La rupture est un combat entre chaos et renaissance.

Quand on veut exiger lʼattention dʼune femme quʼon a boudé toute la nuit, il vaut mieux sʼapprêter à encaisser ses prétextes. Cʼest lʼhistoire drôle que raconte cette parodie de lʼillustre Brahima Guitare dans « Soubafèdji ». Une légende dans tout le « Konia ». Je vous recommanderais volontiers de lʼécouter. Si vous en comprenez les paroles, vous verrez au O combien les prétextes et les suppositions peuvent nous amener à passer à côté. Cʼest la même chose quand on estime quʼil faut parler de lʼessentiel tandis que le débat est altéré « ab initio », où tourner autour du pot est un exploit. Dire tout et nʼimporte quoi.
Dire tout et rien ! Et voilà qu’on me prête déjà d’être partisan du C.N.R.D, Comité National du Rassemblement pour le Développement. Ce qui en soi nʼest pas mauvais, dʼautant plus que nous pouvons tous lʼêtre, et nul besoin dʼen avoir les mêmes motivations. Certains célèbrent tout juste la chute du régime précédent. Ils sʼexclament. Ils se frottent les mains. Dʼautres voient les enjeux de cette Transition, servir cette cause pour sortir notre pays de ces crises cycliques. Entre ces deux groupes se faufile un troisième plus ou moins transversal, tantôt ici, tantôt là-bas, mais dont la seule préoccupation est soit lʼ
ethnie, soit le soutien à un parti politique, principalement le Rassemblement du Peuple de Guinée – arc-en-ciel (R.P.G) et, lʼUnion des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG). Les deux plus grandes formations politiques dont les militants et sympathisants participent « activement » à la bipolarisation sociopolitique de notre société. Le pour ou le contre, lʼextrémisme de la pensée en principe de raisonnement. Dʼun côté, il yʼa comme « les derniers retranchés de la seconde guerre mondiale », qui ne se rendirent comptent que très tardivement que la guerre était finie, et de lʼautre côté, il y a ceux dont les yeux ne brillent que pour le pouvoir, et rien dʼautre. Voilà le tableau ! Je ne voulais pas citer les éternels pessimistes. Ceux qui ne croient en rien et qui, chaque fois, en bien ou en mal nous sortent toujours la fameuse phrase, « voilà, nous lʼavions dit…» Ils veulent avoir raison, mais ils ne veulent sʼengager en rien. Ils patientent ; Ils flairent. Au moindre pépin, ils joueront la sono. Ils sont coriaces dans lʼexagération et le sabotage. Ils sont indifférents à tout, sauf à leurs intérêts propres.

Le rapport avec le CNRD, un rapport de contingence

Soyez rassurés, le Colonel Doumbouya nʼest pas ma tasse de thé. Le CNRD ne mʼimporte pas nécessairement. Nos intérêts sont pour lʼinstant liés : cʼest la réussite de cette Transition, jusquʼà preuve du contraire.
Cʼest cela et rien dʼautre. Ce qui mʼimporte réellement, cʼest de voir cette Transition réussir le pari dʼun vrai décollage pour la Guinée. Sur ce chemin, personne nʼest indispensable à mes yeux, même pas le Président, encore moins le CNRD. Mais dans le schéma actuel, il serait moins coûteux que les choses restent ainsi. Comprenez-moi quʼil n’y a pas intérêt à tergiverser cette
fois. Chacun de nous est utile dans cette édification de la nation ou à vrai dire, cette traversée du désert qui exige une collaboration des uns et des autres. Il
sʼagit pour le moins de nos discussions amicales, en famille, de nos prises de
position publiques ; de mesurer la gravité de la situation et dʼavoir le discours approprié. Cela veut dire aussi de parler de la Guinée, de notre avenir commun, de lʼhéritage que nous espérons léguer aux futures générations, parler entre nous, entre guinéens tout simplement ; de tuer nos dissensions politico-ethniques qui sont très souvent inutiles.

