L’opération mer verte (en portugais: Operação Mar Verde) était une attaque amphibie contre Conakry, capitale de la Guinée, par entre 350 et 420 soldats portugais et des combattants guinéens sous commandement portugais en novembre 1970 . Les objectifs de l’opération comprenaient le renversement du gouvernement d’Ahmed Sékou Touré, la capture du chef du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), Amílcar Cabral, la destruction des moyens navals et aériens du PAIGC et de ses soutiens guinéens et le sauvetage des prisonniers de guerre portugais à Conakry.

Les assaillants se sont retirés après avoir sauvé les prisonniers de guerre et détruit des navires du PAIGC et des infrastructures de l’armée de l’air guinéenne, mais n’ont pas réussi à capturer Amílcar Cabral, le chef de la guérilla du PAIGC, ni à renverser le régime du dirigeant guinéen Ahmed Sékou Touré.

Le Contexte

En 1952, Ahmed Sékou Touré est devenu le chef du Parti démocratique guinéen (PDG). En 1957, la Guinée a organisé une élection au cours de laquelle le PDG a remporté 56 sièges sur 60. Le PDG organisa un referendum en septembre 1958, au cours duquel la majorité des Guinéens optèrent pour une indépendance immédiate plutôt que pour une association continue avec la France. Les Français se retirent et, le 2 octobre 1958, la Guinée se proclame république souveraine et indépendante sous le président Touré.

En 1960, Touré accueillit en Guinée et soutint Amílcar Cabral et son organisation, le PAIGC, qui cherchait à obtenir l’indépendance de la Guinée portugaise (aujourd’hui la Guinée-Bissau) et du Cap-Vert portugais. En 1963, le PAIGC entame la guerre d’indépendance de la Guinée-Bissau.

L’Attaque

Dans la nuit du 21 au 22 novembre 1970, environ 200 Guinéens armés – revêtus d’uniformes semblables à ceux de l’armée guinéenne et commandés par des officiers portugais – et 220 soldats afro-portugais et portugais ont envahi certains points néfralgiques autour de Conakry. Les soldats ont débarqué de quatre navires non marqués, dont un LST et un cargo, et ont détruit 4 ou 5 navires de ravitaillement du PAIGC. D’autres ont atterri près de la maison d’été du président Touré, qu’ils ont incendiée . Les envahisseurs se sont concentrés sur la destruction du siège du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et des îles du Cap-Vert (Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert – PAIGC) dans le but de capturer le dirigeant du PAIGC, Amilcar Cabral, qui était en Europe à l’époque. D’autres ont saisi les camps de prisonniers politiques et libéré un certain nombre de prisonniers, parmi lesquels des soldats portugais et des aviateurs qui avaient été capturés auparavant par les forces du PAIGC et livrés aux Guinéens pour être gardés en sécurité; certains étaient retenus captifs dans ces camps depuis sept ans. La principale force offensive a atteint l’aéroport mais l’a ignorée. Elle aurait apparemment attaqué ce qu’elle pensait être la station de radio en activité, sans savoir que son utilisation avait été interrompue par son remplacement antérieur par une nouvelle station.

Touré était dans le palais présidentiel à l’époque. D’autres soldats ont capturé deux postes de l’armée, pris le contrôle de la principale centrale électrique de la ville, capturé le siège du PAIGC (mais pas Amílcar Cabral) et libéré 26 prisonniers de guerre portugais détenus par le PAIGC au camp Boiro. Les milices guinéennes ont combattu les raiders sans grand succès. Comme Cabral et Touré étaient introuvables, les soldats portugais se sont retirés après avoir subi des pertes mineures.

À ce stade, la moitié de la force d’invasion s’est retirée avec les prisonniers libérés sur les navires en attente, laissant la tâche de renverser le gouvernement guinéen à une force estimée à moins de 150 hommes. Ce groupe a apparemment espéré un soulèvement de la population, mais une telle réaction n’a pas eu lieu. Des observateurs extérieurs ont émis l’hypothèse que le soutien public n’aurait pas été obtenu parce que les envahisseurs n’ont pas réussi à s’emparer de la bonne station de radio, qui continuait à fonctionner sous le contrôle du gouvernement. En outre, les principaux responsables du gouvernement et du parti au pouvoir ont évité la capture.

Les conséquences de l’attaque

Monument du 22 novembre 1970, mémorial de l’attaque du 22 novembre 1970 à Conakry.

Purges internes en Guinée
Une semaine après l’invasion, Sékou Touré met en place un comité composé de dix personnes: le Haut-Commandement. Composé de membres loyaux du Bureau politique, le haut commandement dirige la Guinée par décret. Le haut commandement a supervisé les arrestations, les détentions sans procès et les exécutions. Les actions du haut commandement ont décimé les rangs des représentants du gouvernement et de la police. Parmi les victimes figuraient notamment le président de la Banque centrale de la République de Guinée et le ministre des Finances, Ousmane Baldé. Après un procès de cinq jours, le 23 janvier 1971, le Tribunal suprême révolutionnaire ordonna 29 exécutions (effectuées trois jours plus tard), 33 condamnations à mort par contumace, 68 condamnations à perpétuité pour travaux forcés et 17 ordonnances de confiscation de tous leurs biens. Les troupes afro-portugaises qui étaient restées en Guinée ont écopé de peines de prison à vie pour travaux forcés. Quatre-vingt-neuf des personnes inculpées ont été libérées, mais des dissidents ont affirmé que certaines personnes ont “disparu” en prison ou ont été exécutées de manière extrajudiciaire. Parmi les condamnés à mort figuraient des membres du parti au pouvoir (y compris les chefs de parti de quartier à Conakry), le chef de la police de Conakry, un secrétaire du président, un ministre adjoint des finances et au moins cinq soldats guinéens. Ceux qui se sont vu confisquer leurs biens sont des Français ou des Libanais. Le sort des autres Européens arrêtés est inconnu. Parmi ceux qui ont été condamnés à la prison à perpétuité se trouvaient d’anciens ministres du gouvernement, des chefs d’industries d’État, un ancien gouverneur régional et les deux plus hauts responsables du Musée national.

En juillet 1971, Sékou Touré purge l’armée de certains de ses officiers. En avril 1973, il a purgé son régime de certains de ses ministres.

Condamnation politique

Le 8 décembre 1970, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 290 condamnant le Portugal pour l’invasion de la Guinée et l’invitant à respecter les principes d’autodétermination et d’indépendance en ce qui concerne la Guinée portugaise. Le 11 décembre 1970, l’Organisation de l’unité africaine (OUA) a adopté à l’unanimité une résolution condamnant l’invasion .

Le Nigeria et l’Algérie ont offert leur soutien à la Guinée-Conakry et l’Union soviétique a envoyé des navires de guerre dans la région (connue sous le nom de patrouille de l’Afrique de l’Ouest) afin d’empêcher de nouvelles opérations militaires contre le régime de Touré et contre les bases du PAIGC en Guinée.

Source: Histoire.ci