Poussé à la démission le 18 août par une partie de l’armée, l’ex-président malien pourrait regagner les Emirats arabes unis, où il est suivi médicalement depuis plusieurs mois. Son sort fait actuellement l’objet de tractations serrées avec les officiers putschistes.

 

Depuis leur prise de pouvoir par la force le 18 août, les officiers putschistes réunis au sein du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) s’interrogent : que faire du président démis Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) ? Le sort de l’ex-président malien, poussé à la démission après avoir été interpellé puis transféré – avec égards – vers le camp militaire de Kati, nouveau QG du CNSP à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Bamako, fait l’objet de discussions serrées à huis clos.

Une partie des proches de l’ex-président malien a fait savoir au CNSP qu’elle souhaitait voir IBK, très affaibli physiquement depuis plusieurs semaines, être transféré vers les Emirats arabes unis (EAU). C’est dans la capitale émiratie que le président malien est suivi médicalement depuis 2019. Il était encore aux Emirats mi-juillet pour y subir une intervention médicale délicate qui l’a considérablement impacté ces dernières semaines. Autre option étudiée : la Turquie. Les EAU restent néanmoins à ce jour la destination privilégiée par l’entourage d’IBK.

Au moins deux capitales de la sous-région seraient par ailleurs elles aussi sur le point de proposer d’accueillir l’ex-chef de l’Etat malien et une mission de la Communauté économique des Etats de Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) devrait être prochainement déployée à Bamako à ce propos. Mais IBK souhaite aussi négocier le départ de son premier cercle familial. Des discussions qui pourraient trébucher sur le cas de son fils Karim Keïta, véritable catalyseur de la grogne populaire de ces dernières semaines. Le CNSP serait formellement opposé à tout départ du pays de l’ancien député de la majorité présidentielle, dont la diffusion de vidéos privées tournées dans un restaurant de plage en Espagne avait littéralement électrisé la contestation.

Le CNSP divisé sur le sort d’IBK

Si l’argument médical a porté auprès de certains officiers putschistes, désormais prêts à autoriser l’ex-président malien à quitter le pays, le CNSP dans son ensemble reste encore divisé sur la question. Une partie des officiers réunis au camp militaire de Kati plaide pour un maintien d’IBK sur le sol malien. Alors que le CNSP a appelé à un vaste audit des comptes de l’Etat ainsi que de plusieurs marchés publics, les officiers réticents au départ d’IBK estiment que la responsabilité de celui-ci pourrait être directement engagée et qu’il pourrait alors faire face à des poursuites judiciaires. Dans le viseur du CNSP figure notamment plusieurs marchés passés par la présidence en 2014, parmi lesquels l’acquisition du Boeing 737 présidentiel ainsi que des contrats d’équipements militaires au bénéfice des troupes maliennes.

Ces deux dossiers, classés sans suite en 2018, ont repris une vie judiciaire cet hiver lorsque Mamoudou Kassougué, le procureur du tribunal de grande instance de la Commune III de Bamako, a décidé de réactiver les deux enquêtes.

Le 27 mars, il a annoncé que le parquet avait requis l’ouverture d’une information judiciaire et la désignation d’un cabinet d’instruction. Parmi les personnalités citées dans le dossier figurent plusieurs proches de l’ex-président malien et de son fils Karim Keïta, à commencer par l’ancien directeur de cabinet d’IBK Mahamadou Camara et son ex-conseiller spécial Sidi Mohammed Kagnassy.

Chasse aux sorcières et fermeture des frontières

Pour mener à bien l’ensemble des diligences qu’il souhaite conduire sur l’ex-président et son entourage, le CNSP a décrété le 19 août par la voix de son porte-parole, le colonel-major Ismaël Wagué, chef d’état-major adjoint de l’armée de l’air, la fermeture de l’ensemble des frontières terrestres et aériennes du Mali. Une interdiction de quitter le pays « le temps des différentes enquêtes » a par ailleurs été notifiée à l’ensemble des anciens ministres. Parmi les principaux animateurs du CNSP figureraient le général Cheikh Fanta Mady Dembélé ainsi que les colonels Mama Sekou Lelenta, Modibo Koné, Sadio Camara et Malick Diaw.

Ce dernier, chef d’état-major de la 3èm région militaire et directeur adjoint du camp de Kati, est un proche du général Amadou Haya Sanogo avec lequel il avait participé au coup d’Etat de mars 2012 contre Amadou Toumani Touré. Rumeur persistante depuis plusieurs mois, l’hypothèse d’un coup d’Etat était pourtant jugée peu « crédible » par le premier cercle d’Ibrahim Boubacar Keïta. Mais, preuve de la paranoïa ambiante, ces deux dernières années le président malien avait pris soin d’éloigner plus d’une dizaine de ses généraux en les nommant à la tête de représentations diplomatiques à l’étranger

Source: Africaintelligent