La Guinée, le seul parti pris possible

Mon seul parti pris – puisquʼon insiste à le trouver – cʼest pour la Guinée. Je ne
rentre pas dans les débats de personne, « où en fonction de la langue que vous parlez, on vous attribue un parti politique; en fonction de la personne avec qui vous marchez on vous catalogue avec des préjugés; où en fonction des concerts où vous jouez, on vous juge; en fonction des événements où vous allez, on vous verse de la farine ou des œufs frais à la figure. » Il y a également ce que jʼappelle  » lʼInduction ethnique “, qui consiste à prendre les agissements dʼune seule ou de quelques personnes en une réalité ethnique, sociologique. Cʼest la naissance et lʼentretien des stéréotypes, des préjugés identitaires, le fantasme sur lʼexistence de « projet peul », de « projet Konianké » etc. Le jugement de valeur, de contentement, de complaisance,
ou encore lʼesprit sectaire, ce réflexe ethnique, la mauvaise foi gangrènent
ses tenants – hélas – dangereusement notre société, malgré tout. Malgré nos souffrances communes, nos malheurs collectifs, nos espoirs déchus et, malgré davantage la nécessité aujourdʼhui d’instaurer une « Nation », la nécessité dʼœuvrer au mieux à notre destin commun. Et des gens sortis d’intarissables pérégrinations, sans aucune attache avec notre pays fantasment alors sur des solutions qui nʼont rien à voir avec nos préoccupations, parce que,« Trop longtemps, des gouvernants font semblant de gouverner, lʼopposition politique fait semblant de sʼopposer, que nenni. Pire, un peuple qui fait semblant de faire Nation. Diantre. Pathétique situation. Nous sommes au bord du gouffre national.» sʼinsurge un ami. Même la contingence ethnique fait que ceux qui nʼappartiennent pas aux trois (3) plus grandes ethnies ( Peul, Malinké, Soussou ) ont très souvent – pour ne pas en faire un postulat – moins de chance dans lʼaccomplissement politique.

Les minorités ethniques en Guinée sont reléguées au second plan. Cʼest à peine quʼon peut les sentir. Sans même être alarmistes, ce regard analytique de notre société devrait nous interpeller à plus dʼun titre. Ce nʼest pas fini.

Agir contre la désinformation, un combat à mener de toute urgence

Comme pour compliquer une équation qui lʼest déjà, on retrouve tous ces médias, en ligne surtout, qui, plutôt que de participer à lʼinformation et lʼ édification des citoyens, concourent – bien au contraire – à la désinformation in crescendo. À ce niveau, on a tant bien que mal lʼimpression que la floraison d’émissions « Talk show » a crée aussi de véritables problèmes. La « Liberté de débattre  » a transféré le Tribunal chez lʼOpinion publique. Dans un pays où
la majorité de la population est analphabète ( Taux dʼalphabétisation 2018 selon lʼUNESCO = 15 à 24 ans 53.9% , 15 ans et plus 39.6% , 65 ans et plus 23% ), le débat public dans de telle configuration – débats et interactions – nʼest pas si évident, dʼautant plus que ses subtilités restent encore incomprises par bien de gens ( je veux noter les suppositions, les hypothèses, le conditionnel, le subjonctif, les figures de style et les expressions codées). Faudrait-il suffisamment expliquer que nos opinions ne sont forcément pas la vérité ? Suffisamment peut-être, pour justement éviter toutes ces confusions dans lʼopinion publique.

Aussi, quand des communicants (le mot communicant est un peu plus religieux que politique) des partis politiques, des blogueurs intermittents, spécialistes en tout, ont plus dʼamis, plus de vus, plus de commentaires ; quand le bavardage devient le discours et lʼaction politiques ; quand ce sont des leaders politiques – censés porter notre destin national – qui encouragent par le « silence coupable » ces nouveaux « guides », « prophètes » de la désinformation et de la démesure, et dont le seul but est de se faire de l’argent derrière les réseaux sociaux pour les uns, et les autres dʼaccentuer le  » ralliement social « , le sectarisme, la vulgarité et le pédantisme en guise de bon sens, alors nʼest-il pas légitime aujourdʼhui dʼen appeler – davantage – à
la vigilance et la clairvoyance de nos compatriotes ? Les auditeurs, les téléspectateurs médusés de ces cours de sociologie politique à deux balles ne se rendent-ils pas compte du degré dʼendoctrinement et de dogmatisme auxquels on les instruit ? Ne dit-on pas à juste titre que celui qui veut pêcher en haute mer et celui qui pêche dans la rivière ne peuvent avoir le même type dʼhameçons ?

