Voici votre interprétation de l’article 51 de notre Constitution :
« L’article 51 de la constitution pourrait donc servir de base juridique à un référendum portant sur une nouvelle constitution eu égard à son contenu (organisation des pouvoirs publics, droits et devoirs des citoyens, etc.) »
Pour vous contredire, je me propose de faire un commentaire de l’article 51 de notre Constitution. Pour suivre ma démonstration, le lecteur peut consulter le texte intégral de l’article 51 de la Constitution du 7 mai 2010.
COMMENTAIRE
Le référendum est une technique d’exercice de la souveraineté qui permet de saisir le peuple, afin que celui-ci se prononce par OUI ou NON sur une question politique donnée.
L’article que nous commentons ici, est le fondement juridique, le siège du référendum législatif dans notre Constitution.
Qu’est-ce que le référendum législatif ?
Le référendum législatif : C’est l’adoption directe d’une loi par le peuple. Ce référendum est prévu à l’article 51. Cette disposition donne une compétence, une habilitation législative limitée, spéciale au peuple pour adopter des lois. Elle fait du peuple un législateur, alors qu’en générale, ce sont les représentants du peuple qui sont législateurs.
Mais cette disposition (article 51), pose des conditions de forme et de fond pour l’exercice par le peuple de cette compétence législative.
LES CONDITIONS DE FORME :
- Consulter le président de l’Assemblée nationale : Qui peut imaginer Kory KONDIANO, donner un avis négatif au président ? En tout état de cause, son avis ne compte pas, ne lie pas le président, c’est juste une formalité.
- Recueillir l’avis de la Cour Constitutionnelle : là encore, qui peut imaginer le président Mohamed lamine BANGOURA, donner un autre avis que celui du président ?
Donc, ces deux conditions de forme, en l’état actuel de notre pays, ne constituent qu’un simple biscuit à grignoter pour le président.
LES CONDITIONS DE FOND /LES SUJETS CONCERNÉS PAR LE RÉFÉRENDUM
Si l’article 51 rend le peuple « législateur d’un jour », il liste limitativement les sujets pour lesquels le peuple est habilité à légiférer lors de ce référendum. Par conséquent, le peuple n’est pas à saisir par référendum pour tous les domaines, tous les sujets, la disposition ne donne pas une compétence législative générale au peuple.
Ainsi, la liste des sujets concernés par l’article 51 varie selon deux situations différentes :
1- Situation 1 : quand c’est le président qui prend l’initiative de saisir le peuple pour le référendum : Dans cette situation, l’objet du référendum doit porter exclusivement sur les sujets suivants :
- l ‘organisation des pouvoirs publics ;
- la promotion et la protection des libertés et des droits fondamentaux ;
- l’action économique et sociale de l’État ;
- la ratification d’un traité, c’est-à-dire l’approbation d’un traité.
2-Situation 2 : quand ce sont les parlementaires qui sont à l’initiative du référendum: Là aussi, l’objet du référendum doit porter sur les domaines suivants :
- organisation des pouvoirs publics ;
- libertés et droits fondamentaux.
Quelques remarques :
-Nous voyons que, lorsque c’est le président qui est à l’initiative du référendum législatif, il y a 4 grands sujets qui peuvent faire l’objet du référendum, mais quand c’est l’Assemblée nationale qui est à l’initiative, seuls deux sujets peuvent faire l’objet du référendum législatif.
-Nous ne voyons nulle part, parmi les sujets listés par l’article 51, de « révision constitutionnelle », de « texte constitutionnel » ou encore de « nouvelle constitution », comme indiqué par le professeur ZOGBELEMOU.
Le professeur ZOGBELEMOU profite de l’ambiguïté de la notion d’«organisation des pouvoirs publics », pour soutenir que le président de la république peut sur la base de cette notion, saisir le peuple pour l’adoption d’une nouvelle constitution. Là, ce n’est pas le professeur de droit qui parle, mais l’homme politique qui cherche à tout prix à faire passer une réforme.
