Le 5 mars 2019, j’ai adressé une lettre ouverte à Monsieur le Président de la République, le Pr. Alpha Condé dans laquelle je lui ai prodigué quelques conseils pour la bonne gestion de son deuxième et dernier mandat conformément aux dispositions des articles 27 et 154 de la Constitution de mai 2010.
À l’époque, le débat qui dominait l’actualité sociopolitique était autour de ses velléités de vouloir briguer un troisième mandat. Et, à la surprise générale de ceux et celles qui ont crû en lui, en ses idéaux et aux valeurs de démocratie auxquelles il était profondément attaché durant tout le long de son combat politique et syndical, Alpha Condé a plutôt préféré de s’accommoder aux privilèges liés à sa fonction en s’octroyant une présidence à vie en dépit des contestations d’une bonne partie de la population guinéenne y compris, des dégâts matériels considérables et des pertes en vie humaine. Cet autre mandat de trop, honteusement appelé par ses sbires de « premier mandat de la quatrième République » est une insulte à la mémoire de nos devanciers, voire même un recul regrettable de notre système démocratique.
Monsieur le Président, en acceptant de prêter serment ce mardi, 15 décembre 2020 pour briguer votre troisième mandat de six ans, vous laisserez derrière vous un mauvais précédent comme celui de vos prédécesseurs. Car les valeurs démocratiques au premier rang desquelles se situent l’alternance politique, le respect des clauses d’intangibilité constitutionnelle, surtout celles liées au nombre et la limitation du mandat présidentiel ne représenteront plus rien aux yeux de ceux et celles qui voudront concourir à la magistrature suprême de notre pays. Le faisant Monsieur le Président, vous avez choisi « les chemins interdits en démocratie » en restant désormais du mauvais côté de l’histoire de l’Afrique en général, et celle de la Guinée en particulier. Quel dommage !
En effet, je me souviens, comme si c’était hier, cet homme politique d’une grande influence qui va au-delà de nos frontières ; cet homme d’une intelligence extraordinaire, d’un charisme indescriptible et d’un sens de leadership inébranlable peut-il se laisser manipuler par ces affairistes sans scrupules, déguisés en politiques ou cadres qui ont, et qui continuent de piller les ressources de notre pays. Nous nous demandons comment ces profiteurs de systèmes qui ont nourri bec et ongle le slogan du « koudéisme » sous le feu Général Lansana Conté peuvent-ils à nouveau l’induire dans cette grosse erreur qui mettra sans nul doute une tache noire sur son héritage politique ? Ironie du sort ?
Monsieur le Président, en prélude de votre investiture pour votre troisième mandat, nous assistons au déploiement d’un impressionnant dispositif sécuritaire comme si nous sommes en état de guerre. Partout, les policiers, les gendarmes et militaires, mais nulle part la justice sociale. Est-ce la « puissance de l’impuissance ou l’impuissance de la puissance ? ». En vérité, si c’est cela le bilan de vos deux quinquennats, Monsieur vous avez échoué, lamentablement.
Cependant, le plus grand service que vous auriez rendu à ce pays, était de laisser derrière vous un héritage politique et institutionnel capable de résister aux intempéries de la vie. Mais hélas, du Mandela de la Guinée, vous seriez très bientôt le Paul Biya de la Guinée.
Monsieur le Président, vous n’inspirez plus confiance, et par conséquent, vous avez échoué !
Par Aly Souleymane Camara