L’exigence de sortir des querelles politiciennes

Les défis sont nombreux. Il nʼest plus question de se fier aux *politiciens-selfies qui nʼont réellement de politique que par lʼattrait soigné, une bonne cravate et un sourire séducteur, mais dont le discours divise, dont la vision politique se limite à contredire, et à contester. Nous devons refuser dʼêtre des Cobayes dʼambitions personnelles de quelques-uns. Un homme politique qui veut réellement développer son pays, qui en a la vision et lʼétoffe ne peut que rassembler. Il doit impérativement en trouver les moyens. Le contraire est chimérique, parce quʼun peuple  » divisé »- et je me répète – nʼa pas dʼavenir.

La République doit être lʼendroit privilégié où nous sommes tous égaux, fraternels et là où nos imaginaires collectifs travaillent à lʼépanouissement collectif. Si lʼethnie du Président de la République importe jusque-là, cʼest que depuis plus de 60 ans, le pouvoir politique est toujours considéré comme un bien privé, ou tout simplement une appropriation clanique dans laquelle chaque président qui arrive fait du pouvoir une acquisition politico-ethnique ( pour son parti et son ethnie ). Cʼest donc le partage des richesses le nœud du problème, sans pour autant occulter la criminalisation – de tous les temps en Guinée – de la contestation politique qui radicalise très souvent lʼ Opposition, l’égocentrisme ethnique, cet esprit de « suprématie » des uns sur les autres. Comment sʼétonner si « chaque ethnie veut coûte que coûte avoir
le pouvoir » ? Cette peur de lʼautre que cela suscite ne peut être résolue que par un pouvoir qui parviendrait à un partage équitable des richesses, rompre avec cette pratique qui consiste à privilégier son ethnie ou son parti dans les nominations et les projets de développement. Il faudrait tenir compte des compétences et des besoins réels de chaque territoire national, éviter ces politiques sectorielles dont les seules motivations sont électoralistes. Quand on aura réussi à bon escient le partage des richesses, lʼappartenance ethnique dʼun Président de la République aura peu ou prou de l’influence en Guinée.

Discipliner les partis et l’action politiques, c’est éviter en amont la radicalisation

Après voir dit que nous ne devons plus porter les querelles politiciennes – je lʼ
ai plusieurs fois répété – il faut bien veiller à lʼapplication de la LOI ORGANIQUE L/91/002/CTRN DU 23 DÉCEMBRE 1991 PORTANT CHARTE DES PARTIS POLITIQUES qui détermine lʼorganisation et le fonctionnement des formations politiques.

Au même moment, les amener à décliner leurs programmes de développement, pour participer au débat public, non pas en éternels critiques, mais aussi et surtout en forces de propositions, donc de progrès, afin de rompre avec cette pratique qui limite notre vie politique en art du spectacle. Que dire du discours sectaire érigé en sermon ? De toutes ces attitudes qui sapent notre unité et tout projet de réconciliation nationale, avec notre histoire et ses nombreuses fissures mémorielles ? De lʼinsolence, de ces affronts dont le lieu de prédilection est devenu les réseaux sociaux ?

