Alger va récupérer les restes de 24 combattants algériens tués au 19e siècle lors de la colonisation française, a annoncé, jeudi, le président Abdelmadjid Tebboune, lors d’une cérémonie militaire. 

« D’ici quelques heures, des avions militaires algériens en provenance de France vont se poser à l’aéroport international Houari Boumediène avec les dépouilles de 24 chefs de la Résistance populaire  et de leurs compagnons. » C’est ce qu’a annoncé, jeudi 2 juillet, le président algérien, au cours d’une cérémonie de remise de grades et de médailles à des officiers de l’Armée nationale populaire (ANP).

Les restes mortuaires – plusieurs dizaines de crânes – sont attendus vendredi vers 10 h 30 (09 h 30 GMT) en Algérie, pays colonisé par la France de 1830 à 1962. Ils étaient conservés au Musée de l’Homme à Paris.

Il s’agit « des dépouilles de 24 chefs de la Résistance populaire, qui ont été privés de leur droit naturel et humain d’être enterrés depuis plus de 170 ans », a ajouté Abdelmadjid Tebboune.

Le président algérien a salué « ces héros qui ont affronté l’occupation française brutale, entre 1838 et 1865, et que l’ennemi sauvage a décapités en représailles avant de transférer leurs crânes outre-mer afin que leurs sépultures ne soient pas un symbole de la résistance ».

« Les morceaux des corps (…) rentrent à la maison après leur très long séjour dans les cartons du musée de l’Homme à Paris », s’est félicitée Malika Rahal, historienne spécialiste de l’Algérie, sur Twitter. « Encore un morceau de 1962 qui se règle… en 2020 », a-t-elle ensuite ironisé, en allusion à l’indépendance d’Algérie en 1962.

D’illustres combattants algériens « trophées de guerre »

De fait, ce n’est qu’en janvier 2018 que l’Algérie avait demandé officiellement à la France la restitution des crânes et des archives coloniales. Lors d’une visite à Alger en décembre 2017, le président français Emmanuel Macron s’était engagé à restituer les restes humains algériens entreposés au Musée de l’Homme, un des sites du Muséum national d’histoire naturelle.

À l’époque, le président du Muséum, Bruno David, avait fait savoir que l’institution était « prête pour accompagner le processus de restitution ». « Ces restes humains sont entrés dans nos collections d’anthropologie à la fin du XIXe siècle après différents épisodes liés à la conquête française de l’Algérie », avait-il expliqué.

Parmi les combattants algériens des débuts de la colonisation les plus illustres, figure cheikh Bouziane, le chef de l’insurrection des Zibans, dans l’est de l’Algérie, en 1849. Capturé par les Français, il avait été fusillé puis décapité.

Il y aussi LE célèbre Mohammed Lamjad ben Abdelmalek, dit chérif « Boubaghla » (« l’homme à la mule »), initiateur d’une révolte populaire, tué en 1854.

Ces crânes étaient considérés comme des « trophées de guerre » par les militaires français.

La question mémorielle au cœur des relations entre l’Algérie et la France

C’est un historien algérien, Ali-Farid Belkadi, qui a soulevé en 2011 la question de ces crânes après avoir mené des recherches au musée. Il déplorait alors que les crânes soient « calfeutrés dans de vulgaires boîtes cartonnées, qui évoquent les emballages de magasins de chaussures ». Une critique réfutée par la direction du musée.

Ces dernières années, des pétitions, signées notamment par les historiens Benjamin Stora, Pascal Blanchard et Mohammed Harbi, ont réclamé le retour de ces restes en Algérie.

À la veille du 58e anniversaire de l’Indépendance, célébré dimanche, ce geste manifeste une volonté d’apaisement après la récente brouille diplomatique à propos de la diffusion d’un documentaire français sur la jeunesse algérienne antirégime, qui a fortement déplu à Alger.

La question mémorielle reste au cœur des relations volatiles entre l’Algérie et l’ancienne puissance coloniale. Les députés algériens viennent d’adopter à l’unanimité une loi « historique » instaurant une journée de la Mémoire, le 8 mai, en souvenir des massacres de 1945 commis par les forces françaises à Sétif et dans le Constantinois.

Les autorités algériennes veulent aussi remettre sur la table le dossier des « disparus » pendant la guerre d’indépendance (1954-1962) – plus de 2 200, selon Alger – et celui des essais nucléaires français dans le Sahara algérien qui « ont fait et continuent à faire des victimes », selon elles.

En février 2017, alors qu’il était candidat à la présidentielle, Emmanuel Macron, en visite à Alger, avait qualifié la colonisation de l’Algérie de « crime contre l’humanité ».

France24/AFP