« Au-delà de l’avenir de la transition au Mali, la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest, réunie à Accra, ce dimanche joue sa crédibilité politique », voilà la phrase par laquelle, le journal » Le point » introduisait sa Tribune du 09/01/2020 postée sous le titre : Wagner, élections, transition : où en est le Mali ? Si ce titre importe peu pour cette communication, les guillemets qui la précèdent résument ce pourquoi nombreux sont ceux qui estiment que la CEDEAO vient de rater l’occasion « ultime » de faire preuve de bonne foi.
Mais pour les soutiens des sanctions de la CEDEAO qui brandissent le retour à l’ordre constitutionnel comme le sésame des solutions infaillibles, qu’ils permettent aussi que nous doutâmes. S’ils étaient si cohérents, ils sauraient sans effort qu’ils se contredisent de façon spectaculaire ! Comment appelle-t-on des élections dans un pays où les 2/3 du territoire sont occupés ? C’est quoi l’opportunité de telles élections, leur portée, légalité et légitimité ? Comment les populations qui seraient oubliés ainsi pour compte se sentiraient au moment où il faut cultiver davantage le sentiment d’appartenance nationale? Où est d’ailleurs la cohérence de la CEDEAO dans sa volonté de rétablissement de l’ordre constitutionnel quand elle-même – par des sommets extraordinaires des chefs d’Etat et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine – prend des sanctions qui échappent aux textes fondateurs de ces organisations ( CEDEAO – UEMOA ). Peut-elle vouloir exiger et opposer une quelconque légalité et légitimité des autorités maliennes au même moment qu’elle se plaît à violer gaillardement ses propres textes ? La CEDEAO est-elle fondée de parler de démocratie et de coup d’Etat militaire quand elle a toujours brillé par sa mollesse devant les coups d’Etat constitutionnels, les confiscations de pouvoir par des élections truquées, braquées, la criminalisation de l’opposition politique, l’ingérence militaire étrangère dans le processus électoral de certains pays de la Communauté? Mieux, les élections au Mali sont elles la solution aux enjeux qui prévalent aujourd’hui, notamment le recouvrement et la sécurité de l’intégrité du territoire ?
Qu’on arrête d’insulter notre intelligence !
Aujourd’hui, il est temps de travailler à ce que la CEDEAO – loin d’être démantelée – soit réellement à la hauteur des ambitions qui ont provoqué son avènement. Il est temps d’amener cette organisation dans le sentier d’une véritable intégration. Préconiser la Communauté des peuples à un « conglomérat » de chefs d’Etat qui décideraient à leur guise. Les sociétés civiles ouest-africaines devraient s’unir à imposer une Assemblée-Ouest africaine dont les parlementaires seraient élus dans chaque État-partie et limiter la Conférence des chefs d’Etat à la solennité des cérémonials, envue d’entériner – au besoin – les décisions de cette Assemblée des peuples. Il faut tout de même – à défaut d’appliquer ce système – trouver un autre mécanisme qui éviterait de faire diriger l’organisation par la « forfaiture » des chefs d’Etat qui semblent se soutenir plus que de se préoccuper des problèmes réels des populations à la base.
C’est le lieu aussi de rappeler que tous les États qui se retrouvent dans la CEDEAO ont consenti librement de s’y retrouver et de travailler en concert pour résoudre les questions d’intégration et de faire face – ensemble – aux enjeux sociopolitiques, de créer un idéal communautaire. Pour revenir au Mali et le Sahel en général, où se trouvent les efforts véritables de la CEDEAO dans le cadre de la lutte contre le territoire au Sahel ? Elle est restée impuissante jusqu’à la création d’un G5-Sahel mort-né. Qu’a-t-elle fait devant les révélations de toutes les parts de manœuvres « contre-productives » des armées françaises au Nord-Mali ? Qu’a-t-elle fait quand la France, forte du soutien de seize (16) autres pays occidentaux, a décidé de condamner le « déploiement de Wagner au Mali », et auparavant de menacer de façon unilatérale de son retrait des théâtres d’opérations au Mali, avant de rebrousser chemin, encore toute seule ? A-t-elle cherché à comprendre ces prises de position et retournements de veste incessants ? A-t-elle ne serait-ce qu’une fois en plus de trente (30) années de déstabilisation du Nord-Mali mis des enquêteurs indépendants chargés de comprendre et de s’enquérir des réalités, surtout des récentes dénonciations des autorités maliennes à l’encontre de l’armée française qu’elle soupçonne de collaborer avec des groupes armés et d’exploiter sans autorisation leur sol ?
Même nous sommes d’accord sur les manquements des autorités transitoires au Mali sur le non respect du calendrier pour lequel elles s’étaient engagées à respecter, de la façon populiste et moins démocratique des Assises nationales, quand plus de soixante partis politiques et des autorités morales, et non des moindres ont été obligés – par la nature propre des dissensions politiques de ce genre de situation qui n’arrange guère les politiciens trop longtemps dans l’arène – de s’absenter. En passant, il vous souviendra que tout ce qui importe aux yeux de ces partis politiques, c’est d’aller aux élections. Nous sommes également d’accord sur le manquement de la Charte quant à la « rectification de la Transition » par le renversement de Bah N’daw et son remplacement sans consultation préalable de toutes les forces vives, par Le Colonel Assimi Goïta. Mais il y a eu probablement des erreurs d’appréciation qui expliquent tout cela. Aujourd’hui, la situation du Mali est si complexe que des sanctions telles que prises par la CEDEAO et soutenues sans surprise par la France, sont malheureusement de nature à vouloir tuer un État qui commence à peine de respirer à nouveau. Alors loin de cautionner des coups d’Etat – quelqu’ils soient – systématiquement et tout « bêtement », il y a dans notre démarche un appel à plus de clairvoyance et de profondeur. Autant qu’il nous faut nous départir des habitudes de coups d’Etat, autant que les solutions que nous préconisons pour y remédier doivent tenir compte des vrais enjeux afin d’éviter un éternel commencement, car un mauvais diagnostic donne toujours une mauvaise prescription qui a de fortes chances de faire perdurer la maladie.
Par Ali CAMARA