Le brouillage par excellence de la morale la plus élémentaire dis-je. Réveillez – vous les magistrats de Guinée ! Les procureurs de Guinée ne devraient pas avoir le sommeil, sans avoir appliqué la Loi pénale qui condamne tout discours ou acte tendant à lʼethnocentrisme ou le régionalisme par les
citoyens ou les autorités politiques même celles au pouvoir; sʼinquiéter de tous ces propos fort désobligeants. Sans y fléchir ! Parce que plus que jamais, il est devenu crucial de dire aux guinéens quʼ«il ne faudrait pas voir en toute action lʼethnie, tout comme il ne faudrait pas la tuer. Il faut [ tout juste ] la mettre au frigo, [ la conserver donc dans lʼordre de lʼintime ], et la sortir quand il sʼagit dʼéléments culturels. Mais [ toujours ] la cacher quand il sʼagit de *guinéenité, de questions nationales et [ des enjeux ] de citoyenneté.» martelait récemment Master X, cette icône de la culture du Hip-hop guinéen. Cʼest assez intrigant dʼailleurs que le faiseur du hit légendaire Mariama qui a fait danser tous les mélomanes guinéens ait été quelque peu décrié à cause de Cellou Lamikai, comme si lʼopinion politique était un principe dʼexclusion systématique. Cʼest à la fois dans la complexité, dans les nuances, les subtilités quʼon appréhende très souvent les questions de société et des rapports intrinsèques de lʼhomme à lʼhomme. Tout est « Zomenèla » chantait Feu Jean Breya. Rire.

Des jeunes et femmes et leur implication dans le processus développement

La jeunesse guinéenne est désœuvrée et cʼest la raison principale de son « instrumentalisation ». Ventre vide nʼa point dʼoreille dit-on. Lʼemploi jeune, lʼéducation civique dans le système dʼenseignement, la responsabilité et lʼimplication réelle des associations de parents dʼélèves ( A.P.E ) qui sont pour lʼheure reléguées en mannes financières par certains directeurs dʼécole doivent être pris à bras le corps. Pour ce qui est du retour des entreprises minières dans des zones de crise ( je pense par exemple à la région forestière ), lʼEtat doit assurer un climat sécuritaire paisible pour éviter les actes de vandalisme et de tueries qui ont été pour la plupart à lʼorigine de leur départ. Et en ce qui concerne les PME, petites et moyennes entreprises, les coopératives des jeunes et des femmes, il sʼagit de pratiquer le patriotisme économique, en donnant la priorité à nos entreprises et initiatives locales, promouvoir à leur égard « lʼEtat bon payeur », rendre effectif le déploiement
de lʼinitiative présidentielle pour lʼaccompagnement de petites et moyennes entreprises par LʼAgence Nationale dʼInclusion Economique et Sociale
(ANIES). Une autre piste à suivre, cʼest la création par les plus nantis des fonds de participation locale ( FPL ) pour le financement des PME de proximité. Ces fonds peuvent être gérés par les Communes ou directement par les Conseils de quartier. Il sʼagit en réalité de création de la richesse à proximité. Cʼest aussi une manière de renouer avec cette solidarité africaine tant éprouvée de nos jours. Voilà entre autres des pistes.

L’appel à la conscience collective comme préalable du changement de mentalités

En attendant, je ne suis ni militant ni sympathisant dʼaucun parti politique. Aucun jusque-là ! Le seul personnage politique dont jʼai déclaré lʼamour officiel, cʼest Ahmed Sékou Touré, indépendamment dʼune quelconque affiliation à son parti ( cela nʼest pas péjoratif ). Jʼai mes raisons et jʼai mes griefs contre lui. Je ne suis pas un *sékouréiste si cela consiste à lʼappréhender comme le fait dʼaccepter et de limiter lʼhistoire à ses heureuses contemplations.

Cʼest tout ! Il y a tout de même des milieux où lʼon me dit clairement dʼêtre partisan de lʼUFDG, dʼêtre contre le RPG-arc-en-ciel, de me camoufler quoique je dise. Mon Dieu ! Je crois que ce genre de militantisme politique ne me sied pas, en tout cas pas pour lʼinstant.

