Le Ministre de la Justice et des Droits de l’homme, Me Fatoumata Yari Soumah , a répondu à la question sur le plateau de la RTG. Il s’agit pour elle de traduire juridiquement l’engagement du Colonel Mamadi Doumbouya de faire de la justice la boussole de l’action publique. Elle ajoute en outre que c’est pour mettre fin à l’impunité des pilleurs de nos biens et finances publics. Plus généralement, la création de la CRIEF vise à moraliser d’avantage la gestion de la chose publique et des relations d’affaires en Guinée.

Le Ministre affirme aussi que c’est pour développer une expertise au sein de la Magistrature guinéenne en matière de traitement de ces infractions complexes.

Ces explications sont convaincantes. Elles sont d’ordre politique.

Sur le plan strictement juridique, il faut dire que plusieurs raisons pourraient aussi être avancées en défense de la décision de création de la CRIEF.

Primo, l’organisation judiciaire actuelle de la Guinée rend difficile le traitement de ce type d’affaires. Les juridictions de droit commun manquent de ressources en hommes, en finances et en matériels pour traiter efficacement ce type de dossier. Même dans les pays développés, ce type de problème se pose. En France, ils ont choisi de créer un Procureur Financier. Ce dernier est l unique organe de poursuite dans ces affaires. Il peut requérir n’importe quelle juridiction pénale compétente du pays. En Guinée, à mon avis, le Ministère de la Justice s’est vite rendu compte que le modèle français n’était pas replicable chez nous. En effet, créer un puissant organe de poursuite sans avoir de juridictions aptes à traiter les dossiers transmis par un parquet financier spécialisé n’aurait servi à rien. On aurait apporté une mauvaise solution à un vrai problème.

Deusio, la création de la CRIEF ne heurte aucun grand principe du droit. D’abord le principe du double degré de juridiction est respecté en ce sens que la Cour comprend des chambres de 1er degré et des chambres de 2nd degré. Ensuite les fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement sont nettement séparées. Enfin, si la CRIEF est bien une juridiction spécialisée ou spéciale, elle n’est pas une juridiction d’exception : elle fonctionne exactement de la même façon que les juridictions classiques. Les droits de la défense et la présomption d’innocence y sont garantis.

Par Sékou Oumar Camara
SOC’S LAWYERS SARL