J’ai honte pour  ce pays, où la force brute, la force aveugle, la force discriminante, est devenue la seule méthode et le seul projet d’un gouvernement qui a perdu la tête. Oui j’ai honte pour ce pays où même les bébés, les enfants, les femmes, les personnes âgées ne sont à l’abri des exactions sauvages, mortelles et des humiliations.  J’ai honte pour  ce pays où la barbarie, la cruauté et la sauvagerie ont atteint un degré inimaginable.  J’ai honte pour ce pays où la haine, la discrimination et la violence sont devenues le projet de société le plus convaincant. Notre bestialité s’exprime chaque fois un peu plus par les uns contre les autres. L’Etat guinéen lui est tristement devenu le bourreau impitoyable de ma propre population.

Quelle lâcheté ! Quelle trahison!

Que cet Etat pour justifier ses méfaits et ses dérives impardonnables se compare aux individus ou aux groupes d’individus, est une insulte à notre intelligence et à l’idée d’État de droit responsable et respectable. C’est une douleur terrifiante de voir se commettre dans notre pays ces violences et ces assassinats ignobles des fils et filles de ce pays. Les mots ne suffisent plus, les mots ne pèsent plus face à l’horreur et toutes ces injustices insupportables. L’ignoble assassinat des enfants qui finit par souiller ce qui nous restait d’humanité et de limite morale. Rien, absolument rien ne saurait décrire cette souffrance et cette colère face à ces crimes odieux, à ces violences cruelles et ces humiliations inouïes.

Ces morts qui hantent nos sommeils, cette douleur indicible qui nous torture, cette honte qui harcèle notre honneur, cette volonté manifeste d’humiliation et de mépris qui interroge nos consciences, ont fini par  détruire en chacun de nous dans ce pays, cette flamme, cette étincelle d’humanité et de fraternité. Face à ces violences, à ces morts, à ces blessés, à ces humiliations, une part de notre humanité s’est envolée dans ce pays. Plus aucune limite morale, plus aucune décence, plus aucune humanité ordinaire.

J’ai si honte pour ce pays, je suis si triste et si malheureux  pour ce pays que J’ai envie de disparaître pour fuir cette douleur insoutenable qui m’étreint, cette impuissance face à l’indicible honte et cette absurde inhumanité cruelle dans notre pays. On assiste à de véritables expéditions punitives dans certaines parties du territoire national, impunément et honteusement ! Ces exactions sont dégoûtantes et constituent une véritable irresponsabilité de la part de l’Etat.

Cet État et cette gouvernance qui laissent se faire massacrer et se faire humilier ceux et celles qu’ils sont censés protéger, défendre et servir, sont devenus le mal absolu et la honte de ce pays. La responsabilité de ces crimes odieux, de ces humiliations insoutenables, de ces violences sordides, incombe à l’Etat, au gouvernement.

Nulle excuse ne saurait tenir, nulle explication ne saurait prévaloir. Cette chose que l’on appelle en Guinée « État » a perdu la tête et continue sa descente aux enfers avec une souillure morale et politique nauséeuses.

C’est à l’Etat (je parle bien sûr des états sérieux et responsables!) qu’il revient de garantir et de protéger la vie, l’intégralité physique et morale, les biens publics et privés, la liberté, la justice, la paix, la sécurité et la sûreté de chacun et de tous…sans distinction, sans discrimination.

Et le faire dans le respect strict des lois de la république et de ses engagements internationaux.

Il n’en est absolument rien ! Et cette faillite (morale, politique et juridique) de notre État est devenue la plus sérieuse des menaces pour notre survie individuelle et collective. Ces tueries sauvages et haineuses, ces violences sur les personnes et les biens sont inacceptables, injustifiables et insoutenables, quelques soient les motifs, quelques soient les auteurs. La responsabilité et la retenue doivent être de mises dans l’intérêt de notre pays. Mais comment espérer une prise de responsabilité des citoyens dans un contexte, dans un pays où l’Etat, la puissance publique fait preuve d’une irresponsabilité inouïe, d’un parti pris insupportable, d’un arbitraire arrogant et d’une violence haineuse, aveugle et terrifiante.

L’exemplarité légale et morale doit venir de l’Etat. Et le moins que l’on puisse dire aujourd’hui est que cet  « Etat »chez nous s’est définitivement placé en dehors du droit et de la morale.

