L’essentialisation dans le débat public en Guinée est un véritable problème qui résulte très généralement du manque d’informations, du déni ou du parti pris flagrant. Et au fond, les uns veulent reprocher aux autres, le même comportement et vice-versa : c’est l’ethnicisation à outrance sur toutes les questions d’envergure nationale.
Il y a les fables des quartiers et l’histoire racontée dans chaque famille. Il y a aussi l’histoire vécue, lue, objectivement racontée ou enseignée. Mais ce qui reste constant dans notre vie politique – jusqu’à preuve du contraire – c’est le constat fait que l’opposition politique en Guinée et dans bien de pays africains d’ailleurs a depuis les indépendances toujours été combattue par la machine répressive de L’Etat. Tous les opposants guinéens, tous confondus ont subi la même adversité de l’Etat. Aujourd’hui, Alpha Condé a le mérite de n’avoir pas condamné son principal opposant ( en supposant qu’il aurait pu le faire ). Mais il reste clair que la machine n’a pas pour autant somnolé. Cela étant gaillardement prononcé, il reste à élucider les RAISONS et prononcer le TORT des uns et des autres.
Le débat public étant quasi-ethnique, ce genre d’exercice n’est pas des plus évidents. Le problème ici, c’est qu’à chaque fois on n’en revient au sensationnel, au préjugé et le refus du moindre effort d’impartialité sur les questions mémorielles. C’est devenu un exercice facile, mais qui ne reste pas moins dangereux de vouloir réduire tous nos chefs d’État à la haine; comme c’est faux de penser qu’ils n’ont rien à être reprochés. Et vouloir parler de Peulhs, Malinkés ou Soussous, cela est une généralisation tout aussi dangereuse.
Il ne faudrait donc pas opposer les ethnies.
Le pouvoir de Lansana Conté ne peut pas se résumer aux Soussous, comme celui de Sékou Touré et celui de Alpha Condé ne peuvent pas se résumer aux Malinkés. L’opposition n’appartient pas aussi à une ethnie. Il faut ancrer tout cela.
Ce qui veut dire que ce concours de victimisation n’a pas lieu d’exister. Car toutes les victimes de l’indépendance à nos jours méritent justice quelques soient leurs noms de famille. Ensuite nous passerons au pardon afin que nous ne nous enfermions pas indéfiniment dans l’histoire, mais qu’elle serve de tremplin nous permettant de bâtir ensemble les chemins d’un avenir serein. C’est pourquoi la question de la réconciliation nationale doit être une priorité pour nous tous. Ses assises nous permettront sans doute de sonder la profondeur de nos inimitiés et peut être qu’en se parlant sans filtre, nous en arriverons à produire des travaux dont l’observation saura nous réconcilier avec nous-mêmes.
Ce que nous voulons pour l’avenir, c’est un débat politique véritable, un débat d’idées. Sortir la politique dans les rues, de la subversion, des armes, et permettre que notre parlement soit le réceptacle de notre diversité et du débat contradictoire. Mais encore une fois, cela n’est possible qu’en trouvant le meilleur des systèmes de représentativité et en organisant des élections transparentes et apaisées, en évitant surtout toutes ces campagnes ethniques connues auparavant et qui ne profitent à personne.
Ne laissons personne nous détourner de cet objectif : la construction d’un devenir commun. Nous devons nous mettre au dessus de la mêlée, au dessus des querelles ethniques, sectaires. C’est la seule façon de réussir ce pari; sinon nous allons tout droit dans le mur en faisant coup pour coup. La vengeance entraîne la vengeance et d’autres injustices. Cela est une constante !
Par Ali CAMARA