Pour une fois en Guinée, tâchons de donner sa fierté à l’enseignant. Le saviez-vous ? Le métier a commencé sa descente aux enfers depuis 1961 suite à un simple préavis de grève présenté par le corps enseignant, décrivant les maux dont souffrait l’école guinéenne à cette époque là.

En réponse à ce préavis, le régime parle de  »haute trahison ». Le document présenté sous forme de mémorandum est fortement décrié par le gouvernement qui, aussitôt, fustige ce qu’il qualifie de  »document calomnieux et ‘’antiparti ».

Les auteurs, au lieu d’être reçus autour d’une table de discussions, sont arrêtés et conduits en prison avec mépris et arrogance. Que d’hommes de valeur ! Que d’enseignants de qualité et de probité ! Ibrahim Kaba Bah, Koumandian Keita, Mamoudou Touré, Djibril Tamsir Niane étaient entre autres des figures de proue. Ils ont été tous cloués au pilori et présentés devant l’opinion comme des traitres à la nation.

Depuis, le sort du syndicat de l’éducation est confié au Parti-Etat qui en désigne dorénavant le président et défini les conduites. Qui l’eut cru sous le règne du grand meneur de la grève de 1953 ! L’histoire est têtue et cela est souvent une évidence.

Les grévistes sont ainsi jugés à la vitesse de l’éclair et condamnés. En fait les meneurs ne furent pas les seuls a être condamnés, c’est le métier même qui en paie la sentence. Le parti, comme à ses habitudes, parle de complot. C’est le fameux complot dit des  »enseignants ».

En décembre 1961, toutes les écoles sont fermées et une chasse sans merci est ouverte contre les enseignants du pays. Pour les décrédibiliser aux yeux de l’opinion, Sékou Touré, dans un long et interminable discours (comme il savait bien le faire), utilise le concept  »d’intellectuel taré ».

Pour avoir la vie sauve, de nombreux enseignants mettent les voiles notamment sur le Sénégal et la Côte d’Ivoire voisins. Dieu sait combien ces cerveaux ont donné de leur matière crise au bénéfice des pays d’accueil. La Guinée en est sortie perdante, mais ça, le régime n’en a cure. A ses yeux, seul le pouvoir compte. Il faut le défendre quoiqu’il en coûte et cela nous a mené où nous sommes aujourd’hui.

Le régime a mis en branle sa machine de répression et de propagande contre les enseignants, contre l’élite dans son ensemble. Depuis, la descente aux enfers a commencé. Le métier a perdu de sa valeur et ses pratiquants aussi. L’enseignement comme métier est devenu comme une sorte de malédiction dans notre société. A l’époque le discours public avait discrédité l’homme de craie tant et si bien que celui-ci a perdu tout son honneur.

Aujourd’hui il urge que nos décideurs au plus haut niveau mettent les bouchés doubles pour corriger ce tir qui n’a fait que trop mal. S’il faut donner à César ce qui est à César, il faut rendre à l’enseignant guinéen l’honneur qui lui a été arraché depuis la grève de 1961. Ceci ne serait que justice. Justice aussi bien pour les formateurs que pour tout le système éducatif, et donc pour la nation entière.

Par Mohamed Lamine Sylla
Enseignement, journaliste éditorialiste