Dans un entretien qu’il nous a accordé ce samedi 24 juillet 2021, le Président de la Génération Citoyenne est passé en revue, la situation sociopolitique de la Guinée. De la libération de certains détenus politiques, aux manifestations annoncées par l’UFDG, en passant par la décentralisation, l’opposant a donné son point de vue. Au micro de notre reporter, Fodé Mohamed Soumah a fait un zoom sur la récente radiation de trois de ses anciens collègues, de l’Alliance patriotique.

Lire ci-dessous, l’intégralité de l’interview !

Des opposants au régime d’Alpha Condé en détention, viennent de bénéficier d’une liberté conditionnelle. Quelle appréciation faites-vous ?

J’en suis heureux. Parce qu’il ya des moments où il faut aller à l’essentiel.J’estime que rien ne vaut la liberté. Donc, quand je vois les commentaires des donneurs de leçon qui ne connaissent même pas le stress lié à une garde à vue, la peur, la panique de l’attente d’un jugement en milieu carcéral, je me demande ce qu’ils recherchent. Donc je salue ce geste humanitaire et politique. Tout Guinéen qui veut aller dans le sens de l’accalmie doit encourager la pacification du climat socio-politique. Donc c’est un devoir citoyen, de nous rendre Solidaires pour ces personnes qui ont pu passer la fête en famille.

Beaucoup de personnes pensent que cette semi-liberté est accordée à ces quatre détenus, parce que l’UFDG a menacé de manifester. Êtes-vous du même avis?

C’est être naïf de dire qu’aujourd’Hui il ya un parti qui peut réunir des milliers de personnes en cette période de pandémie et de sinistrose économique. Les Guinéens en ont marre de la violence gratuite et aveugle. De plus, en tant que responsable politique, je ne peux pas me battre pour la libération de certains, et jeter des victimes innocentes en prison. Donc vous trouverez des esprits éclairés pour dire que c’est par crainte d’une manifestation ou la pression de la communauté internationale. En tout cas, il faut se réjouir de la libération, demander celle des autres prisonniers politiques et l’activation des procès.

Vous êtes membre et porte parole de « L’Alliance Patriotique », nous avons vu une radiation de trois députés qui étaient en membres. Après, ces derniers ont accusé Mamadou Sylla de mauvaise gestion. C’est quoi le problème dans cette affaire?

Je suis au cœur de l’action et j’ai envie de dire trois choses. La première, c’est qu’il faut savoir raison garder. Parce que malgré tout ce qui se dit, nous sommes appelés à vivre ensemble à l’hémicycle, dans les commissions, dans les inter-commissions, en plénière et dans les mêmes murs.
La deuxième est qu’il faut se rendre à l’évidence, c’est terminé.
Enfin, il faut un argumentaire qui s’appuie sur les textes, en l’occurence le règlement intérieur, pour dénoncer, revendiquer ou exiger. J’ai même appris qu’il ya possibilité de la saisine de la Cour constitutionnelle. Je ne peux pas comprendre qu’un député puisse méconnaître les règles de fonctionnement de son institution à ce point. Le règlement intérieur est clair en son article 21 qui dit qu’un député peut démissionner d’un groupe, rejoindre un autre, ou être exclu. Ce sont les trois scénarios possibles. Ensuite le processus voudrait que le Président du groupe parlementaire informe le Président de l’Assemblée nationale qui prend acte, puis informe le bureau et tous les députés lors d’une plénière. Tout a été fait dans les règles de l’art.

Comment vous trouvez la décentralisation aujourd’Hui dans notre pays ?

Je ne dirais pas qu’elle est inexistante mais elle est mal faite. Il ya deux éléments qui développent un pays. Quand je dis un pays ce n’est pas la Capitale. C’est le pays tout entier. Cest à dire que lorsque vous êtes à Kankan, à Mamou ou à N’zérékoré, que vous ayez l’impression d’être à Conakry. De plus, la décentralisation va avec la déconcentration de l’outil d’Etat. Par exemple, je ne vois pas ce que le Ministère des mines fait à Conakry, et même l’environnement. On a huit régions administratives, même ce découpage ne me convient pas, tout comme les quatre régions naturelles. Mon ambition est de doter la Guinée de régions économiques .Qu’on dise demain Dabola c’est la région arrachidière parce que c’est là-bas que d’arachide pousse le mieux. Ensuite encadrer les unités industrielles pour la transformation en huile, savon, et produits divers. C’est ce qui va limiter l’exode rural et mettre tout le monde à la terre, grâce à la plus-value générée.
Aujourd’hui non seulement c’est une agriculture pluviale, mais c’est une production sans transformation.
La décentralisation, c’est faire en sorte que le jeune qui naît à N’zérékoré puisse y étudier, travailler et faire sa vie dans la zone.
Dans un Etat normal, le Maire représente le Président de la République de sa zone, et son conseil municipal devient le gouvernement. Mais comment gérer une commune de la taille de Matoto ou Ratoma, avec un seul Maire? C’est pourquoi les communes actuelles devraient être éclatées en arrondissements, avec une entité supérieure. A eux de collecter et/ou trouver les moyens de leur survie, avec une subvention de l’Etat. C’est ça la décentralisation.

Quelles sont les solutions que vous préconisez à ce niveau?

Lorsque vous voulez développer un pays, vous devez avoir une politique de décentralisation homogène qui puisse fonctionner. Nous avons les exemples du Nigéria  et des Etats-Unis d’Amérique. Ce sont des pays à plusieurs Etats.
En Europe les plus grandes villes n’ont rien à envier à la Capitale. C’est pourquoi j’exhorte les autorités à impliquer la diaspora, à l’instar de ce que nous voyons dans les pays limitrophes. En tant que député, je me battrai pour que nos compatriotes qui vivent à l’étranger soient représentés dans la prochaine Législature. Aujourdhui, c’est la diaspora africaine qui inspire et supplie le pouvoir, comme la Chine et l’Inde il n’ y a pas si longtemps. Donc, c’est au pouvoir de transformer les Guinéens de l’étranger en acteurs de développement, car leur apport formalisé devient incontournable.

Entretien réalisé par Jacques Kamano