Au moins 16 civils ont péri dans un attentat revendiqué par les talibans qui a secoué Kaboul tard lundi, au moment où Washington s’efforce de mettre un point final à un accord de paix avec les insurgés.
La déflagration, qui a été suivie de tirs d’armes à feu et de l’explosion d’une station-service, s’est produite près du vaste complexe de Green Village, qui abrite des agences d’aide et des organisations internationales.
« L’explosion a été causée par un tracteur chargé d’explosifs », a précisé tôt mardi un porte-parole du ministère de l’Intérieur, Nasrat Rahimi, ajoutant que 119 personnes avaient également été blessées.
Les talibans ont revendiqué l’attaque, menée selon leur porte-parole Zabihullah Mujahid par un kamikaze et un commando.
Il s’agit de leur troisième action d’ampleur en autant de jours.
Ils avaient déclenché samedi une offensive pour tenter de s’emparer de la ville stratégique de Kunduz, dans le nord du pays, suivie d’une opération à Pul-e Khumri, la capitale de la province voisine de Baghlan, avant d’en être repoussés.
L’attentat à Kaboul s’est produit au moment même où la télévision afghane diffusait une interview de l’envoyé américain Zalmay Khalilzad, dans laquelle il évoquait l’accord de paix en cours de négociation avec les talibans.
L’analyste pakistanais Rahimullah Yousufzai ne voit rien d’étonnant à ce que les talibans recourent à de tels actes de violence tout en négociant parallèlement la paix avec les Américains.
« Faire pression fait partie de la stratégie des talibans. Ils sont convaincus que c’est grâce à leur puissance militaire et à leurs attentats que les Américains ont été contraints de leur parler », a-t-il dit à l’AFP.
« C’est l’arme qu’ils ont entre leurs mains et ils vont continuer de l’utiliser jusqu’à qu’ils atteignent leurs objectifs », estime-t-il.
L’attentat a provoqué la fureur des résidents du quartier, qui ont protesté tôt mardi, brûlant des pneus et bloquant une artère à proximité du site de l’explosion. Selon eux, la présence d’étrangers fait courir un grave danger aux habitants, qui ont déjà subi plusieurs attaques.
« Nous voulons que ces étrangers quittent notre quartier. Ce n’est pas la première fois que nous souffrons à cause d’eux. A chaque fois qu’ils sont visés, nos hommes, femmes et enfants sont tués. Nous ne voulons plus d’eux ici », a déclaré à l’AFP l’un d’eux, Abdul Jamil.
– Entretien avec Ghani –
Ces événements ont coïncidé avec l’arrivée dimanche soir à Kaboul de M. Khalilzad, ancien ambassadeur américain en Irak et en Afghanistan, et lui-même d’origine afghane.
Il s’est entretenu dès son arrivée avec le président Ashraf Ghani pour faire le point à l’issue du 9e cycle de négociations avec les talibans conclu quelques heures auparavant à Doha (Qatar).
Cela fait un an que M. Khalilzad discute d’un compromis avec les insurgés pour tenter de mettre fin à 18 ans de guerre en Afghanistan, et un accord historique en ce sens est désormais considéré comme imminent.
Khalilzad a « montré » lundi au président un exemplaire du projet d’accord, selon des responsables gouvernementaux.
Le gouvernement afghan a jusqu’ici été largement tenu à l’écart des pourparlers de Doha, les talibans arguant qu’il n’est qu’une marionnette de Washington.
Un porte-parole du président, Sediq Sediqqi, a estimé lundi que « le plus important était que la violence des talibans s’arrête ».
– Cinq bases –
Le texte prévoit que l’armée américaine retirera ses forces de cinq bases militaires d’Afghanistan si les talibans tiennent leurs engagements, a révélé M. Khalilzad lundi lors de son entretien à la chaîne afghane Tolo News.
« Nous sommes tombés d’accord, si les conditions sont conformes à l’accord, que nous quitterons d’ici à 135 jours cinq bases dans lesquelles nous sommes présents actuellement », a-t-il ajouté.
Quelque 14.000 militaires américains sont actuellement déployés en Afghanistan, selon le Pentagone, et le président américain Donald Trump a déclaré jeudi dernier qu’en cas d’accord, 8.600 soldats américains resteraient dans un premier temps dans le pays.
En échange de ce retrait, les talibans devraient fournir des garanties en matière de lutte contre le terrorisme.
Le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, avait auparavant dit espérer qu’un accord de paix pourrait être conclu d’ici au 1er septembre, avant l’élection présidentielle prévue le 28 septembre en Afghanistan.
Ghani répète que le scrutin se déroulera comme prévu à cette date, mais nombre d’observateurs en Afghanistan se montrent sceptiques en raison des violences et du chaos régnant dans le pays.
AFP