ACCORD. À la mi-janvier, des communautés peule et dogon du centre du Mali ont mis fin à leur conflit grâce à la médiation d’une ONG suisse. L’exemple à suivre ?

L’information est passée au second plan, mais elle pourrait concrètement faire évoluer l’approche des dirigeants impliqués dans la résolution de la crise protéiforme en cours au Sahel, au moment même où le G5 Sahel se réunit à N’Djamena. Loin de là, dans le centre du Mali – la région du cercle de Koro – frontalière avec le Burkina Faso et équivalente à un département, les communautés peule et dogon ont signé après quatre mois de médiation, les 12, 22 et 24 janvier, trois accords de paix pour tenter de ramener la stabilité dans cette région particulièrement éprouvée par les violences intercommunautaires et djihadistes. Dans ce texte, ces communautés locales « s’engagent à poursuivre et à garantir l’intégrité physique, la libre circulation des personnes, des biens et du bétail, et condamnent les violences dans le cercle de Koro, dans le Centre du Mali », indique un communiqué de l’ONG suisse Centre pour le humanitaire, spécialisée dans les médiations.

Déchaînement de violences

Il faut savoir que les affrontements se sont multipliés entre Peuls, majoritairement des éleveurs, et les ethnies bambara et dogon, pratiquant essentiellement l’agriculture. Ces dernières ont créé leurs « groupes d’autodéfense » notamment en s’appuyant sur les chasseurs traditionnels « dozos », notamment la puissante milice dogon Dan Nan Ambassagou (« les chasseurs qui se confient à Dieu »), officiellement dissoute mais toujours active. Ce groupe est accusé par des ONG et l’ONU de massacres dans des villages peuls, ce qu’il dément. Les autorités maliennes l’ont désigné comme responsable du massacre du village de Ogossagou le 23 mars 2019.

L’armée malienne a, pour sa part, été accusée d’exactions envers des Peuls dans le même cercle de Koro. De nombreux Peuls se sont réfugiés dans la périphérie de la capitale régionale, Mopti. Frontalier du Burkina Faso, le cercle de Koro est l’un des principaux foyers de violence du pays. Quasiment inaccessible, il est seulement sillonné par des ONG, les patrouilles de l’ONU et l’armée. Dans les onze communes du cercle de Koro, qui ont signé les accords de paix, plus de 728 personnes sont mortes dans des conflits intercommunautaires de 2017 à 2020. Plus globalement, le centre du Mali est pris dans un tourbillon de violences depuis l’apparition en 2015 d’un groupe djihadiste mené par le prédicateur peul Amadou Koufa, affilié à Al-Qaïda, qui a largement recruté au sein de sa communauté.

Pardon et lassitude

Mais aujourd’hui, un point en particulier fait renaître l’espoir : les signataires se sont engagés à inciter les membres de leur communauté à « œuvrer en faveur de la paix en pardonnant tous les actes passés et en diffusant des messages de cohésion et d’apaisement », selon le communiqué. Ils se sont également engagés à « garantir l’intégrité physique, la libre circulation des personnes, des biens et du bétail », à « respecter les us et coutumes » de tous, ou encore à faciliter la fréquentation des villages et des marchés par toutes les communautés. Des accords similaires avaient déjà été signés il y a plus de deux ans, mais ils n’avaient pas résisté à la poursuite des violences. « Par ces accords, les communautés témoignent de leur lassitude face au conflit », a déclaré Abdelkader Sidibé, chef de mission de HD pour le Sahel, cité dans le communiqué. « Pour preuve », après la signature du précédent accord, des Peuls ont « pu accéder au marché de Koro » pour la première fois depuis 2018, selon l’ONG. « Un premier symbole fort pour ces communautés qui n’osaient plus se fréquenter par peur d’incidents entre elles. Le soutien des autorités maliennes sera désormais essentiel pour consolider cet acquis. »

Lepoint/AFP