Les députés marocains ont observé lundi une minute de silence à la mémoire des « martyrs de l’économie informelle », après la mort d’au moins 24 personnes dans l’inondation d’un atelier clandestin de textile à Tanger, au nord du Maroc.

Les employés de cet atelier installé au sous-sol d’une maison dans un quartier résidentiel de la ville portuaire ont été piégés lundi matin par les eaux, après des pluies torrentielles, selon l’agence officielle MAP citant les autorités locales.

Les secouristes avaient récupéré lundi en début d’après-midi vingt-quatre corps ainsi que dix survivants, qui ont été conduits à l’hôpital, a-t-elle précisé.

Des représentants des autorités, présents sur place, ont fait état de vingt-cinq morts –17 femmes et 8 hommes âgés de 20 à 40 ans–, selon un journaliste local joint par l’AFP.

Des images diffusées par les médias locaux ont montré un ballet d’ambulances et des corps évacués sur des civières, sous les yeux de riverains traumatisés, dans ce quartier situé dans le sud de Tanger.

Des ouvriers ont pu être sauvés grâce à un habitant du quartier qui les a aidés à s’extraire du sous-sol inondé avec une corde, selon un témoignage recueilli par le journaliste local, corroboré par des images diffusées sur YouTube.

Certains médias locaux ont évoqué un problème d’électrocution mais cette information n’a pas été confirmée par les autorités.

Une enquête judiciaire a été ouverte « pour élucider les circonstances » et « déterminer les responsabilités » du drame, selon la MAP.

Le propriétaire de l’atelier, qui fait partie des survivants hospitalisés, « sera entendu dès que son état le permettra », a précisé à l’AFP une source au sein de la police.

Sur les réseaux sociaux, les internautes s’interrogeaient sur le fait que l’atelier ait pu rester « clandestin ».

« Comment des dizaines de travailleurs et de travailleuses ont-ils pu entrer pendant des années dans le garage d’un bâtiment résidentiel (…) sans que les autorités locales ne s’en aperçoivent », s’interroge l’Observatoire du nord des droits humains, une ONG locale, dans un communiqué.

« Unités clandestines »

Plus de la moitié (54 %) de la production du secteur « textile et cuir » du Maroc provient d’unités « informelles », incluant des unités de production « ne répondant pas aux normes légales », selon une étude publiée en 2018 par la Confédération patronale marocaine (CGEM).

Les présidents des différents groupes parlementaires ont d’ailleurs dénoncé lundi après-midi « l’existence de ces unités clandestines », tout en appelant à une enquête « complète » pour « établir toutes les responsabilités » du drame de Tanger.

L’économie informelle représentait au total plus de 20 % du Produit intérieur brut du Maroc hors secteur primaire en 2014, soit environ 170 milliards de dirhams (environ 15 millions d’euros), le textile générant 11 % de ce volume, selon l’étude de la CGEM.

Environ 2.000 décès sont liés chaque année à des accidents de travail, « soit l’un des chiffres les plus élevés » de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), selon des données présentées lors d’une récente table-ronde sur la « Sécurité au travail » organisée par le Conseil économique, social et environnemental du Maroc (CESE).

Le royaume a connu ces dernières semaines plusieurs épisodes de pluies violentes, après une longue période de sécheresse.

Des intempéries ont entraîné début janvier des effondrements de maisons vétustes à Casablanca, capitale économique du pays, faisant au moins quatre morts et plusieurs blessés, selon les médias locaux.

Souvent liées, à la campagne, à un phénomène de crues soudaines de rivières asséchées et, en ville, à un déficit de système d’évacuation des eaux, les inondations font régulièrement des victimes au Maroc.

C’est « le premier risque en termes de personnes tuées au niveau national », selon un rapport consacré aux risques climatiques publié en 2016 par l’Institut royal des études stratégiques (Ires).

Des inondations liées à des pluies torrentielles ont fait en 2014 une cinquantaine de morts et des dégâts considérables dans le Sud.

AFP