujours le pré-universitaire ? Vous le comprendrez avec moi que le choix des hommes qui dirigent ce département laisse à désirer et c’est ça un peu le problème. Alors pour nous, il faut un leadership qui dispose d’une capacité managériale à anticiper les crises. Les enfants Guinéens n’ont jamais fait au-delà de 4 mois de cours intenses, et cela joue sensiblement sur la qualité de l’enseignement reçu et le niveau de l’éducation en république de Guinée. Mais, le jour où on aura cet homme de poigne à la tête du département de l’éducation, vous verrez que tout va se maîtriser. A défaut, nous envisageons que le gouvernement organise un forum national sur le dialogue social afin de signer une trêve sociale avec les acteurs sociaux, mais sur la base des propositions concrètes et des feuilles de routes très claire.
Entretien réalisé par Sâa Robert Koundouno