Fondé dans les années 1700, Labé est situé au Nord de la Guinée et à 450 kilomètres de la Capitale. Cette ville aujourd’hui devenue la capitale régionale de la Moyenne Guinée, couvre sur le plan administratif les préfectures de Tougué, Mali, Koubia et Lelouma. Labé compte 1.091.633 habitants selon le recensement de 2017. Mais qui a fondé Labé, qui sont les premiers habitants, quelles étaient leurs principales activités, comment Labé a été islamisé ? D’où est venu le nom « Labé »? Pour trouver des réponses à ces questions, nous avons interrogé un sociologue et chercheur. Au micro de maguineeinfos.com, Pr Bonata Djeng est revenu également sur la particularité de Labé par rapport aux autres localités du pays.

Trouvé chez lui à N’Diolou, dans la commune urbaine de Labé, le Directeur scientifique du Musée du Foutah Djallon nous a accueilli dans un jardin à l’image d’un petit village. Répondant à nos questions, l’universitaire est passé en revue, sur l’essentiel du passé de Labé.

Lire ci-dessous, l’intégralité de l’entretien !

FONDATION DE LABÉ

Quand on parle de Labé, il faut vous mettre à l’esprit que Labé a été fondé autour des années 1700. Le site qu’on appelle Labé était comme ce qu’on appelle agglomération dans le territoire, qui était des vastes brousses, où y avait ça et là des petits hamons qui étaient occupés par quelques centaines de personnes, mais pas plus. Donc ce fut le cas de Labé qui était habité par des populations majoritairement Diallonka ou Diallonké comme disent les blancs. C’est eux qui vivaient ici selon leurs traditions et leurs pratiques économiques, sociales, culturelles et religieuses, qui à l’époque étaient des populations traditionnelles ou animistes.

ORIGINE DU NOM « LABÉ »

Il y avait un petit hamon qui était dirigé par un certain « Allabé ». Donc vulgairement ou couramment on dit « Manggalabé ». Mais c’est nous les Peulhs qui disons Manggalabé comme ça. Sinon en langue Diallonka qui est proche du Soussou, on dit Manguê-Labé. Si nous prenons cet angle, ça veut dire le Chef de Labé pour ceux qui comprennent Soussou. Mais grosso modo, on dit Maggalabé. Aujourd’hui, les restes sont à, à peu près à 2 ou 3 kilomètres de la grande route ici, dans le secteur appelé aujourd’hui TELIDJÉ. Il y a là-bas les vestiges d’un bois sacré, où les populations venaient adorer leur divinité. Le dernier chef le plus connu, s’appelait donc « MangaLabé ».

KARAMOKO ALPHA ET L’ISLAMISATION DE LABÉ

C’est pendant l’islamisation que ce hamon (Labé) a été mis au pas par ceux qui se sont battus pour imposer l’islam dans toutes les contrées. Ils ont mené beaucoup de batailles pour amener les gens à adopter l’islam. C’est toute une histoire qui a duré des décennies, voire des siècles, mais il y a eu finalement le triomphe de tous les compagnons en Islam de celui qui est devenu le plus illustre de ceux qui ont islamisé cette région, que toute le monde appelle Karamoko Alpha.C’est lui qui a amené les gens d’ici en Islam. A ce titre, il a pris le nom Karamoko Alpha, comme tout le monde dit « Mo Labé ». C’est donc le chef du village qui s’appelle Labé. Sinon il appartient au clan des « Diallo », donc des Kaldouyanké. Il s’appelait Mamadou Cellou Diallo.

ACTIVITÉS DES PREMIERS HABITANTS 

A l’époque il n’y avait pas de développement. Les activités étaient purement basiques. C’était l’agriculture et un peu l’élevage. Ils cultivaient des céréales et élevaient des poulets et chèvres…
C’est les Peulhs qui étaient venus avec leurs bœufs et cohabitaient avec les paysans agriculteurs. En ce temps, les bœufs étaient toute une économie. Cette activité pouvait faire vivres des millions de personnes. Ils échangeaient les produits de l’élevage avec les produits des paysans  agriculteurs Diallonké. Chacun donnait ce qu’il a, dans un commerce bien réglementé, où y avait des équivalences des poids et des mesures. On pouvait échanger du lait au fonio, au riz, au maïs…
C’est du troc.

ÉVOLUTION DE LABE

Mais Labé s’est vite développé, puisque c’est devenu une sorte de Capitale de provinces. En Islam et en tradition on appelle ici « Diwal »(province). Beaucoup de gens sont venus de plusieurs horizons pour habiter Labé. Ils étaient venus se mettre dans ce qui était considéré comme quelque chose de valeur, c’est-à-dire, lutter pour le triomphe de l’islam. D’autres sont venus de très loin, comme enseignants, comme marabouts. C’est ainsi que les plus célèbres sont venus du Macina, au Mali. Beaucoup sont venus avec des « Talibés » (apprenants), des guerriers en Islam sont aussi venus du Sénégal et de la Mauritanie. Ils ont ainsi agrandi cette contrée, devenue le Foutah Djallon. Cette bataille avait été gagnée par les familles des Peulhs qui étaient venus derrière leurs bœufs pendant des siècles. Il y avait aussi certains qu’on appelait « Poulli », qui n’étaient pas musulmans au début, mais vers les Xème, XIème, XIIème siècles, ils étaient là jusqu’à partir du XVIème siècles, avant de commencer à embrasser l’islam avec d’autres.

