Les journalistes étaient poursuivis pour leur couverture des obsèques d’un officier des services de renseignement mort en opération en Libye et inhumé en catimini en février.
Un tribunal d’Istanbul a condamné cinq journalistes, mercredi 9 septembre, à plus de trois années de prison pour leurs articles sur les obsèques d’un officier du renseignement turc tué le 19 février en Libye, une information classée secrète. Le rédacteur en chef d’Odatv, Baris Pehlivan, et le journaliste Hultay Kilinc ont été condamnés à trois ans et neuf mois de prison.
Le directeur de la publication du quotidien Yeni Yasam (prokurde), Aydin Keser, son rédacteur en chef Ferhat Celik et le chroniqueur du journal Yenicag (nationaliste) Murat Agirel ont été condamnés à quatre ans et huit mois. Tous ont fait appel. Deux personnes ont été acquittées, une troisième est à l’étranger, elle sera jugée séparément.
En détention provisoire depuis mars, Baris Pehlivan, Hultay Kilinc et Murat Agirel ont été libérés mercredi, mais n’ont pas été autorisés à quitter le pays. D’autres mis en cause avaient été relâchés en juin.
Inhumé en catimini
Les cinq journalistes faisaient partie d’un groupe de huit prévenus jugés pour « révélation de secrets d’Etat » et « divulgation de l’identité d’un agent des services secrets ». En cause, leur couverture des obsèques de l’officier, inhumé en catimini à Akhisar (province de Manisa) au mois de février sans avoir reçu les hommages militaires dus à son rang.
Ses camarades de promotion s’en étaient émus sur les réseaux sociaux. Aux journalistes, ces militaires ont raconté le difficile parcours du colonel. Congédié de l’armée après la tentative de putsch du 15 juillet 2016, l’officier avait réussi à la réintégrer en se portant volontaire pour les missions les plus difficiles, notamment en Libye.
Sur les réseaux sociaux, le nom de l’officier, les photographies et les vidéos de son inhumation ont commencé à circuler, contraignant le président turc, Recep Tayyip Erdogan, à reconnaître, dans un discours du 22 février, que la Turquie avait bien eu « deux martyrs » (morts en mission) sur le terrain libyen. Ankara y soutient militairement le gouvernement de Tripoli, dirigé par Faïez Sarraj, contre les forces du maréchal dissident Khalifa Haftar.
Trois jours plus tard, le député Unit Özdag, membre du Bon Parti (opposition nationaliste), donnait de plus amples détails sur la mort de l’officier tué en Libye lors d’une conférence presse organisée tout spécialement au Parlement à Ankara. Le nom de l’agent avait été rendu public bien avant la publication des articles de presse. Les journalistes l’ont rappelé à la barre mercredi, soulignant qu’à aucun moment ils n’avaient cherché à révéler des secrets d’Etat.
Source : le monde