En cette fin de décembre de l’an de grâce 2021, le guinéen lamda retient un tableau sombre du paysage politique guinéen, tableau constitué d’une pléthore d’entités politiques de diverses factures incapables de s’entendre pour constituer la liste de leurs représentants au Conseil National de la Transition (CNT). Ce n’est pas un tableau récemment peint. Il est aussi vieux que le début du processus démocratique en Guinée dans les années 1990. Notre tribune s’intéressera principalement à dessiner le contour d’un parti politique, ses missions et sa place dans une société démocratique, le pluralisme politique et le multipartisme comme essence de la démocratie, le dévoiement de ces principes dans le paysage guinéen et l’impérieuse nécessité d’y apporter des correctifs tirés de la démocratie et non par les mécanismes certes simples mais qui jurent avec ses principes.

Qu’est qu’un parti politique, ses missions et sa place dans une société démocratique?

Un parti politique est défini comme un regroupement de personnes ayant pour vocation la conquête et l’exercice du pouvoir politique de l’Etat. Les principales missions d’un parti politique sont principalement la formation de ses militants, la conquête du suffrage des citoyens et l’animation de la vie politique. Bien qu’il existe plusieurs types d’organisations permettant la participation dans la gestion de la cité, les partis politiques demeurent les principaux acteurs de la vie politique de la nation. Il est important alors d’accorder une attention particulière à leur création, leur organisation, leur fonctionnement et leur mission afin de jouer un rôle d’acteur clé dans tout processus démocratique.

Le pluralisme politique et multipartisme intégral comme essence de la démocratie

Le pluralisme politique s’oppose au monolithisme politique fondé sur la prééminence d’un seul courant politique dominant. En démocratie, tous les courants politiques se doivent de trouver leur espace d’expression. Le respect de ce pluralisme politique suppose l’existence de plusieurs partis politiques sur le terrain, contrairement au tristement célèbre système de parti unique connu en Afrique et ailleurs. Le fameux concept de Parti-Etat en Guinée est parfaite illustration. Le multipartisme politique intégral fut d’ailleurs la revendication phare du processus de démocratisation lors du vent de changement des années 1990. L’expérience sénégalaise de trois courants politiques au Sénégal dans les années 1970 (courant social, courant libéral et courant marxiste) fut de courte durée. Il s’est avéré impossible de contenter tout le monde à l’intérieur de ce scénario et plusieurs autres courants et partis politiques correspondants sont apparus par après dans le paysage politique sénégalais.

Le dévoiement du multipartisme en Guinée

Dans les années 1990, il est vrai que le Général Président avait préconisé la création de deux partis politiques, mais cette bonne volonté a été vite confrontée à la réalité des faits. Il est impossible en démocratie de forcer une personne à être dans un courant politique et c’est que cette limitation à deux courants politiques allaient permettre. Cette épisode continue à toujours être idéaliser en Guinée. L’idée fut combattue et la Guinée a renoué avec le multipartisme intégral. Nous avons assisté à une prolifération de partis politiques en Guinée. Jusque là, le problème ne devait pas se poser. Où le bas blesse donc ? De peur de faire d’appliquer les règles gouvernant la création et le fonctionnement des partis politiques, on a accommodé tout le monde avec pour conséquence une prolifération des partis politiques, l’émergence de partis politiques régionalistes et de partis politiques qui n’existent que de nom.

La nécessité de mettre de l’ordre dans le paysage politique guinéen par des mécanismes compatibles avec l’essence de la démocratique et non par des recettes anti-démocratiques

Il n’est point besoin aujourd’hui d’insister sur la nécessité d’opérer les réformes sur le paysage politique guinéen. L’accord est quasi unanime qu’il faille mettre de l’ordre dans le landerneau politique guinéen. Cependant, la fausse recette serait de croire que l’on puisse éviter la prolifération des partis politiques par le biais d’une limitation légale de leur nombre. On peut s’appuyer sur les préceptes de la démocratie elle-même pour mettre de l’ordre dans le paysage politique guinéen tout en respectant le principe de pluralisme politique. La Charte des partis politiques en Guinée devrait être appliquée à la lettre et les aspects qui suivent doivent être réalité : la composition des partis politiques doit comprendre toutes les sensibilités sociologiques du pays et respecter l’approche genre ; leur financement doit être publiquement connu, leurs comptes certifiés et peut comprendre un apport de l’Etat ; ils doivent concourir aux élections ; leur fonctionnement doit être régulier et démocratique ; ils doivent s’acquitter de leur mission de formation de leurs militants et enfin, en cas de non-conformité à ces principes que dessus, ils doivent subir la rigueur de la loi, allant de leur suspension au retrait de leur autorisation en passant par leur dissolution, par les autorités sous le contrôle du pouvoir judiciaire.

Le chantier de la réforme du paysage politique guinéen est plus qu’urgent et il y va de la santé de notre démocratie que nous voulons bâtir.

Conakry, le 15 décembre 2021

Juris Guineensis No 19.

Par Dr Thierno Souleymane BARRY, Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)

Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour