Rares sont aujourd’hui les Peuls vivant dans les centres urbains qui soient capables de parler correctement leur langue sans la mâtiner d’une autre langue, et en particulier le français ou l’arabe. C’est bien sûr propre à la vie citadine et non exclusif aux Peuls, mais le cas de ces derniers est tout à faire remarquable.

Certains parents, par souci de performance pour leurs enfants à l’école, ne leur parlent que le français, y compris à la maison ! Il n’est pas rare de croiser des gamins perdus entre un français très approximatif et un poular catastrophique.

Si ce n’est pas le français comme langue étrangère, c’est l’arabe. L’apprentissage du Coran est en pleine expansion à Conakry, ce qui est une très bonne chose. Mais comme souvent, il y a de l’exagération.

Aujourd’hui, dans la plupart des mosquées, même pour demander aux fidèles de resserrer les rangs, les imams le font en arabe.

Dans les réunions ou lors des cérémonies de baptême ou de mariage, ceux qui prennent la parole consacrent minimum 3 minutes à citer des hadiths et à raconter des anecdotes orientales exclusivement en langue arabe. Même le traditionnel bonnet Poûto est remplacé par des chechias marocaines ou saoudiennes.

En zone rurale on assiste même à la débaptisation de certains villages dont les noms sont jugés païens ou de mauvais augure. Ils sont remplacés par des noms arabes. « Sâbêrè » devient ainsi « Madinatoul-Fallah », etc. Les prénoms des personnes n’y échappent pas non plus !

Pour la langue, c’est encore pire avec les Peuls vivant à l’étranger et notamment au Sénégal, en Gambie, en Sierra Léone, au Libéria et en Angola. Il ne faut pas plus de 3 mois à un Peul expatrié au Sénégal pour savoir conter en Ouolof !

Le plus incompréhensible, c’est que quand bien ces compatriotes rentrent en Guinée, ils continuent à parler la langue dominante de leur pays d’accueil. Y compris au village, manière de se distinguer, de marquer leur différence avec les résidents.

Ce n’est que très récemment que les Guinéens vivant en Europe et en Amérique ont commencé à prendre conscience de cette aliénation culturelle insidieuse. Certains commencent à faire venir les enfants pour passer les vacances au village pour se ressourcer.

On vit certes dans un monde mondialisé où l’apprentissage des langues est une richesse à encourager. Mais c’est dommage d’aller jusqu’à renier la sienne et de perdre sa culture.

Que va-t-il nous rester si l’on continue comme ça, déjà que tout le monde a déserté les villages où toutes les cases traditionnelles ont été remplacées par des bâtiments en dur ?

Kori Faamenyo

Par Alimou SOW