« La véracité n’a jamais figuré au nombre des vertus politiques, et le mensonge a toujours été considéré comme un moyen parfaitement justifié dans les affaires politiques ». Aussi anodine que puisse paraître cette affirmation de Hannah Arendt elle reflète cependant le caractère sournois et sordide du jeu politique de notre pays.

En effet, les promoteurs du référendum constitutionnel ont, sans surprise, participé au double scrutin (référendum constitutionnel et élections législatives), organisé par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), le dimanche 22 mars 2020. Ce double scrutin tenu dans un contexte dominé par la crise sanitaire mondiale due à l’apparition du COVID-19, les séries de contestations d’une bonne partie des acteurs socio-politiques, , le rejet vigoureux du projet de référendum constitutionnel par certains organes des corps professionnels (Avocats, patrons de médias…), les critiques émises par les institutions régionales et internationales sur la transparence et la crédibilité desdits scrutins, et surtout, l’incertitude de l’opinion nationale sur la réelle volonté du chef de l’Etat au sujet de son avenir politique à la tête du pays car, jusque-là, ce dernier entretient, dans ses faits et gestes, un flou teinté de ruse et de subterfuge !

À l’évidence, l’issue de ce processus électoral et référendaire est sans nul doute la résultante de la banalisation du cri de cœur d’une bonne partie du peuple, et l’émergence d’un système de partitocratie, qui favorisera non seulement l’intérêt partisan avant l’intérêt général des citoyens, mais aussi et surtout transformera nos élus en des véritables monarques républicains.

En nous référant au résultat proclamé par la Cour constitutionnelle relatif au référendum constitutionnel, le pourcentage du OUI l’emporte avec 89,76% contre le NON avec 10,24%. Ce qui signifie subséquemment l’adoption d’une nouvelle Constitution par la République de Guinée.

Or, Jean-Pierre Charbonneau dans son article intitulé : De la démocratie sans le peuple à la démocratie avec le peuple, Ethique publique [En ligne], vol. 7 no1 (2005), déclarait en ces termes : « tout référendum devrait être l’aboutissement d’un dialogue intense entre tous les citoyens et non un simple moyen de trancher une question en faisant la somme des pour et des contre ».

Ensuite, l’organe de gestion des élections (CENI) avait aussi proclamé les résultats provisoires du scrutin législatif, à l’issu duquel le RPG arc-en-ciel s’octroie soixante-dix-neuf (79) sièges sur cent quatorze (114) sans compter le nombre de sièges obtenus par les autres partis alliés.

A cet effet, peut-on considérer ces résultats comme la résultante d’une manœuvre politico-juridique qui viserait à pérenniser un système de gouvernance qui n’a que trop duré ? Il aura fallu combien de pertes en vies humaines et de dégâts matériels considérables pour en arriver aux termes de ce processus ? Cette majorité absolue du RPG arc-en-ciel à l’hémicycle et la nouvelle Constitution valent-elles la peine d’être célébrées comme une victoire du peuple ? Cette victoire n’est-elle pas synonyme de victoire sans gloire ? Au regard du contexte dans lequel la nouvelle Constitution a été adoptée, peut-on la considérer un habit constitutionnel taillé sur mesure ? Quant est-il la future Assemblée nationale : ne sera-t-elle pas le champ des compromis et de compromissions sur des questions d’intérêt personnel ou partisan en lieu et place de la noble mission de représentants du peuple ? De quoi ces principaux acteurs politiques peuvent-ils se réjouir après leur sélection : le titre, le pouvoir, l’argent ou les privilèges ? Mais comment se fait-il que ces hommes et ses femmes soient si avides de pouvoir au point de perdre la notion de morale en banalisant la vie humaine et le cri de cœur du peuple ? Combien de jeunes sont tombés sans qu’aucune responsabilité ne soit située et sans qu’aucune voix contestatrice ne se lève dans leur camp ?

Mais c’est quel pays ça ? Bon sang de Dieu !

Certes, je peux paraître devant certains comme un idéaliste écervelé, mais ce qu’ils ignorent en revanche, c’est le privilège dont je jouis, celui lié à mon jeune âge. J’ai le courage de dire haut ce que d’autres disent tout bas, car je n’ai de compte à rendre à personne, sinon qu’à ma propre conscience. Alors, disons-le tout de suite, l’issue de ce double scrutin n’est autre que l’abus de la coalition de partis réunis au sein de la galaxie présidentielle, notamment le RPG arc-en-ciel et ses partis alliés. En réalité, leurs abus se manifestent par l’imposition forcée d’une Assemblée monocolore et d’une Constitution adoptée dans la plus grande précipitation partisane, et de surcroît dans la plus grande ignorance du peuple au nom duquel et pour lequel elle a été adoptée. Quel drôle de pays !

Toutefois, ces différents spectacles désastreux nous amènent par ailleurs, à considérer nos acteurs socio-politiques comme de véritables affairistes. Ils se soucient plus, à remplir leurs poches que de servir le peuple qu’ils sont censés représenter et défendre. Et pendant ce temps, une grande majorité de celui-ci vit au rythme d’un train-train quotidien.

De temps à autre, l’indignation, la colère, le ras-le-bol, l’extrême pauvreté des citoyens provoquent un fort désir de changement ou, à l’inverse, une forte résistance qui s’exprime par de grandes mobilisations populaires. Et lorsque ces moments arriveront, aucun pouvoir public, aucune force politique ou sociale ne pourrait résister face à la tempête1.

Par Aly Souleymane Camara, licencié et etudiant en Master Science Politique à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia.
Email : alysouleymanecamara66@gmail.com