Mais jʼai fini par comprendre que le problème nʼest pas ce que je disais, encore moins ce que je dis maintenant, mais derrière le changement de mentalités et lʼappel à plus de responsabilité que mes propos impliquent. Cela fait peur à ceux qui nʼont aucun projet dʼavenir pour la Guinée, fait peur à tous ceux dont la parole nʼa de sens que la haine et le désordre quʼils végètent. Ils doivent me détester. Je suis devenu tel un sac-à-dos, qui nʼest aucunement responsable de celui qui le porte. Cʼest le porteur ou lʼusage qui change, le sac-à-dos reste un sac-à-dos, sa nature ne varie pas. Je mʼefforcerai donc – en toute objectivité – de dire ce en quoi je crois, et – modestement – partager le peu que je cherche à comprendre, à savoir. Pour le reste, ce nʼest pas mon problème, parce que rien quʼune fois, je paragraphe Molière : « Me voilà bien chanceux ! Hélas l’on dit bien vrai :
Qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage… »

Et quand le coq doit mourir pour avoir mangé une nourriture, il serait tout à son honneur quʼon le retrouve dans son gésier. Je veux dire que si nous devons faire cette Transition, autant sʼefforcer ensemble à réussir les défis qui nous attendent.

Les Assises Nationales, un prélude et non une fin en soi pour la Réconciliation Nationale

La question légitime aujourdʼhui est de savoir ce quʼil faudrait faire pendant
cette Transition, de déterminer au-delà des discours vagues et des prétentions de toutes les parties ( CNRD et Gouvernement, Partis politiques, Organisations de la société civiles et de jeunesse, Organisations religieuses, même les Coordinations régionales qui restent pour le moins très timides ), les préalables du retour à un ordre constitutionnel, paisible et pérenne, à partir duquel nous débattrons cette fois des enjeux de développement. Si nous sommes unanimes sur le tableau dressé ci-haut, il va de soi le constat fait que nous sommes devenus une société en faillite et, pour ce faire, il y a la nécessité de tout et ou presque tout reprendre depuis le début. Les Assises Nationales proposées ( à travers les journées Vérité-Pardon ) dans le discours du nouvel an du Président de la Transition sont – à mon humble avis – la volonté exprimée de discuter ensemble de nos problèmes. Le véritable enjeu ici nʼest pas de sʼattarder sur les descriptions de ces problèmes diverses qui sont pour la plupart connues de tous, mais dʼêtre un creuset de solutions permettant de voir davantage plus clair. Il semblerait pour certains que cela ressemble à une énième façon de passer à côté. Cʼest le lieu de rappeler le rôle assigné au CNT par lʼarticle 57 de la Charte, de « contribuer à la réconciliation nationale », et la continuation de ce processus de réconciliation, en préconisant – comme il nous a été rapporté des travaux précédents – la mise en place dʼune Commission de Réconciliation Nationale.

Sʼil est vrai, de manière générale, que le constat dressé pour ce qui est des conférences nationales en Afrique, il y ait eu des déceptions, il faut tout aussi – au besoin de vérité – noter clairement quʼelles ont permis de décrisper des situations qui étaient à lʼépoque impossible. Je veux citer par exemple la Conférence Nationale Souveraine au Congo (CNS) de 1990 à 1992, qui a permis à lʼépoque dʼéviter lʼembrasement de tout le pays. En Guinée, si ces discussions nʼenrichissent pas le débat, elles nʼont pas – pour lʼheure en tout cas – une quelconque tentation à vouloir saper le processus de Réconciliation Nationale qui est devenue plus que jamais un passage obligé.

La rebaptisation de l’aéroport et le point de vue de la contestation, poser le débat autrement

Nul besoin de revenir sur la rebaptisation de lʼaéroport. Cʼest une décision qui nʼentame en rien le travail de la justice. Lʼaéroport nʼest ni un frein à la justice ni un défaut manifeste de reconnaissance des victimes « ou supposées telles » du régime de Feu Ahmed Sékou Touré. Cʼest un débat qui est devenu plutôt émotionnel et dont les motivations très souvent sont loin dʼune quelconque volonté de justice ou encore de gratification des victimes. Elles sont ailleurs. Il y a comme de lʼexagération et de la manipulation à bout de champ. Parce que
si lʼon estime quʼil y a eu manquement, quʼil y a eu « frénésie » dans cette décision « unilatérale » du Président de la Transition; si lʼon rappelle – et cela est malheureusement vrai – le fait que lʼEtat guinéen sʼest très souvent évertué à croire quʼil suffisait de quelques décrets pour régler les questions mémorielles, je crois quʼil soit tout aussi possible dʼaccepter de voir ensemble cette fois plus sereinement, de ne pas trop tirer de conclusions hâtives. Mais si lʼon se refuse à faire bouger les lignes de part et dʼautre, je ne vois pas comment nous allons arriver au bout de cette Transition dans la quiétude sociale. La rebaptisation est déjà actée. On dit à ce propos que cʼétait une «décision souveraine et assumée. » Soit ! Exigeons désormais que justice soit faite et que le reste du processus de Réconciliation la mette au centre des préoccupations. Cela est envisageable. Cela doit être ainsi !

