La commission d’éthique de la Fifa a suspendu pour cinq ans le président de la Confédération africaine Ahmad, notamment pour détournements de fonds. Arrivé à la tête de la CAF en 2017 à la surprise générale, il ne pourra pas terminer son mandat. Retour sur un parcours en dents de scie à la tête de la CAF.
C’est une éviction qui marque la fin prématurée d’un mandat chaotique et un divorce entre Ahmad et Gianni Infantino, président de la Fifa, sur fond de porte qui claque.
Le 2 février dernier, Gianni Infantino avait quitté, le visage fermé et les dents serrées, le Centre national du football marocain où se déroulait le Comité Exécutif de la CAF. Le président de la Fifa ne digérait pas l’affront. En effet, la mission de son ancienne secrétaire générale, Fatma Samoura n’avait pas été prolongée par le bureau directeur de la CAF.
Des réformes pour satisfaire la Fifa
Six mois plus tôt, la Sénégalaise était arrivée en grande pompe, officiellement pour accélérer le processus de réforme de la CAF. Une « mise sous tutelle », grinçaient alors officieusement des membres de la Confédération, et un événement qui a constitué un premier point de rupture entre Ahmad et Infantino.
Pourtant, en 2017, Infantino avait accordé un soutien discret mais décisif à l’ancien homme politique malgache dans sa candidature contre l’omnipotent Issa Hayatou, en place depuis presque 30 ans.
Fort de cet appui, après son élection, Ahmad s’était lancé tambour battant dans de vastes réformes, allant jusqu’à décaler la CAN à juin-juillet et la faisant passer à 24 équipes dès ses premiers mois de mandat. Des changements importants, mais visiblement pas assez suffisants aux yeux de la Fifa.
Car Gianni Infantino, très impliqué dans les dossiers africains, plaidait dès novembre 2019 à Lubumbashi en RDC pour la création d’une Super Ligue Africaine à 20 clubs dans le but de remplacer la Ligue des Champions. Le président de la Fifa poussait également pour que la CAN soit disputée tous les quatre ans. Il avait défendu cette position, justement en février dernier, à Rabat, devant les présidents de Fédérations. La Fifa qui, moins d’un an plus tard, met donc un terme au mandat de celui qui se voyait en réformateur de la CAF.
« La Fifa est très puissante, elle ne laissera rien passer »
En janvier 2020, à Hurghada en Égypte, au lendemain du sacre du Sénégalais Sadio Mané élu Joueur africain de l’année, le président Ahmad avait accepté de répondre à RFI. Son conseiller en communication insistait pour qu’on le questionne sur tout le travail effectué depuis son arrivée. Ahmad, lui, nous avait surpris. « Lors de ma campagne, vous avez tous pensé que j’étais « un guignol » et que je ne serais jamais élu », lâchait-il un peu agacé après une nuit de sommeil visiblement courte. Il avait conclu notre interview par : « Je serai jugé sur mes actes .» Il n’aura pas eu le temps de défendre son bilan alors qu’il comptait briguer un second mandat.
Six mois plus tôt, lors de la CAN 2019 en Égypte, un proche d’Ahmad, avait, hors micro, laissé entendre que le président ne se rendait pas vraiment compte du poste qu’il occupait. « Je crois qu’il gère la CAF comme il a géré ses affaires politiques à Madagascar. Je ne sais pas s’il a vraiment compris que la Fifa est très puissante et qu’elle ne laissera rien passer ».
Prémonitoire ?
En 2014, le Sunday Times avait affirmé que l’ancien secrétaire d’État aux Sports, puis ministre de la Pêche et enfin vice-président du Sénat dans son pays avait perçu un pot-de-vin dans l’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar. Selon le quotidien britannique, le dirigeant aurait touché entre 28 000 et 93 000 euros en échange de son vote en faveur du petit émirat. Ce qui n’a jamais été prouvé jusqu’à présent.
Pourtant, dès son arrivée à la tête de la CAF, le programme d’Ahmad était basé sur le changement et la transparence dans la gestion de l’institution. Homme discret, Ahmad avait gagné son duel avec Issa Hayatou en s’appuyant notamment sur les voix des 14 pays membres de la Confédération des pays d’Afrique australe.
RFI