Ce vendredi 22 mai 2020, Le chanteur guinéen Mory Kanté, connu pour son tube « Yéké Yéké », est mort à l’âge de 70 ans. On l’avait surnommé le « griot électrique ».
Mory Kanté a démarré sa carrière dans les années 1970 avant de connaître une gloire internationale avec Yéké Yéké, un titre lancé en 1987 et devenu un énorme tube qui a fait danser sur tous les continents toute l’année suivante, avec son clip qui passait sur toutes les chaînes.
Cette chanson était extraite de l’album Akwaba Beach de Mory Kanté, sorti en 1987. À cette époque, l’artiste faisait déjà office de vétéran en matière de musique, puisqu’il avait démarré sa carrière professionnelle au Mali près de vingt ans plus tôt en intégrant ses premiers groupes à Bamako.
Fils de griot, il fait ses armes à Bamako
Chanteur, griot, guitariste, joueur de balafon puis de kora, Mory Kanté est né le 29 mars 1950 à Albadaria, en Guinée, au sein d’une dynastie de griots, ces artistes, poètes, conteurs qui transmettent la tradition et la culture via l’oralité. Sa mère est malienne. Ses deux parents étant griots, il va à l’école française avant de partir à 7 ans pour Bamako, au Mali, chez sa tante, elle-même ancienne griotte. Jusqu’à ses 15 ans, il étudie les rites, le chant et le balafon et s’aguerrit en chantant et jouant lors de cérémonies et fêtes familiales.
C’est au Mali, alors traversé de nombreuses influences musicales en provenance de tous continents, que Mory Kanté s’intéresse aux musiques amplifiées et à la guitare. À la fin des années 60, il arrête ses études musicales et se produit au sein d’orchestres dans des bals à ciel ouvert. En 1971, il est recruté dans le Rail Band de Bamako, célèbre groupe du saxophoniste Tidiani Koné, aux côtés de Salif Keita, alors chanteur de la formation. Au départ de Keita en 1973, Kanté le remplace au chant. Durant la décennie 70, le groupe tourne beaucoup à travers l’Afrique de l’Ouest, assurant à Mory Kanté une renommée croissante. Entre-temps, Kanté compose pas mal de musique et se met à la kora, un instrument dans lequel il excelle rapidement.
À partir de 1978, installé à Abidjan, en Côte d’Ivoire, il prend des distances avec le Rail Band et joue régulièrement avec un autre groupe aux côtés de son demi-frère, le chanteur et compositeur Djeli Moussa Diawara. À cette époque, Mory Kanté s’intéresse de plus en plus à la fusion entre les musiques traditionnelles et les sons plus modernes, électriques, rock, funk, venus d’Occident. Cette orientation lui vaut le succès, même si elle déplaît aux puristes. Elle lui ouvrira la voie d’un succès international.
de la musique africaine sur le continent européen, il se frotte les mains : avec sa kora, il pratique déjà ce mélange entre rythmes traditionnels et musiques actuelles – rock, pop, électro, jazz, funk – qui séduit tant les Occidentaux et qui lui vaudra son surnom de « griot électrique ».
Mory Kanté enregistre son deuxième album, simplement titré Mory Kanté, qui rencontre un bel accueil en Europe, particulièrement en Italie. Lui qui était arrivé en Europe sans carte de séjour fréquente désormais de prestigieuses scènes, à Paris mais pas seulement : Mutualité, New Morning, Bercy (à l’invitation de Jacques Higelin), Printemps de Bourges… En Italie, Kanté rencontre le musicien et producteur américain David Sancious, alors connu pour son travail avec Bruce Springsteen.
1988, l’année de la consécration internationale
En 1987, l’album suivant de Mory Kanté, Akwaba Beach, triomphe dans le monde entier, porté par un tube qui survole les hit-parades, Yéké Yéké. Cette chanson figurait déjà sur l’album Mory Kanté de 1981, mais l’artiste a souhaité en faire une nouvelle version. Emblème du funk mandingue, le titre se hisse en haut des charts européens en juillet 1988. Il sera adapté et traduit dans plusieurs langues. En octobre 1988, Mory Kanté reçoit un disque d’or, puis une Victoire de la musique en novembre au titre du meilleur album francophone non français, pour Akwaba Beach.
Durant sa carrière, Mory Kanté a enregistré une douzaine d’albums en son nom. Les derniers en date, Sabou et enfin La Guinéenne, un disque enregistré avec un grand orchestre, étaient sortis respectivement en 2004 et 2012. Il était par ailleurs Ambassadeur de bonne volonté de l’ONU pour l’alimentation depuis 2001.
Dans son pays, il était une personnalité majeure, incontournable. « Il laisse un héritage immense pour la culture, trop vaste pour qu’on puisse tout citer », a souligné son fils Balla, cité par l’AFP. « Il a aussi beaucoup fait pour la culture dans son pays en construisant des studios, des structures culturelles. Mais surtout, il a valorisé la musique guinéenne et africaine en la faisant connaître à travers le monde. »
Le monde de la musique africaine vit un printemps cauchemardesque, déplorant depuis fin mars les disparitions successives d’icônes internationales originaires du continent : Manu Dibango, Tony Allen, Idir et maintenant Mory Kanté.
Par Mèmè Lancinet Camara