Des missions déclinées dans la Charte de la Transition, des chantiers difficiles à exécuter

La Charte de la Transition – pour y revenir – nous indique de manière générale les chantiers qui nous attendent, mais il nous revient, du fait de nos contributions citoyennes de trouver lʼissue permettant dʼatteindre les objectifs fixés. Sans revenir sur tout ce que nous avons pu proposer dans nos différentes publications, notamment sur la réconciliation nationale et les questions mémorielles, lʼimplication de la justice et la lumière sur les crimes dʼEtat, sur les audits des comptes publics, sur le dialogue politique et lʼ instauration dʼun climat de confiance entre les acteurs politiques, sur la
nécessité de la moralisation des affaires publiques, la dépolitisation de lʼAdministration publique et des armées, de repenser le découpage administratif qui nʼobéit à aucune réalité objective et qui est très souvent le résultat de politiques électoralistes, de la nécessité de doter notre pays dʼune Constitution adoptée par voie référendaire et qui tiendrait compte de la limitation dʼâge aux élections présidentielles, des candidatures indépendantes pour concourir avec la vieille garde politique ( cela est impersonnel ), du recensement général de la population et lʼétablissement dʼun nouveau fichier électoral consensuel, de la révision du Code électoral qui dans ses lignes actuelles pose problème ( je note de mémoire le contentieux électoral et lʼimmixtion de la politique dans nos rapports de voisinage dans la désignation par les partis politiques de nos chefs de quartier ), de créer les conditions dʼ élections transparentes et apaisées, de campagnes politiques civilisées.

Se garder de faire une Transition bâclée

Mais il ne faudrait pas se leurrer, nous ne sommes pas en lʼan deux mille neuf, de lʼeau a coulé sous les ponts. Reprendre les mêmes erreurs, dans un climat sociopolitique aussi nauséabond, cʼest prendre le risque de rendre le pays ingouvernable. Dans une course effrénée contre la montre, il est bien possible malgré tout dʼorganiser des élections. Mais pour autant seraient-elles crédibles ? Serions-nous capables dʼassumer ce qui adviendra ? Faire une transition précipitée, bâclée est-elle une garantie pour des lendemains sûrs que nous ambitionnons ? Les guinéens sont fatigués ! Nous voulons dʼun pays sûr où il est encore possible pour les jeunes de réaliser leurs rêves dʼémancipation, où l’Éducation est une réalité, où il fait bon à vivre. Manger à sa faim et avoir une vie décente nʼest pas trop demander. Ne sacrifions donc pas cette occasion de redresser le tir par des ambitions personnelles. Lʼintérêt général, celui dʼune Guinée unie et des populations qui sont en symbiose est possible. Se convaincre du contraire, cʼest aller droit dans le mur.

