Monsieur le Président de la transition, Chef de l’État, je tiens vivement à vous adresser cette lettre ouverte dans le but de vous faire part du contenu de ma contribution en termes de conseils pour la réussite de la transition déclenchée depuis le 5 septembre 2021.
En effet, la marche de notre pays vers son idéal de démocratisation, de stabilité institutionnelle, de progrès socio-économique a toujours été interrompue par non seulement la violation systématique d’un certain nombre de principes démocratiques, notamment celui relatif à l’alternance démocratique, mais aussi par l’irruption répétitive de l’armée dans la gestion du pouvoir politique.
Cet état de fait a eu des conséquences très fâcheuses dans le fonctionnement de notre système démocratique qui, malheureusement évolue au rythme d’un recommencement perpétuel de l’indépendance à nos jours.
C’est pourquoi, j’ose croire que votre prise de pouvoir en date du 5 septembre 2021 est une nouvelle chance qui s’offre au peuple de Guinée dans son entièreté. Une chance qui nous permettra de repenser notre modèle de société, d’établir des nouvelles règles en vue de réorganiser la vie politique de notre pays, de panser les plaies les plus profondes de notre passé récent, enfin, de redéfinir les bases les plus solides d’une Guinée unie et prospère.
Dans la poursuite de cette noble ambition, rien ne doit se faire dans l’impréparation, dans l’improvisation et dans la précipitation. Aucun agenda personnel ne doit être placé au-dessus de ce projet de refondation de notre État.
Monsieur le Président, tout au long de cette transition dont vous avez la lourde responsabilité de diriger, il y aura sans l’ombre d’aucun doute des rapports de force entre vous et les acteurs socio-politiques de tous bords confondus. Mais ne vous y méprenez pas, ainsi sont les règles de la démocratie, c’est un système qui favorise l’adversité des idées et des opinions. Ne cédez pas non plus à la tentation revancharde de la négation, de l’absolu et de la pensée unique. Je vous exhorte d’épouser les vertus du dialogue politique et social dans l’intérêt supérieur de la République.
Ce faisant, vous aurez notre soutien. Vous n’avez même pas besoin de nous le demander, nous le ferons volontiers. N’hésitez pas de nous proposer les voies et moyens d’une alternative crédible pour notre pays, car ce n’est pas un parti politique qui vous a applaudi dans la journée du 5 septembre 2021, c’était une grande majorité des guinéens épris de paix et de justice.
Ce faisant, vous réussirez certainement là où vos prédécesseurs ont échoué. Cependant, si vous échouez, c’est toute la Guinée qui aura échoué. Je vous prie d’avoir le courage de vous assumer ; d’avoir le courage de prendre parfois des décisions impopulaires si et seulement elles sont dans l’intérêt supérieur de la République.
À l’évidence, les défis de cette transition sont énormes, et ses enjeux sont considérables. Sa réussite dépendra forcément de trois principaux facteurs : l’honnêteté et l’intégrité dans la démarche des membres du CNRD, du gouvernement et du CNT (1) ; la vigilance et l’exigence de la population guinéenne (2) et le soutien indéfectible de l’élite guinéenne.
Disons-le, la vocation de cette transition n’est pas seulement la tenue immédiate des élections. Son véritable vocation est justement en harmonie avec l’idée directrice qui vous a conduit à prendre le pouvoir le 05 septembre 2021, c’est-à-dire celle de refonder notre État.
Or, refonder l’État c’est avant tout créer un cadre de vie où la justice sociale, le respect des droits de l’homme et du citoyen sont garantis et respectés. C’est en outre garantir la justice sociale, moraliser la vie publique, créer un mécanisme de contrôle et d’encadrement de la vie sociopolitique, et engager des réformes constitutionnelles et institutionnelles.
Monsieur le Président, votre prise de pouvoir a fait renaitre le sentiment d’espoir. Car nombreux parmi nous était dorénavant asphyxiées, étouffés, désemparés et désespérés. Les clivages politiques et ethniques étaient sur le point de mettre en danger notre « vivre ensemble ». Plus personne n’écoutait l’autre ; plus personne ne faisait confiance à l’autre ; bref, le pays était au bord du naufrage.
Ce que nous vous demandons Monsieur le Président, c’est de ne jamais perdre les valeurs directrices qui vous ont conduit à prendre le pouvoir. Pour ce faire, ne vous entourez jamais des personnes qui ont deux langues : une pour mentir, et une autre pour tromper. Ces personnes sont nuisibles à notre démocratie, à notre « vivre ensemble ». Je vous prie de ne pas avoir d’agenda personnel. Ne cherchez non plus à avoir de parti pris ou à vous faire plaire à tout le monde, laissez l’histoire s’en occuper. Toutefois, nul besoin de vous rappeler qu’on ne fait pas une révolution à moitié, car, cela pourrait être dangereux pour la mise en œuvre effective de vos projets de renouveau de notre pays.
Monsieur le Président, ces quelques personnes qui sourient à chacun de vos faits et gestes ne vous aiment pas en réalité, elles seront les premières à vous lâcher le jour où vous toucherez à leurs intérêts. N’oubliez pas que cette majorité silencieuse qui vous observe depuis votre prise de pouvoir attend de vous des actes concrets. Sachez également que plus cette transition durera sans projet viable et durable, plus grands seront les risques de votre échec. De ce fait, ne commettez pas les mêmes erreurs du passé. Ne nous faites pas regretter de vous avoir ouvert nos bras. Le chemin est certes long, le chantier est aussi vaste, mettez-vous donc au travail, c’est ce que nous attendons de vous ! Comme dit ce proverbe Peulh : « Bani Adama kö kongöl, Naguê Kô bögöl ».
Je vous prie de croire M. le Président de la Transition, Cl. Mamady Doumbouya, en l’expression de mes sentiments fraternels.
Par Aly Souleymane Camara, Analyste politique, Enseignant-Chercheur à L’Université Général Lansana Conté de Sonfonia-Conakry.
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