Triste constat, révoltante réalité! Le sang des guinéens qui coule creusera bientôt le tombeau de ce pays qui va à sa perte, du fait de l’irresponsabilité d’un État qui se croit tout permis, et qui fuit sa responsabilité régalienne et impartiale de sécurité et de justice.  Le pays est au bord du précipice, au bord du chaos, à chacun d’assumer sa responsabilité, pour aujourd’hui et pour demain.

J’aimerais bien en appeler à la paix.

Car, comme le dit l’autre  «  la paix nourrit et le trouble consume » Mais de quelle paix pourrais-je en appeler? La paix qui permettra aux bourreaux de se laver impunément les mains souillées par le sang de nos concitoyens ? Non! La paix qui permettra au système de continuer tranquillement à s’abreuver du sang et de la sueur de ce peuple appauvri, humilié, trahi et assujetti ? Non! La paix du statut quo, pour que rien ne change ? Jamais! La paix pour mettre dans les oubliettes sans justice, sans réparation, les assassinats, les blessures et les humiliations de nos concitoyens ? Jamais !

Je veux la paix, Puisqu’elle est indispensable pour toute société humaine, pour toute vie sociale heureuse et stable, mais je veux la paix des justes, la paix de la vérité, la paix de la dignité, la paix du respect de tous et de chacun.  Je veux la paix qui profite à tous.

Je veux bien cette paix, mais jamais je n’associerai ma voix pour la paix des lâches, la paix de l’injustice, la paix qui arrange les puissants contre les faibles, la paix qui arrange le système contre le peuple, la paix qui absout les coupables de leur culpabilité. Jamais!

Tous les coupables, qui qu’ils soient doivent répondre de leurs actes!  Mais ce peuple doit se libérer de ces injustices, de cette violence d’État insupportable, de ces humiliations quotidiennes sordides et des haines diffuses  dans notre société.  Le peuple doit se libérer de ce système qui l’a pris en otage. Notre peuple doit aussi résister à la tentation facile de la violence et de l’autodestruction, sans renoncer au combat pour la justice, pour sa dignité et sa liberté.

Ce combat doit continuer et continuera pour la dignité et le respect de ce peuple. Car aucun contentieux politique, aucun clivage politique ne peut justifier qu’un État se comporte avec une telle désinvolture morale et légale !

En attendant,  Aux morts, aux blessés et à leurs familles respectives, à toutes les victimes de ces violences post-électorales,  je veux ici exprimer toute ma compassion, toute ma solidarité et  mes condoléances les plus attristées et les plus émues aux familles de nos compatriotes assassinés, abattus. Puisse Allah accueillir nos morts en paix au paradis. Ces odieux et insoutenables crimes, ces insupportables humiliations, ces atteintes aux personnes et aux biens dans nos villes, dans nos quartiers et dans les concessions familiales doivent cesser immédiatement. Et surtout, justice, impérativement, doit être rendue à toutes les victimes pour permettre à ce pays de retrouver son honneur et sa dignité perdus.

Quoiqu’il arrive nous devons à ces victimes d’aujourd’hui, comme celles d’hier…la justice ! La violence d’État, les injustices, les humiliations sont les réelles menaces sur notre paix commune. Le respect des lois par tous et pour tous, et surtout par ceux qui agissent au nom de l’état,  le souci sincère de la justice sont l’unique voie de la paix et de la stabilité dans notre pays. On en est loin encore hélas… Cet État qui se comporte avec violence, avec haine, avec arrogance, avec vulgarité et méchanceté fait honte à ce pays!

La violence sous toutes ses formes est en train de détruire ce pays, de détruire nos liens sociaux, notre espérance nationale et démocratique ainsi que la fraternité républicaine qui doivent être notre socle et notre horizon communs.

L’Etat qui est sensé y mettre fin et nous en préserver, est devenu le moteur principal de ces violences ( de par ses attitudes et son irresponsabilité ), au détriment de la paix démocratique et de notre sécurité commune, hélas. Le chaos nous guette et on fait mine de ne rien voir, la déchéance sera collective si on y prend pas garde… Mais jamais les voix de la liberté, de la justice et de la dignité ne s’éteindront dans ce pays, jamais !

En attendant, ce pays fait honte ! Honte à nous !

Vive la Guinée

Vive la Démocratie.

Que Dieu bénisse et protège la Guinée !

M. Khalifa Gassama Diaby

Ancien ministre