Surmonter nos peurs et choisir d’aller de l’avant

Mais lʼincertitude persiste. Un peuple longtemps désabusé ressemble à un
« goumin » plusieurs fois répétés. On a envie de retrouver lʼamour pour noyer
son chagrin, mais on craint de se retrouver dans la même situation de déception. Cela est normal. Cependant, à trop rester indécis, on perdure cette situation quʼon est censé surmonter. Nous avons donc le choix dʼ
accompagner ou non cette Transition, de faire de ces assises des moments de belles retrouvailles, de convivialité, mais aussi de recueillement, de se parler et de sortir de nos torpeurs. Comme nous avons le choix de
l’indifférence, torpiller cette initiative. Ce qui est certain, cʼest que la Guinée est et restera la seule promesse de notre renouvellement. Autrement dit, autant la justice est une nécessité, autant il faut objectivement reconnaître quʼelle ne saurait résoudre toutes nos inquiétudes. Cʼest la dure réalité,
notamment sur les questions mémorielles qui divisent et ébranlent cette nécessité impérieuse de faire Nation. Que chaque nation a ses moments de gloire, de douleurs aussi. Mais les grandes nations de par la solidité des liens et le regard porté vers lʼavenir et sa construction commune se construisent par la faculté – non pas de faire abstraction du passé – mais de tout simplement lʼaccepter et la surmonter ensemble; de trouver les moyens de guérir les plaies sans mettre en branle les exigences du présent; de prêter moins lʼattention aux extrêmes, de cultiver la tolérance et le respect dû aux uns et autres.

Or, notre plus grand défaut, cʼest dʼaccorder plus dʼattention aux extrémistes plus quʼils ne le méritent et de rejeter ceux dont la parole est sensée. Le choix nous revient donc de dire comment et pourquoi. Le CNRD a lui seul ne pourrait jamais sʼen sortir. Mais nous subirons tous, de loin ou de près les conséquences en cas dʼéchec.

La Transition et les rapports avec la Communauté internationale

Cʼest dire également, quʼautant les exigences susmentionnées restent cruciales, autant le délai de la Transition doit être résolue. À travers les Assises Nationales, chaque guinéen(ne) sera fondé(e) à proposer une échéance. Nous aurons ainsi le loisir dʼanticiper sur le CNT et de le guider à
bien jouer sa partition. La communauté internationale nʼest pas en reste. Elle nous observe, scrute la moindre faille, et elle dispose dʼun arsenal de sanctions. Mais elle nʼest pas pour autant sourde au dialogue. Il reviendra aux guinéens de choisir la musique sur laquelle elle va danser. Comme le soulignait le très respecté Dr. Abdoul Madjid Kasogbia dans sa communication sur la situation de notre pays frère le Mali, « si la vérité essentielle de la démocratie est que chaque nation détermine son propre destin », cela signifie – en ce qui nous concerne – que les prises de position flexibles ou rigides de la Communauté internationale dépendent du sérieux que nous accorderons à la construction de notre propre avenir, de lʼavenir de notre pays.

L’urgence de régler la question du CNT, Conseil National de la Transition

Il serait dʼun soulagement pour tous de dépasser la question de la mise en place de ce Conseil National de la Transition, « organe législatif [ de cette ] Transition », qui doit en réalité faire le gros du travail sur les questions institutionnelles et lʼorientation à donner aux réformes qui seraient entreprises.

Le Président de la Transition, en concertation avec le CNRD qui a été indiqué comme « Organe politique de la Transition » ferait montre de plus d’engagement en décidant le vite possible. Lʼargument sur les « déconvenues » de toutes les listes à disposition – qui semblent se contredire – devrait sʼestomper au profit dʼune concertation plus poussée avec les acteurs concernés. Le dialogue avec les acteurs politiques, notamment les partis politiques est une exigence. Car à la vérité, ils demeurent des acteurs de premier plan. Cʼest une nécessité. Sur ce qui du renouvellement politique, cela va sʼimposer de lui-même par les réformes qui seraient entreprises et qui permettraient des campagnes et des élections en toute sérénité. Pendant quʼil est encore temps, rappelons-nous comment sommes-nous arrivés à cette crise de conscience aiguë entre les acteurs politiques. Il serait avisé de faire plus dʼouverture à ce niveau pour éviter que les frustrations amènent les uns ou les autres à se radicaliser.

Le Collectif des Partis Politiques de Guinée ( CPPG en abrégé ), coalition de plus dʼune centaine de partis politiques qui a vu jour le 03 janvier est déjà depuis 07 du mois courant sur ses travaux préparatoires en vue de « définir sa position sur les questions liées à la Constitution, le Code électoral, lʼ
Organe de gestion des élections, le Chronogramme, la Durée et le Fichier électoral » a-t-on appris dans les médias sur place. Bien que cela se présente comme un « contrepied » au futur CNT, il reste tout de même un interlocuteur privilégié pour décrisper la situation. Il nʼen demeure pas moins que le RPG- arc-en-ciel qui a décliné lʼoffre de cette coalition doit être également associé à ce dialogue utile.

