La transition militaire ne doit pas échouer.
C’est mon postulat. Par principe, il ne s’agit pas pour nous de soutenir le putsch, la personne du Col. Mamady Doumbouya ou le CNRD, Conseil National pour le Rassemblement et le Développement. Il s’agit plutôt d’entrevoir les conséquences d’une telle tentative. L’échec du CNRD ou au pire, le renversement de celui-ci
participerait inéluctablement à la déliquescence de ce pays d’ores et déjà fragilisé par une succession de crises endogènes. Cette situation – croyez-moi – est à éviter à tout prix. Si cette transition militaire peut être expliquée en image, je dirais qu’elle ressemble au fait de savoir que l’on est sur le point de tomber et à avoir le temps ou le réflexe de limiter le choc, alors que son échec ou le renversement de situation conviendrait mieux à l’image où l’on serait projeté par derrière et par surprise dans une chute libre. On ne saurait les dégâts qu’après les impacts. Il nous faut éviter ainsi cette chute dans le vide quand il est encore temps. C’est pourquoi toutes les forces vives de ce pays ont intérêt à mettre leur intelligence ensemble, les intérêts personnels de côté, se débarrasser des mesquineries d’une abstraction juridique pour nous sauver. Il faudrait arrêter cette personnalisation de la Transition, de nos problèmes avec et profiter suffisamment de cette << ambiguïté heureuse >> pour construire notre société.
À ma génération, cette jeunesse guinéenne, l’histoire nous regarde. Si la contingence a bien voulu que cette situation soit de notre époque pour des raisons que j’ignore, il nous faut sauver l’honneur de nos anciens. Du haut de leur monde nos anciens se << retournent >> et << s’inquiètent >>. Nous les enfants déshérités de la Guinée, de cette longue marche vers la liberté ont eu la responsabilité de poursuivre le chemin sur des chantiers plus éclairés et paisibles. Nous avons le devoir impérieux de redresser les tirs, sans jamais commettre les mêmes erreurs. Tout cela se décide aujourd’hui et maintenant ! Il est temps alors d’éviter les échecs << in insuccession. >> Gardez-vous à l’esprit qu’un système ne tombe pas, il se métamorphose. C’est à nous de le donner la forme qui nous conviendrait. À la vérité, nous ne pouvons pas faire les mêmes choses qu’en 2009-2010 et espérer un résultat différent. De même que la marche-arrière est impossible, un échec de la transition est inenvisageable. Ce n’est pas le plaisir d’une personne ou de ses états d’âme qui seraient en cause, mais la survie même de notre << nation >> qu’il convient d’insister. Parce que ce qui est constant, c’est le constat de la profondeur des problèmes qui fait depuis toujours que Alpha Condé n’a jamais été notre problème, encore moins Cellou Dalein Diallo. Ils ont tous certainement trouvé des problèmes qu’ils n’ont pas pu résoudre jusque-là. Cette bipolarisation n’est d’autre q’un faux débat. Ce n’est pas qu’on récite une chose qu’elle est pour autant vraie. Notre véritableme problème, c’est que nous sommes une société en faillite…
Au CNRD, la situation est très grave ! Les enjeux sont énormes. En temps normal, on dit que c’est le peuple qui décide. Mais en ces moments exceptionnels et graves, il vous revient de prendre le devant avec clairvoyance. Les peuples sont très << incompréhensibles >>. Ils leur arrivent très souvent de se tromper, et ne pas faire le bon choix. L’inclusion est certes salutaire, mais une << inclusion positive >> serait la meilleure des options. C’est-à-dire qu’on n’a pas besoin de tout le monde, encore moins de ceux-là mêmes qui ont, par concours de circonstances qui leur aient été favorables, contribué volontairement au dérèglement fonctionnel de notre gouvernance politique et à la << corruption >> de la vie publique. Si cela contribue à << exclure >> quelques-uns, soit ! Mais comment y arriver ? Pour répondre à cette question cruciale, j’aimerais emprunter ces mots justes de notre compatriote Dramane Dédé Diawara : << Exiger l’exclusion sur la base de l’âge ou de la richesse est un aveu de faiblesse […] Exclure sur la base de l’âge ou de l’opposition à une fraction politique, c’est ouvrir le boulevard aux ressentiments et aux règlements de compte. S’il faut [donc] exclure, cela doit se faire conformément à la morale et au droit. Ce qui supposerait un examen neutre et minutieux, au cas par cas, du passé de chaque [ acteur de cette transition et potentiel ] candidat. Cela ne devrait pas être un moyen de chantage politique, mais plutôt un début de moralisation la vie publique >>. Ce qui reste clair, c’est qu’on ne peut ni REDRESSER ni RASSEMBLER, encore moins DÉVELOPPER dans l’impunité. Pour ce qui des élections, s’il est possible d’en parler maintenant, pour tous les partisans de << l’exclusion positive >> susmentionnée, << Le vote [ peut également ] être un moyen de sanction.>>
On ne réussit à rien en voulant plaire à tout le monde. Qui a d’ailleurs dit que la majorité disait toujours vrai ? Rappelez-vous de l’histoire de Galilée. Ce n’est donc pas vrai de dire que c’est << au peuple de choisir >> comment cette transition devrait se passer. Ce n’est pas aux << fameuses >> consultations nationales – où l’on peut au regret voir s’opérer ces mêmes habitudes de retournement de veste ou être tentés de se réjouir encore de ces << vérités séductrices > mais bien << calculées >> – qui devraient fléchir l’impétuosité de vos << décisions >>, puisqu’au fond volontairement ou non, c’est ce peuple de Guinée qui a provoqué cette situation. Certaines de vos actions d’aujourd’hui peuvent lui être préjudiciables à court terme, mais bénéfiques à long terme. La logique voudrait qu’il s’en plaigne ou qu’il s’en détache, mais il ne faut pas le suivre. C’est à cela que doit servir une transition : prendre des mesures radicales, en assumer les conséquences et laisser le choix à la postérité de juger, avec le recul nécessaire. Les grandes révolutions ont été réussies par une poignée d’hommes éclairés et intransigeants ! Qu’est ce que cela veut dire ? Cela veut dire que cette transition ne devrait pas être semblable autres : l’organisation des d’élections comme priorités absolues là où il faudrait réinventer le nouveau guinéen. Cela y va de notre avenir en tant que nation prospère et viable.
Par Ali CAMARA