En effet, l’article 51 porte exclusivement sur l’adoption des lois, des lois dites référendaires. Donc, même pour modifier notre Constitution on ne peut utiliser l’article 51, a fortiori pour l’adoption d’une nouvelle Constitution. Pour toute révision constitutionnelle par le peuple, c’est-à-dire, tout référendum constituant, il faut se reporter à l’article 152. Quant à l’adoption d’une nouvelle Constitution, cela n’est prévue nulle part dans notre constitution, du préambule à la dernière ligne de notre Constitution.
L’article 51 de notre Constitution correspond à l’article 11 de la Constitution française qui consacre le référendum législatif aux mêmes conditions que notre article 51.
Voyons ensemble la pratique du référendum en France sur le fondement de l’article 11 de la Constitution française (notre article 51)
En 1962, le général de Gaulle, pour un motif « d’organisation des pouvoirs publics » a initié une révision constitutionnelle sur le fondement de l’article 11 de la Constitution française (notre article 51), alors même que la procédure de révision constitutionnelle a pour siège l’article 89 de la constitution française (notre article 152).
Cette décision du général entraîna de vives critiques et une grave crise politique en France, le gouvernement de Georges POMPIDOU chuta par une motion de censure votée par les parlementaires, ensuite, une dissolution de l’Assemblée nationale par le général s’en est suivie.
La procédure aboutit par l’adoption par référendum de la loi constitutionnelle Une loi constitutionnelle est une loi qui modifie, révise la Constitution) n°62-1292 du 6 novembre 1962 modifiant les articles 6 et 7 portant sur l’élection du président de la république au suffrage universel direct.
Ensuite, en 1969, le général a eu de nouveau recours à l’article 11 pour modifier la Constitution portant sur la réforme du sénat et la régionalisation. Les Français votèrent NON à 52%, et le général de Gaulle démissionna.
Récapitulons ensemble : Le choix par de Gaulle de réviser la Constitution sur la base de l’article 11(article 51 en Guinée) au lieu de l’article 89 (article 152 en Guinée), entraîna les conséquences ci-dessous :
-la chute d’un gouvernement, celui de Georges POMPIDOU.
-la dissolution d’une Assemblée nationale
-la démission d’un président comme de GAULLE.
En outre, depuis l’échec de 1969, l’article 11 n’a plus jamais été utilisé pour réviser la Constitution. La disposition est restée cantonnée à sa vraie raison d’être : le référendum législatif, l’adoption des lois directement par le peuple, selon les sujets strictement concernés. Pour la révision de la Constitution, c’est l’article 89(notre article 152) qui est utilisé.
Enfin, je me permets de lister à Monsieur le professeur, les 8 référendums organisés en France sur la base de l’article 11 de la Constitution française (donc notre fameux article 51). Le Professeur peut aisément remarquer que, sur les 8 référendums organisés sur le fondement de l’article 11(notre article 51), cinq portent justement sur « l’organisation des pouvoirs publics », deux sur une révision constitutionnelle avec les conséquences que nous venons d’indiquer, zéro initiative, zéro projet sur une nouvelle constitution sur le fondement de l’article 11(notre article 51).
- Le référendum du 8 janvier 1961 : sur l’autodétermination des populations algériennes (et l’organisation des pouvoirs en Algérie), 73% de OUI.
- Le référendum du 8 avril 1962 : autorisant le président de la république à conclure des accords et prendre des mesures pour l’application des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962(accords d’Evian), 91% de OUI.
- Le référendum du 28 Octobre 1962 : consacrant l’élection du président de la république au suffrage universel direct, 62% de OUI.
- Le référendum du 27 avril 1969 : portant création des régions et rénovation du sénat, 52% de NON.
- Le référendum du 23 avril 1972 : autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion à la communauté européenne du Royaume-Uni, du Danemark, de l’Irlande et de la Norvège, 68%.de OUI
- Le référendum du 6 novembre 1988 : portant dispositions statutaires et préparatoires à l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998, 80% de OUI.
- Le référendum du 20 septembre 1992 : autorisant la ratification du traité de l’Union européenne (traité Maastricht), 51% de OUI.
- Le référendum du 29 mai 2005 : ratification du traité instituant une constitution pour l’Europe, 55% de NON.
CONCLUSION :
Monsieur le Professeur, si ce que je viens d’expliquer ici est faux, je vous prie, de bien vouloir vous rendre chez les GG pour dire ceci « Ce petit raconte des sornettes ».
JJR