COLONISATION ET LES PREMIERS QUARTIERS DE LABE

Finalement, ils ont réussi à créer un espace politique nouveau sous la bannière de l’islam, qui est appelé le Foutah Djallon, pays des « Foula » et des « Diallonké ». Labé est devenu une Capitale du Diiwal LABE. Labé a connu un grandissement avec l’arrivée des colons, tout était concentré autour de la grande Mosquée. Mais à l’arrivée de la colonisation, il y a eu la création de nouveaux quartiers comme Kouroula, siège de l’administration coloniale et ensuite d’autres quartiers qui ont ibrité le marché. Et plus les gens venaient, plus des quartiers se naissaient autour des activités et des pouvoirs de l’époque. On a Dowsaré, Leysaré, Mosquée et Mairie, qui sont parmi les plus vieux quartiers de Labé. Ensuite on a Daaka et Tâta. Le quartier Daaka était comme une garnison, où étaient les troupes de la chefferie. Après il y a eu le quartier Bowounloko, qui est aussi devenu le lieu qui a abrité de nombreux gens qui sont venus au Foutah pour faire le commerce, venus du Manding. C’est Bowal-marché en Manding qu’on a transformé pour dire Bowounloko. Les Sarakolé, Diakanké, Toucouleur, qui venaient étaient logés dans ce quartier. Ils venaient vendre des armes, de l’or, des colas, du sel, des draps et couvertures. Donc c’est comme ça ces quartiers se sont développés.

PARTICULARITÉ DE LABE/PREMIERES ECOLES DU FOUTAH

Chaque ville a sa particularité. Donc Labé a très tôt été un chef lieu, donc une Capitale. Cette Capitale a abrité des gens venus de partout. Le village a vite grandi et accueilli beaucoup de gens et des infrastructures de l’administration. L’école de Kouroula, l’une des plus vieilles a été battue vers 1902-1904.

C’était les seules écoles dans tout le Foutah à l’époque. Il ya aujourd’hui des vieilles boutiques dans la ville, qui ont été construites par les commerçants libanais, parce que les français, quand ils ont colonisé l’espace, ils étaient beaucoup plus des administrateurs, ils ont amené des commerçants du Liban et de la Syrie, qui ont fait le commerce pendant longtemps. Ils vendaient des denrées, des tissus, du pétrole…

Labé a abrité la réunion qui a crée l’Organisation des États riverains du fleuve Sénégal, qui est l’ancêtre de l’OMVS. C’est à Labé ici que ça été créé par les Présidents de l’époque, Ahmed Sékou Touré de la Guinée, Modibo Keita du Mali, Mouctar Ouldada de la Mauritanie et Léopold Sedar Senghor du Sénégal.

Retenons que Labé a été au centre de beaucoup de choses en Guinée et en Afrique. Mais surtout, Labé est une ville de l’islam, de Paix.

PATRONYMES COURANTS

Ce sont les noms claniques des Peulhs. Les Diallo sont les plus nombreux. Ensuite les Bah, surtout du Macina.

GESTION ET RÉPARTITION DES POUVOIRS POLITIQUE ET RELIGIEUX

Ici à Labé c’est la famille Diallo qui a pris la chefferie politique et elle a demandé aux Bah qui sont des grands marabouts, de s’occuper de l’éducation islamique, coranique. C’est comme ça ces deux familles ont réussi à gérer la Mosquée. On dit la Mosquée de Karamoko Alpha Mo Labé, mais il a très tôt confié la Mosquée à l’ancêtre du grand imam qui est là aujourd’hui, qui est Bah. Ça c’est depuis les années 1730. C’est les Diallo qui ont fondé la Mosquée, mais l’éducation islamique a été confiée aux Bah. Les gens ont reconnu récemment Thierno Aliou Bhoubha N’Diyan, après son fils Elhadj Abdourahamane Bah est venu, et aujourd’hui le fils de celui là, Elhadj Badrou Bah est le Premier Imam, c’est donc une succession qui date des années 1700. Et cette tradition fonctionne jusqu’à maintenant.

  DIIWAL-PROVINCE LABE

Le Diiwal Labé a été décrit comme étant la Province la plus grande et la plus forte par rapport aux autres et qui a joué un rôle prépondérant. Le lieu le plus dynamique était Labé, sous l’autorité de ceux qui étaient installés à Timbo. C’est ici à Labé qu’il y avait eu plus de combattants et aussi Labé avait beaucoup plus de moyens et de ressources humaines. Les gens de Labé se trouvaient toujours en position de force. Ils s’imposaient. Karamoko Alpha était l’un des plus grands proches de l’Almamy de Timbo.

CITÉ RELIGIEUSE ET POLITIQUE/ET OU UN LIEU D’AFFAIRES

Labé est devenu une Capitale religieuse, puis une Capitale de provinces avec l’administration coloniale. Et depuis, Labé s’est développé avec tout ça. C’est devenu une grande ville, un lieu d’affaires et d’échange national et international. Aujourd’hui des milliers d’acteurs et d’activités se font en direction de tous les pays voisins. Il y a beaucoup d’étrangers qui viennent s’installer à Labé. Le marché doit être le deuxième ou le troisième grand marché de Guinée, après celui de Madina à Conakry. Aujourd’hui Labé est une ouverture sur le monde. C’est un carrefour, toutes les préfectures de la région vivent autour du marché de Labé.

Entretien réalisé par Siradio Kaalan Diallo