Monsieur le Président de séance ;
Mesdames et Messieurs,
C’est un honneur pour moi de participer à la IXème conférence de Moscou sur la sécurité internationale et surtout un privilège de prendre la parole à cette tribune pour intervenir sur « La coopération militaire et militaro-technique entre la Russie et les pays d’Afrique et du Moyen-Orient, facteur principal de renforcement de la sécurité régionale », cas des pays africains.
Au demeurant, je remercie S.E.M. le Général d’Armée Serguëi CHOÏGOU, Ministre de la défense de la Fédération de Russie, pour l’opportunité que son invitation m’offre de prendre part avec ma délégation à ce forum international qu’il a bien voulu organiser encore cette année, malgré la conjoncture sanitaire internationale toujours très éprouvante.
J’en profite pour m’acquitter d’un devoir, celui de transmettre les chaleureuses salutations de S.E.M le Président de la République de Guinée, Chef de l’Etat et Chef Suprême des Armées, Pr Alpha CONDE, à son frère et ami S.E M. Vladimir POUTINE, Président de la Fédération de Russie.
En effet, l’honneur qui est fait à mon pays d’être de nouveau représenté à cette plateforme d’échanges, témoigne de l’excellence des relations d’amitié et de coopération qui existent entre nos deux Etats depuis l’accession de la Guinée à l’indépendance nationale, le 02 Octobre 1958.
C’est pourquoi, S.E.M. le Président de la République m’a particulièrement chargé de réaffirmer à S.E.M. le Président de la Fédération de Russie, sa volonté ardente de perpétuer ces relations en vue du progrès de nos deux pays.
Mesdames et Messieurs,
Pour revenir à l’objet de notre rencontre, je voudrais exprimer ici toute ma reconnaissance au Ministère de la défense de la Fédération de Russie pour l’opportunité que nous offre la Conférence de Moscou d’échanger périodiquement sur la problématique de la sécurité internationale qui se pose toujours au monde avec plus d’acuité, malgré les initiatives et les efforts des Etats, les progrès scientifiques et technologiques.
Nous sommes aujourd’hui dans un ordre mondial où les menaces sont diffuses et imprévisibles, marqué par un environnement de volatilité, d’incertitude, de complexité et d’ambiguïté.
En Afrique, la sécurité globale de nos Etats est de plus en plus menacée par les crises politiques liées au processus démocratique, à l’exacerbation de la pauvreté et du chômage qui favorisent les revendications sociales, la radicalisation religieuse, le terrorisme et l’extrémisme violent, les rebellions armées, les conflits communautaires et séparatistes, la criminalité organisée, les épidémies et pandémies qui viennent s’ajouter aux calamités naturelles, occasionnant très souvent des déplacements massifs de populations.
Nos ensembles sous régionaux sont confrontés chacun à un ou plusieurs de ces défis sécuritaires spécifiques.
Depuis la déstabilisation de la Lybie, l’instabilité contagieuse dans la bande sahélo-saharienne et la persistance de Boko-haram dans le bassin du lac Tchad, ont internationalisé le terrorisme et l’extrémisme violent en Afrique occidentale et centrale.
La bande Sahélo-saharienne est devenue un sanctuaire des Groupes Armés terroristes (GAT) et du trafic de tout genre, une zone infréquentable, d’où les djihadistes veulent partir pour étendre leur empire jusqu’au golfe de Guinée.
La corne de l’Afrique, toujours en proie à la piraterie maritime, est un autre foyer de tensions entretenues par les Chebabs qui déstabilisent la Somalie et le Kenya. Plusieurs autres pays de la côte Est de l’Afrique comme la Tanzanie et le Mozambique sont aussi victimes d’attaques terroristes.
La prolifération et la circulation illicite des armes légères et de petit calibre résultant des différents conflits, favorisent la récurrence des rébellions fratricides avec leur massacre de civils dans les pays des grands lacs et dans le bassin du lac Tchad.
Plus récemment, en plus des crises post-électorales qui ont secoué certains pays de l’Afrique de l’Ouest, la guerre de sécession en Ethiopie et la rébellion au Tchad ayant coûté la vie au Président Idriss Deby ITNO, constituent des motifs de préoccupation dont les effets risquent de faire basculer ces parties du continent dans une insécurité généralisée.
Au-delà des pays du G-5 Sahel, le Cameroun et le Nigéria sont périodiquement victimes d’attaques meurtrières qui endeuillent les pays et provoquent des déplacements massifs de populations.
Tous ces foyers de tensions et de guerres qui sèment la terreur, rendent les Etats de plus en plus instables et compromettent la mise en œuvre des programmes de développement socioéconomique. Cet état de fait augmente les taux de pauvreté et de chômage, exacerbe les tensions sociales et fait de l’Afrique un réservoir potentiel de candidats à la migration clandestine dont l’ampleur devient incontrôlable.
