Qui est mieux placé dans le gouvernement pour s’opposer au funeste projet de troisième mandat que le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, gardien de la Constitution, protecteur de l’État de droit et garant ultime des droits et libertés fondamentaux ? Le Ministère de la Justice, institution régalienne par excellence, fait du Garde des sceaux la voix la plus autorisée dans la République pour défendre ou rejeter un projet de réforme constitutionnelle. Il n’est pas superfétatoire de rappeler que la position de Cheick Sacko à la tête d’un Ministère d’État lui valait d’être classé deuxième dans l’ordre protocolaire. C’est en cela que sa démission constitue un cinglant désaveu pour Alpha Condé et fragilise son projet de sacrifice de douze millions d’habitants sous l’autel de ses ambitions personnelles et égoïstes.
Un examen minutieux du contenu de la lettre de démission de l’ancien Ministre de la Justice interpelle particulièrement quant à son opposition non seulement à la modification de la Constitution, mais aussi à son changement, laquelle opposition fondant essentiellement son incapacité à continuer d’exercer ses fonctions. Une autre affirmation de l’ancien Ministre a de quoi dérouter lorsqu’il mentionne ne pas avoir été associé, en sa qualité de Garde des Sceaux, à la rédaction de la nouvelle Constitution. C’est à se demander dans quelle République il est permis de rédiger une nouvelle Constitution destinée au peuple dans la clandestinité par quelques mercenaires, si ce n’est dans celle d’Alpha Condé.
En se désolidarisant aussi ouvertement de ce projet et en refusant de s’associer à une telle entreprise aux conséquences néfastes pour la paix et la stabilité nationale et sous-régionale, l’ancien Garde des Sceaux ouvre la voie à ses homologues ministres qui gagneraient à s’inspirer de son exemple en lui emboîtant le pas. Il est de l’homme de se tromper, et d’un fou de persévérer dans son erreur, soutenait Cicéron. Il envoie en outre un signal fort au Chef de l’État, cet autre gardien de la Constitution qui ferait mieux de renoncer au tripatouillage constitutionnel en cours et dont la réalité n’est plus sujet à discussion.
La démission de Cheick Sacko peut être appréhendée, in fine, comme une invitation adressée aux magistrats à s’armer de courage en disant le droit, rien que le droit, et à investir le champ juridique laissé trop souvent vacant aux opportunistes et autres thuriféraires parlant au nom du peuple quand il s’agit de Constitution, et brillant par leur absence lorsque ce même peuple se fait emporter dans des inondations. Où sont donc les défenseurs de la voix du peuple ?
La mise en danger de notre pays par un groupuscule de personnes attachés à leurs intérêts irrationnels est telle qu’il faut être frappé de cécité et de surdité pour ne pas les arrêter à temps. C’est en cela que Cheick Sacko, au-delà de sa démission, gagnerait à aller au bout de la logique en ralliant le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC).