Chaque année, le mois de juin est consacré au mois de l’enfant. Une occasion mise à profit pour célébrer le droit de l’enfant dans le monde. Mais en Guinée, il reste souvent mal perçu par les pouvoirs publics et bon nombre des Guinéens. Dans cette interview accordée à notre rédaction, Madame Diané Hélène Benjamin, Présidente Fondatrice de l’ONG Protection Fille Femme de Guinée (P.F.F.G) a évoqué non seulement les traitements dont sont victimes des milliers d’enfants mais aussi interpellé l’Etat sur ces responsabilités.
Cela fait des années que le mois de juin reste un mois généralement consacré aux enfants, alors dites-nous tout d’abord ce que ce mois signifie dans la vie pour l’enfant?
Lenfant c’est l’avenir du monde. Effectivement, on est dans le mois de l’enfant, on a le devoir de les célébrer, de les instruire, de les sensibiliser sur leur participation dans la société. Donc pour l’ONG, on a jugé nécessaire cette fois-ci de célébrer dans un orphelinat dans la commune de Matoto à Dabompa précisément à l’orphelinat Hakuna Matata. Cela signifie beaucoup, on va parler un peu de leurs droits mais aussi leurs devoirs. Ensuite, on va célébrer avec des troupes artistiques, un acte pour marquer notre solidarité à leur égard.
Le constat révèle qu’ils sont toujours victimes de maltraitance humaine dans certains pays comme la Guinée. Quel regard portez-vous sur ce sujet dans le monde en général et la Guinée en particulier ?
Evidemment, le 12 juin c’est la journée mondiale contre la traite des enfants. Malheureusement en Guinée, quand vous sortez c’est des enfants que vous voyez dehors avec des plateaux sur la tête en train de vendre des sachets d’eau, des fruits ou n’importe quoi. Ces enfants ne sont pas bien traités en Guinée. J’ai fait un constat, j’ai même fait un écrit dessus. Une fois j’allais à l’intérieur du pays, jai trouvé dans une zone de Conakry qu’il y avait des enfants mineurs de moins de 5 ans sur la route à 21h-22h entrain de vendre, c’est très effrayant. Alors, je pense que cela est très critique, les autorités devraient voir dedans en approchant des familles qui font sortir leurs enfants. L’enfant n’est pas une source de revenus pour la famille mais plutôt, il est l’avenir. Donc, il faut les protéger, les mettre à l’école car ils ont droit à l’éducation, à la nourriture, à la santé et à être dans un environnement bien choisi. A cet effet, on peut les considérer comme assurance retraite des parents peut-être (rires). Dans le code de l’enfant, il doit y avoir un article sur la traite des enfants et je pense que la loi devrait être appliquée contre ceux ou celles qui font employer ces enfants dans cet état-là.
Selon vous, pourquoi ce traitement inhumain à l’égard de ces enfants innocents qui ont pourtant besoin dêtre assistés?
Je vais vous dire, la Guinée est devenue si pauvre. Les gens ont perdu du boulot, alors c’est les femmes qui soutiennent les familles dans beaucoup de foyers, les hommes n’ont pas de travail. Pour apporter un plus pour la famille, on met les enfants dehors pour compléter un peu ce qu’on gagne dans la maison et ça, c’est juste dommage. Imaginez que vous voyez un enfant passé dans les rues entre 20h ou 21h avec deux sachets deau juste, il n’a pas le droit de rentrer chez lui tant que cette marchandise n’est pas vendue, ce n’est pas normal encore une fois. Par exemple, moi quand je suis devant ma cour en voyant un enfant, je l’appelle pour acheter ces sachets d’eau en espérant que l’enfant va rentrer chez lui bien sûr. Alors tout ce problème est lié à la pauvreté accrue, c’est comme la vente à la sauvette, la majeure partie c’est des enfants adolescents qui se mettent en danger.
Avez-vous des statistiques relatives à ces actes dont sont victimes ses milliers denfants en Guinée ?
Est-ce qu’on a une base des données en Guinée ? Mais j’échange quand-même avec quelques personnes notamment les cadres du ministère de l’action sociale qui m’ont dit que, quand ils vont dans la famille de ces enfants, c’est les parents eux même qui leur font des histoires. Malheureusement, il n’y a pas de statistiques. On va dire que tout Conakry est envahi par des enfants.
