Pour tout pays doté d’importantes ressources naturelles, la malédiction des matières premières est comme une épée de Damoclès au-dessus des gouvernements successifs. Nombreux sont les États où les revenus des ressources minières sont devenus une rente pour une élite prédatrice au lieu de servir de vecteur pour le développement durable et inclusif national, déplore le président du Guinean Young Professionals Club, Amadou Sako.

Depuis plusieurs années, la Guinée vit une effervescence minière comme notre pays, qualifié de scandale géologique, n’en a jamais connu. Si les gisements ferreux de Simandou ont longtemps nourri des espoirs jamais concrétisés, c’est aujourd’hui la bauxite qui capte la majorité des investissements miniers. Désormais, la Guinée est le 3e producteur du minerai rouge dans le monde avec 60 millions de tonnes en 2018, et compte bien développer ses autres richesses minières comme le fer, l’or, le graphite.

Au-delà des enjeux de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, cette manne implique que le gouvernement s’assure de la « licence sociale » de l’ensemble des projets miniers dès leur conception – c’est-à-dire de la prise en compte de l’adhésion des communautés riveraines au projet, mais également de l’intégration de la dimension sociale et environnementale dans sa réalisation.

Avancées et blocages

Dans le cas de la Guinée, plusieurs réformes mises en œuvre ces dernières années ont permis d’améliorer la gouvernance du secteur. Dans son dernier rapport sur la Guinée publié en mai dernier, l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) met en avant plusieurs mesures prises par Conakry pour améliorer la gouvernance du secteur comme l’intégration des sous-traitants miniers au sein du périmètre de l’ITIE ainsi que la hausse des revenus miniers reversés au sein des communautés.

Des réformes également saluées par le Natural Resource Governance Institute (NRGI) dans sa nouvelle évaluation de l’Indice de gouvernance des ressources naturelles. Depuis 2017, NRGI souligne les avancées notables de l’État guinéen concernant la transparence sur l’attribution des titres, la publication des activités sectorielles et la transparence sur les activités de la société d’État, la Société guinéenne du patrimoine minier (Soguipami).

Si la gouvernance des ressources minières semble réellement s’améliorer, tout n’est pas parfait comme en témoigne le blocage pour la finalisation de la loi sur la propriété réelle des titres miniers ou le retard pris dans la mise en œuvre effective du Fonds national de développement local (FNDL) et le Fonds de développement économique local (Fodel).

L’État guinéen va donc faire face à de nombreux défis dans les mois et années à venir pour faire bénéficier au plus grand nombre des fruits de l’exploitation minière.

Redistribution aux collectivités et emploi local

La mise en œuvre de la redistribution des revenus miniers aux collectivités territoriales et leur bonne gestion ainsi qu’une politique volontariste pour le contenu et l’emploi local seront les principaux chantiers de la Guinée.

De nombreuses communes devraient bénéficier des retombées minières dans les prochaines années, faisant quasiment tripler leur budget pour certaines d’entre elles, avec des risques de mauvaise gestion et de dilapidation de cette manne. En parallèle, de nombreuses entreprises minières travaillent encore avec des sous-traitants internationaux alors que la Guinée devrait constituer sa propre chaîne de valeur locale autour des services et de la logistique minière. Si l’on veut renforcer l’impact socio-économique du secteur minier sur le développement socio-économique, ces deux axes doivent être prioritaires.

Par Amadou Sako, Président du Guinean Young Professionals Club (GYPC)

JeuneAfrique