La Russie, il faut s’en féliciter, appuie les pays africains dans la gestion de ces conflits dans le cadre de ses relations de coopération militaire bilatérale, mais aussi dans celui de l’intervention de la communauté internationale à travers les Nations Unies.
Depuis la création de son armée le 1er novembre 1958, la République de Guinée entretient une coopération militaire privilégiée avec la Russie.
Cette coopération militaire, aux côtés des autres partenaires techniques et financiers, accompagne le processus de la Réforme du Secteur de Sécurité enclenchée sous la conduite du Président de la République, Pr Alpha CONDE, depuis son accession à la magistrature suprême du pays.
L’un des avantages de cette Réforme de l’armée guinéenne est la reprise de la place de notre pays sur la scène internationale dans le domaine des opérations de maintien de la paix, avec l’envoie de contingents militaires depuis plusieurs années au sein de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA) et d’observateurs militaires ou de Sécurité au compte des Nations Unies.
Pour maintenir l’élan de cette participation, notre pays dispose d’un centre d’Entrainement aux Opérations de Maintien de la Paix qui ambitionne de devenir un Centre Sous Régional avec l’appui technique et financier de nos partenaires.
Mesdames et Messieurs ;
La construction des armées nationales fortes en Afrique se heurte au contraste existant entre la volonté politique des dirigeants et les capacités économiques des Etats.
Cette situation est aggravée par les crises de tous genres qui agitent le monde, d’autant plus que l’adaptation des équipements des armées au nouveau contexte sécuritaire souffre de l’insuffisance de moyens financiers nécessaires à la mise en œuvre des Lois de Programmation Militaire élaborées à cet effet.
En conséquence, de nombreuses armées africaines sont dans l’incapacité de gérer par elles-mêmes les moindres menaces sécuritaires, compromettant ainsi la stabilité socio-économique et politique de leurs pays, avec des incidences dommageables à l’ensemble de la communauté internationale.
D’où l’obligation de la mutualisation plus accrue des efforts de toute la communauté internationale au-delà des idéologies et de la géopolitique.
Ceci est la seule alternative qui peut amener le monde à vaincre les forces du mal qui s’identifient par la radicalisation, la guerre, la violence, la terreur, le trafic de tous genres.
C’est pourquoi l’Afrique, en plus de la nécessité de la montée en puissance des armées nationales, a une préoccupation longtemps exprimée, de création et d’opérationnalisation d’une force en attente de l’Union Africaine avec des composantes sous régionales.
Il est évident que la montée en puissance d’une telle force permettrait au continent africain de disposer des unités d’intervention capables de prévenir ou de gérer efficacement toutes les situations de conflits qui déstabilisent nos Etats.
La matérialisation de telles initiatives nécessite une coopération militaire multidimensionnelle plus renforcée entre les pays africains et les puissances militaires comme la Russie en termes de renforcement de capacités en matière de formation et surtout d’équipements majeurs adaptés au contexte sécuritaire actuel.
Cette approche permettrait aux grandes puissances d’économiser les moyens mobilisés pour leurs interventions militaires d’urgence visant à sauver les Etats africains du péril terroriste, tel que l’opération Serval’’ au Mali.
Cette nouvelle forme de coopération militaire appelée de tous les vœux par l’Afrique, devrait trouver aujourd’hui un écho favorable auprès des puissances militaires à travers des rencontres comme la conférence de Moscou sur la sécurité internationale.
Mesdames et Messieurs,
Au regard de tous les facteurs qui génèrent les conflits, la restauration de la sécurité internationale et la consolidation de la paix doit aussi inclure une nouvelle forme de coopération internationale axée sur l’accroissement de l’appui au développement économique et technique aux Etats africains.
C’est dire que la coopération avec les puissances militaires doit tendre désormais vers cette réalité implacable, pour que les efforts de lutte pour la consolidation de la paix revêtent un caractère efficace et durable.
L’amélioration des conditions de vie des populations par la réduction des disparités et le partage de la prospérité sont autant de facteurs qui peuvent empêcher les couches défavorisées de se radicaliser, de se masser aux portes de l’Europe ou de s’enrôler dans des confits qui ne sont souvent pas les leurs.
Sans avoir été exhaustif, je voudrais terminer mon intervention sur une note d’espoir en faveur de la prise en compte de cette nouvelle conception de la coopération en vue de mieux faire face aux défis sécuritaires contemporains.
Je réaffirme ici, la disponibilité de mon pays à dynamiser chaque jour davantage cette coopération avec la Fédération de Russie dans le cadre de la préservation de la paix, de la stabilité et de la sécurité internationale pour l’intérêt supérieur des Etats et des Peuples.
Vive la coopération internationale,
Vive la paix et la sécurité internationale,
Je vous remercie, pour votre aimable attention !