Mais en toute chose, jʼen appelle à la clairvoyance du Président de la Transition, le Colonel Mamadi Doumbouya, à prendre ses responsabilités, toutes ses responsabilités. On ne construit pas un pays aussi « abîmé » avec des états dʼâme. Prenez vos mesures, faites les comprendre et laissez la postérité juger avec le recul nécessaire.

Le rôle des intellectuels et le besoin de sortir des certitudes qui nous emprisonnent
Compatriotes, les certitudes psychologiques dans notre société ne sont en rien d’autres que des idées reçues, des stéréotypes, ou encore des supputations grossières. Des idées dʼune autre époque ! Osons les défier pour permettre une nouvelle société, une nouvelle Guinée. Cʼest le seul moyen dʼarriver au bout de toutes crispations sociopolitiques et de toutes ces incertitudes sur le lendemain. Mais aujourdʼhui, lʼétourdissement est un euphémisme quand on sʼimagine lʼampleur et la complexité de notre situation.

Cependant il n’y a rien dʼimpossible pour le vaillant peuple de Guinée. Rappelons-nous de tout ce parcours de combat ! Cette fois, soyons unis pour aller de lʼavant. Soyons davantage unis afin de porter la Guinée de nos rêves, riche, belle, paisible et désirable, afin de cesser de la violer pour enfin l’aimer comme il se doit. Nos prises de position devraient en tenir compte. Prendre en compte la mesure et les nuances, convoquer le sens même de la subtilité du discours. On peut ainsi dire une chose qui fâche, sans blesser les autres, sans être incriminé, sans être détestable, sans être vulgaire, sans être mal poli. Je suis juste au regret de noter que certains de nos intellectuels – pas tous mais la majorité – sont en défaut. Ils ont épousé le silence au moment où ils devraient baliser le chemin de lendemains paisibles pour notre société. Ils ont peur ou la distillent les rares fois quʼils sortent de leur réclusion; c’est-à -dire quʼils se refusent dʼêtre intellectuels, dʼêtre utiles, dʼêtre plus avenants.

Le rôle des intellectuels – quand même ils eussent pris parole et position – nʼest aucunement de se limiter à jouer les alarmes sans arrêt. Il leur est astreint – de par la disposition des choses – de construire des ponts là où lʼaccès est impossible, de démolir des murs là où la compréhension et le dialogue sont considérés irréalisables. N’est-ce pas la le rôle qui incombe tout politicien et tous citoyens ?. Cʼest dire quʼil est possible de réinventer de nouveaux paradigmes. Il faudrait pour cela commencer par changer nos mentalités, notre façon de voir les choses, de voir au-delà des problèmes les lueurs qui apportent la promesse de la lumière. Ce nʼest pas le travail des plus aisés, je le sais. Mais il faudrait bien – encore une fois – commencer quelque part. Ce nʼ est pas la distance qui compte, mais le premier pas dit-on. Le pessimisme est un poison ! Et un intellectuel, sʼil nʼest jamais un homme docile, il nʼest pas non plus un homme indifférent. Ce nʼest pas un parrain qui sème la méfiance entre des gens dont lʼavenir est inexorablement lié. Ce nʼest pas un homme
contre la marche du monde. Mais cʼest un homme de mesure, cʼest un éclaireur. Cʼest celui qui marche droit vers le progrès, vers des terres verdoyantes, même si tout le monde préfère le désert, même si tout le monde est résolu à marcher à contre-sens. Il résiste alors tel un loup solitaire.

RÉSISTONS TOUS ENSEMBLE POUR ENFIN NOUS RÉINVENTER !

Ali CAMARA
juriste et citoyen guinéen.
alitata744@gmail.com
New-York, le 10 janvier 2022
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