À la différence de certains pays de la sous-région comme le Sénégal, les journalistes Guinéens exercent ce métier, qualifié de noble, dans les conditions inappropriées et qui ne les permettent pas de joindre les deux bouts. Interrogé sur ce sujet, le Directeur général de l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication ISIC de Kountia, pense tout d’abord que ce problème est dû aux journalistes eux-mêmes, mais aussi aux professionnels de médias, des structures de régulation et d’autorégulation, de par leur refus à prendre au sérieux, le processus de mise en place d’un document de base, qui n’est autre que  » la convention collective ».

Bien qu’il existent aujourd’hui en Guinée, la constitution et les associations de presse qui garantissent un peu l’exercice de ce métier, ce professionnel des médias pense que nous sommes de nos jours, le seul pays qui n’a jusqu’à présent pas une convention collective entre journalistes et professionnels de médias. Pourtant, c’est ce document qui est sensé réglé la situation des journalistes, que ça soit en régime de traitement, de stage, d’employabilité, de salaire, de congés et même la formation.
« En faite c’est terrible ce qu’on voit en Guinée. C’est là que, lorsque vous rentrez dans une rédaction, jusqu’à ce que vous sortez, vous n’avez aucune formation et vous n’ayez pas la possibilité d’aller en stage. Alors qu’en principe, vous devrez suivre un plan de carrière. C’est-à-dire lorsque vous rentrez au sein d’une rédaction, vous êtes formez, vous sortez, vous allez en stage et vous changez de position. Mais, tout cela doit être réglementé par la convention collective», soutient le Directeur.

Pourqu’on prône la qualité, qu’on sorte de cette médiocrité, de cette précarité selon lui, il faudrait l’existence de ce document de base. Cela va non seulement améliorer la rémunération des journalistes Guinéens, mais les mettra également à l’abris de toute tentative de violation des principes d’éthique et de déontologie du métier de journalisme.
« En Guinée, le journaliste le plus payé n’a que 1 million ou 1 million 500 milles. Allez-y voir par exemple vos collègues de Dakar tout près ici. Le moyen payé a 500 milles francs CFA qui est équivalent de 8 millions de nos francs. Voyez vous combien de fois, 300 milles, 500 milles qu’on donne à nos journalistes est tout à fait impossible dans le contexte africain? Allez-y en Europe pour comprendre jusqu’à combien un journaliste touche. Parce que quand vous prenez le processus de recherche, de collecte, de sellection et de traitement de l’information avec tous les risques qui y entourent, vous comprendrez que payé quelqu’un à 150 jusqu’à 500 milles francs guinéens et parfois même il n’a rien, est extrêmement dangereux», déplore Dr Bangaly Camara.

Poursuivant son analyse sur ce sujet, le DG de l’ISIC estime que c’est parce que les responsables des médias ont juste voulu que les journalistes soient traités de la sorte. Sinon, qu’il devrait multiplier des efforts dans ce sens, pour qu’au moins mettre en place, vaille que vaille, une convention collective. La mise en place de celle-ci, va non seulement arrangé les patrons de presse, mais aussi les journalistes.
« Lorsqu’un patron de presse sais qu’il y a un document de base qui définit les conditions d’exercice du métier dans un pays, il ne va jamais recruter n’importe quel journaliste, puisqu’il a déjà en idée que s’il n’est pas bon, il a l’obligation de rentabilité. Alors s’il recrute quelqu’un qui est médiocre et qui ne peut pas lui produire des bons articles qui puissent l’amener des annonceurs, alors c’est tant mieux pour lui. C’est pourquoi il doit être clair et rigoureux en recrutant les bons. Parce que lorsque quelqu’un est bon, il sera en mesure de produire des bons articles et de contenu fouillé avec un objectif équilibré. Et naturellement, ce professionnel doit au retour payé ce dernier au minimum 2 ou 2 millions 500 milles voir 3 millions de nos francs. Là, son journal sera lu et ou sa radio sera écoutée et les gens viendront vers lui pour les publicités», raisonne ce chevronné des médias guinéens, avant de souligner que c’est un refus de la part de ces professionnels de médias, des structures de régulation et d’autorégulation de prendre ce problème de convention collective au sérieux car, dit-il, cela n’est pas une affaire du gouvernement.

À l’entendre, il serait très gauche, voir impossible d’exiger la déontologie et l’éthique à quelqu’un qui vit dans les conditions de précarité. Puisque, lorsqu’on parle de l’éthique, c’est justement faire allusion à un comportement moral.

Mais si par exemple le journaliste est moralement déséquilibré, en n’ayant pas de logement, pas de possibilité de donner la dépense à la maison et qu’il couvre un évènement à l’issu duquel on lui tend de l’argent, c’est évident qu’il prendra. « Dès que c’est le cas, ce dernier est automatiquement en porte à faux avec l’éthique et la déontologie du métier car, cela aura des incidences sur le traitement de l’information.»

Pourtant il est clairement dit dans certains textes comme celui portant sur « la convention dominicaine », qu’un journaliste doit être mis dans les « conditions minimum » pour le mettre à l’abris de toute tentation et afin d’assurer son indépendance. Mais c’est en Guinée dit-il, qu’on voit les journalistes lors des pauses café, chacun se servir sans même se contraindre à l’exercice de notre métier.
« Dans les autres pays, vous ne verrez jamais les situations comme ça. Moi j’en ai vu à l’Internationale avec les confrères, lorsqu’on sert les autres, eux ils ont leurs bouteilles et sandwichs et ils vont quelques part pour prendre. Mais chez nous ici, on pose d’abord la question de savoir, est-ce-qu’il y a à manger? », témoigne t-il.

Pour que ceux qui pensent que les journalistes guinéens ne traitent pas bien les informations soient ramenés à la raison, il faudrait que toutes ces questions liées à ce document de base soient réglées.
« Je résume tout ça par dire, qu’il faut la mise en place d’une « convention collective » afin d’éviter ces désidératas que connaît de nos jours, la pratique du journalisme en Guinée», termine Dr Bangaly Camara.

Pour maguineeinfos.com, Sâa Robert Koundouno