Un certain sondage, fait  je ne sais sur quel échantillon et choisi comment, disait que 80 % des interrogés déclarent être favorables à la reconduite de Monsieur Kassory Fofana au poste de premier ministre.  D’autres voix s’élèvent pour dire qu’il est le meilleur de tous les premiers ministres du Président Alpha et que cela justifie qu’il reste à son poste. Pour eux, n’eût été Kassory,  les opposants au projet de réforme  constitutionnelle auraient   réussi contre l’initiateur du projet. N’eût été Kassory et sa fermeté, disent-ils,  le SLECG aurait agenouillé le gouvernement . Que sans le courage de Kassory, Alpha n’aurait pas été élu pour un autre mandat.  Selon eux, reconduire Monsieur Kassory serait une expression  de gratitude de la part  du Président Alpha Condé qui dit n’être redevable que peuple souverain de Guinée.

C’est vrai que la fermeté et l’intransigeance de Monsieur Kassory  ont été bénéfiques pour sa formation politique et les causes du Président de la République.  Cependant, il serait exagéré  de dire que sans  lui, il n’aurait  pas eu de quatrième République.

Monsieur Kassory  n’a pas un bastion politique  encore loin un électorat sûr. Son score à la présidentielle  de 2010 est connu de tous : moins de 1% des suffrages exprimés,  son résultat à la législative de 2013 est aussi connu : un seul siège à l’Assemblée Nationale. L’absorption  de son parti par le RPG lui été plus bénéfique : cela lui a valu d’avoir la visibilité et  de distribuer des responsabilités à ses amis de la GPT. Il a réussi  ce qu’il aurait  réussi parce qu’il avait les moyens et cela en raison de son poste. On ne se nomme pas premier ministre.

Certaines pontes de l’Etat  en dépit de leurs discours publics doutaient quant à la réussite de  l’initiative de réforme constitutionnelle entreprise par le Président Condé. Elles avaient des réticences. Il serait surprenant  que Monsieur Kassory n’en fasse pas partie.  Alpha Condé a mis devant les faits accomplis ceux des cadres de son parti ou ministres qui croyaient qu’il  élirait  un dauphin le jour où il a été présenté sa candidature  à un autre mandat  à la Cour Constitutionnelle.

La prétendue  fermeté  de Monsieur Kassory vis-à-vis des opposants au régime et au projet de nouvelle constitution est discutable.  L’échec du Président  Alpha Condé aurait profité à celui qui se voyait candidat  du parti.  Monsieur Kassory n’aurait-il flirté avec les opposants à la nouvelle constitution ?

Lors de la campagne  présidentielle passée, il a fallu que le Président Alpha Condé sorte de son palais, s’implique et galvanise  ses troupes.
La participation de l’UFDG à  la présidentielle du 18 octobre 2020 a  légitimé  la candidature  du Président Alpha  Condé et a  affaibli les forces opposées à un autre mandat en  sa faveur.  Est-ce bien Kassory qui aurait intéressé le Président de l’UFDG à cette élection ? Cela vaudrait dire que le Président de ce parti n’aspire pas au fauteuil présidentiel.

Partout où de grands exploits ont été réalisés, les hommes se sont disputés la paternité de la réussite.  Peu rendent  grâce aux invisibles qui œuvrent au succès des plus grands.  N’eussent été les alliés du RPG à travers la CODENOC et la CODEC, leur engagement, les militants et sympathisants du RPG,  le courage  du Président Alpha Condé et sa témérité,  rien n’aurait été possible.  C’est un acte d’une grande  humilité pour le Président Alpha Condé que de dire à ses ministres, aux cadres du parti  d’aller remercier les militants et sympathisants de son parti.   Comment un premier ministre réussirait-il ce que refuse celui qui l’a nommé ?  Si Alpha Condé avait  été pusillanime, il aurait essuyé la plus grande humiliation de l’histoire et personne ne l’aurait été d’un secours.

On devrait juger un premier ministre à l’aune de  l’accomplissement  de sa mission. Monsieur Kassory a-t-il impulsé l’action gouvernementale ? Oui,  parce qu’il a initié  plusieurs réformes. Non, parce que  les réformes n’ont pas porté les meilleurs fruits. Le plus important dans la gouvernance,  c’est  l’augmentation  du niveau de bien-être.  Le niveau de pauvreté,  contrairement  à ce qu’on voudrait faire croire, n’a pas baissé. Bien au contraire,  il s’est accru. Aussi Monsieur Kassory Fofana n’a pas réussi la lutte contre la corruption,  il n’a pas su réformer l’école guinéenne,  le système de santé et même judiciaire.   Par ailleurs, il n’aura pas été un homme de dialogue. Il n’est pas aussi un bâtisseur, on ne le voit jamais visiter un chantier.

A présent, le Président Alpha Condé ambitionne de gouverner autrement ; aussi il dit  vouloir partager la prospérité.  Cela veut dire qu’il doit  lutter contre  tout ce qui empêche la création de  la richesse et son partage équitable : la corruption notamment. Contre elle, Monsieur Kassory n’a aucun bilan probant parce qu’il n’a pas eu la bonne  méthode.   Aussi, une partie de l’opposition se dit ouverte au dialogue et répond favorablement à la main tendue du Président  de la République.  Cette opposition-là doit trouver face à elle celui qui rassure et inspire  confiance et qui a le sens du consensus. Celui qui a dit préférer  l’autorité  à  la loi, ne s’ouvrira pas au dialogue pour le mal de la stabilité si utile au progrès.  Il faut donc un homme prompt à  dialoguer  à la primature.  Pas n’importe qui. Mais un homme qui a pris des risques réels pour le Président  Alpha Condé et ses causes, qui lui est loyal et qui n’a pas d’ambition  présidentielle.  Si le Président Alpha Condé venait à faire premier ministre un homme qui lorgnerait le fauteuil  présidentiel, il ne réussira rien de grand pour le peuple de Guinée. Alors un mandat sera un autre de perdu.   Ce dernier travaillera pour son compte et œuvrera  non pas à la visibilité des actions  présidentielles mais à sa propre gloire.   Il faut à Alpha Condé un premier ministre qui ne fera pas cette prière de l’égoïste : «  Dieu fasse qu’il échoue pour que vienne  ma gloire. »

Par Ibrahima Sanoh, Citoyen guinéen.