Qui était Mgr TEA ? Pour cette brève présentation, j’ai utilisé son premier texte publié après son ordination intitulé « Du paganisme à l’Autel, la vocation d’un Guerzé » et le souvenir de nos conversations. Il ne mettait pas h à TEA.
Quand les colons installèrent des écoles en Guinée, ils commencèrent par inscrire les fils des chefs. Le vieux Hébo (le h n’est pas muet), chef de Samoé, envoya un des ses fils mais ce dernier n’aimait pas fréquenter l’école. A bout de quelques mois, les enseignants demandèrent au chef d’envoyer un autre, celui-ci n’ayant aucun autre enfant en âge d’aller à l’école, fit appel à son neveu Kpakilé qu’il présenta comme son fils.
Kpakilé n’avais pas d’extrait de naissance et arrivé à la direction de l’école, il y trouva trois français, le premier déclara « je dirai qu’il est né en 1921 », le second « moi je dirai plutôt 1923 » et le troisième amusé, ajouta « et si on coupait la poire en deux, 1922 ». Ce sera son âge.
Ensuite, épaté par la soutane des missionnaires, le jeune Kpakilé, exprima au curé son désir de devenir prêtre, au fond de lui pour s’habiller comme eux.
Un Kpèlè sans enfants! Sacrilège, le Chef Hébo dit non, père biologique dit « Jamais », la mère éclate en sanglot. Ainsi semblait se terminer cette vocation.
Mais les voies de Dieu sont impénétrables, un oncle à Kpakilé arriva au village, il faut dire que les oncles sont bien écoutés dans la culture kpèlè et de surcroit, cet oncle venait d’arriver de la France. Un Ancien tirailleur dont le français approximatif épatait la galerie.
Saisi du problème, l’ancien soldat déclara sans ambages « Laissez le partir, je sais où il va, à la fin de sa formation, il sera sergent ». Sergent était le plus haut grade imaginable pour un kpèlè. L’oncle a parlé, l’accord est donné.
C’est au séminaire qu’il sera baptisé Raphaël Kpakilé et il sera le premier prêtre de la région forestière ordonné le 15 Avril 1951, je viens de l’apprendre.
Au cours d’un discours pendant une fête de l’indépendance (je ne me souviens plus de l’année), le Président Sékou Touré donna l’ordre à tous les missionnaires blancs de quitter le pays. Monsieur Eugène Maillat, un aSuisse, était l’évêque de N’Zérékore et son départ précipité va mettre le père Raphaël Kpakilé au cœur de l’Eglise de la région forestière ; il sera provisoirement nommé évêque d’où son titre de Monseigneur.
Monseigneur Maillat, toujours évêque officiel, va opérer à distance en collaboration avec Mgr TEA. Il fera des tours en Europe pour collecter des fonds qu’il enverra à N’Zérékoré et à Mgr TEA de bâtir des Eglises. Le travail de ce duo sera le fondement de l’Eglise de la forêt. C’est en 1979 que le Pape nomma le Père Sarah Archevêque de Conakry (il est maintenant Cardinal à Rome) et le père Philippe Kourouma, Evêque de N’Zérékoré (il n’est plus de ce monde).
Un jour, Mgr TEA fut arrêté et conduit au Camp Alpha Yaya de Conakry, il fut accusé de cacher des armes dans son diocèse et il fut interroger toute une journée. Informé de son arrestation, Sékou Touré ordonna sa libération immédiate et l’ordre de le mettre dans le premier avion du lendemain pour N’Zérékoré (le Président ne voulait pas que les gens apprennent cette arrestation). Le premier avion du lendemain allait à Kankan, alors il y sera déposé et fera le reste du trajet par la route. « J’ai été arrêté à deux reprises et à deux reprises Sékou Touré demanda ma libération immédiate, je ne sais pas pourquoi et de toutes les façons, les accusations étaient infondées » dixit Mgr TEA.
Mgr TEA, connaissait beaucoup la culture Kpèlè dont il était fier et Je peux dire que j’ai eu la bénédiction de connaître ce prêtre d’une gentillesse exceptionnelle. Il avait une affection paternelle pour moi. Mon centre de Formation Professionnelle à N’Zérékoré portait son nom. Sa mort fut une grande perte pour l’Eglise, pour la culture kpèlè et pour la Guinée. Il a formé beaucoup de cadre quand il dirigeait l’école de Macenta.
Un jour j’organiserai un événement à son honneur à Zalkwèlè.
Par Paul THEA