Déjà que votre organisation œuvre dans ce sens, alors parlez-nous d’après quelques observations sur le terrain, de vos actes posés pour la lutte contre les violences faites aux enfants ?
Nous on ne peut que sensibiliser, les ONG c’est ce quelles font en réalité. Dernièrement on était dans une réunion à l’Ambassade de la Grande Bretagne pour tabler sur cette problématique pourquoi la violence sur les enfants, notamment sur des jeunes filles? Tout ce qu’on peut faire, c’est de sensibiliser et mener nos actions quelque soit peu. Nous les ONG, on n’est pas accompagné, on le fait avec nos moyens de bord et je crois que si chacun faisait ce qu’il peut, on allait voir une autre figure pour ces enfants. Et dans ce cas, il faut une synergie d’action. Pour le moment, nos activités sont concentrées beaucoup plus à Conakry, mais on espère installer nos antennes à l’intérieur du pays pour qu’on puisse y mener des activités aussi. En outre, on a une antenne aux Etats-Unis, et on a projetté de mener des activités là-bas autant qu’ils le font avec nous ici.
Ces dernières années en Guinée, plusieurs enfants particulièrement les petites filles sont victimes de viol. Qu’avez-vous fait à ce niveau pour non seulement traduire les présumés coupables mais aussi pour sauver la vie de ces enfants ?
On ne fait que dénoncer, on sensibilise. Et vous le savez de nos jours plus de 160 cas de viols sont enregistrés juste pour le premier semestre de l’année 2019, cest trop. Et là c’est ce qui est reporté car beaucoup ont peur de dénoncer par peur dêtre stigmatisés dans la société. Mais quand ces actes se produisent, on va au-delà de la sensibilisation, on parle désormais de prévention. Il faut une certaine éducation aux enfants, il faut parler surtout aux parents pourquoi ils laissent leurs enfants dans la rue sachant que ces derniers sont à risque d’être violentés. On assiste les victimes aussi matériellement, financièrement et moralement. Quand il y a un cas, on est interpellé par l’OPROGEM, on se saisit du cas, on approche les parents pour leur proposer notre aide notamment dans laccompagnement medical et psychologique.
Pour le cas des présumés coupables, quand l’OPROGEM défère le cas à la justice, ça prend énormément du temps. Et je déplore cela car le système judiciaire guinéen est très lent. PFFG est sur un cas depuis le 15 janvier jusquà présent le cas est en instruction. Ils nous disent quils ont besoin de plus de preuves. Pourtant le médecin légiste a déjà fait le rapport. J’avoue que ça ne va pas loin. Je voudrais que la justice applique la loi au plus vite en tenant compte du code pénal sinon il y aura entre temps le désistement, la corruption peut également sinviter dedans.
Qu’en est-il des liens qui existent entre vous et les autres ONG et Institutions Nationales et Internationales uvrant dans ce même combat que vous?
La question du partenariat proprement dit, on n’a pas d’abord scellé. Mais on va souvent en rencontre avec d’autres ONG à l’Ambassade de la Grande Bretagne. On travaille aussi avec le ministère de l’action sociale dans l’élaboration du rapport BEIJING 2025.
Quelles sont vos ambitions futures afin de palier complètement au traitement inhumain des enfants ?
L’ONG Protection Fille Femme de Guinée (PFFG) veut aller au-delà de nos frontières et être mondialement connue. Notre souhait cest dinstaller nos antennes partout dans le but de protéger et promouvoir le droit de lenfant.
Qu’avez-vous à dire à l’endroit des parents et à l’Etat sur cette question d’actualité ?
Je souhaiterais que l’Etat applique dans la rigueur de la loi, des peines sur ces familles qui mettent leurs enfants dans la rue car ces derniers ne sont pas des sources de revenus, ils sont innocents et de surcroît des futurs cadres du pays (ministres et présidents). Aux parents d’éviter la maltraitance des enfants. Il faut les encadrer, il n’est jamais tard pour leur donner une bonne éducation.
Interview réalisée par Mamadou Adama Barry pour maguineeinfos.com