Un sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO s’est tenu ce dimanche 03 Juillet à Accra au Ghana. Au menu du conclave, la situation sécuritaire et surtout les crises politiques dans certains pays de la sous-région. Des décisions majeures étaient attendues, la position des chefs sur certains sujets, notamment la situation au Mali ; au Burkina Faso et en Guinée, ont cristallisé l’attention de l’opinion ouest-africaine.
Plusieurs chefs d’Etat ouest-africain ont pris part à la rencontre qui s’est penché sur plusieurs sujets d’importance majeure notamment des questions politique, économique, sociale, notamment la durée des transitions Malienne ; Burkinabé et Guinéenne.
Selon un communiqué de l’organisation, au cours de cette rencontre d’une journée, « les dirigeants ouest-africains ont examiné une série de rapports relatifs à la situation politique aussi bien en Guinée ; au Mali et au Burkina Faso ». Au terme des échanges très tendus les chefs d’Etats présent dans la capitale Ghanéenne ont décidé :
- Six mois après leur mise en place les sanctions économiques et financière imposées au Mali ont été levées ; la réouverture des frontières terrestre a été entérinée ; la validation du calendrier sur la durée de la transition allant jusqu’à mars 2024.
- En revanche, elle s’oppose fermement à la participation des autorités de la transition à la prochaine présidentielle et maintient également les sanctions individuelles contre les membres de la junte au pouvoir, ainsi que le maintient des sanctions administratives contre le Mali.
- Au Burkina Faso, après la nomination de l’ancien président nigérien comme médiateur la durée de 24 mois à compter au 01Juillet 2022 a été acceptée par la CEDAO.
- Pour le cas de la République de Guinée ; l’organisation a rejeté la période de 39 mois proposée par les autorités de Conakry et a nommé un médiateur pour la Guinée en la personne de l’ancien Président Béninois BONI YAYI.
Entre Rêves et Déceptions
Signe des temps, l’ordre du jour de cette conférence a réservé plus d’espace aux questions politiques qu’au débat sur le développement économique. En plus de l’examen de situations nationales dans des pays comme le Burkina Faso, le Mali ou la Guinée, l’organisation s’est surtout penchée le renouvellement des organes dirigeant, sur des thèmes transnationaux comme le climat, la culture, le terrorisme ou les conflits liés aux activités pastorales, qui font désormais peser de nouvelles menaces sur la sécurité de l’Afrique de l’Ouest. Pour faire face à ces nouveaux défis, l’organisation doit se réformer en profondeur.
Au moment de sa création, en 1975, la CEDEAO, une communauté de quinze États aux profils politiques, linguistiques et économiques variés, avait pour mandat initial de favoriser l’intégration économique régionale. Mais depuis le début des années 90, son rôle est devenu de plus en plus politique et son action a finalement plus consisté à promouvoir la paix et la sécurité régionale qu’à stimuler les économies ouest-africaines. Composée d’États fragiles n’ayant pas encore stabilisé leur système politique, la CEDEAO a été contrainte de faire face à une multiplication des crises, la forçant à jouer un rôle de « pompier » dans les pays membres. Si elle a connu quelques succès, comme par exemple en Guinée, l’organisation a aussi montré dans le domaine de la sécurité des faiblesses évidentes qui nécessitent une profonde réforme institutionnelle et un changement de culture.
Nouveaux Défis
« Lutter contre les activités criminelles transnationales, élément majeur d’une crise multidimensionnelle ».
Autrefois confrontée à des crises politiques et militaires internes, comme celle qui s’est déroulée au Liberia à partir de décembre 1989, la CEDEAO est désormais face à des crises plus complexes, qui ont tendance à dépasser les frontières des États et même des régions. C’est le cas de la crise sahélienne et de celle du bassin du lac Tchad, deux foyers de conflits qui excèdent son cadre géographique et sur lesquels l’organisation a du mal à être efficace. Dans le Sahel, la CEDEAO n’est pas équipée pour lutter contre les activités criminelles transnationales, élément majeur d’une crise multidimensionnelle. Il lui sera difficile de pacifier cet espace sans se doter, au plus vite, d’un véritable pôle de lutte contre le crime organisé, compris au sens large du terme, et incluant le terrorisme, les trafics de drogues, de personnes ou d’armes.
Plus généralement, les interventions de la CEDEAO ont révélé, au fil des années, un manque de moyens militaires et de capacité de mobilisation diplomatique. En d’autres termes, la CEDEAO a de grandes difficultés à intervenir dans un contexte de conflit armé ouvert, comme au Mali par exemple, qu’il s’agisse de prévenir ce type de conflit ou de l’éteindre.
Les objectifs nouveaux
L’organisation doit donc se fixer de nouveaux objectifs et se doter de nouveaux moyens d’action. Outre une coopération régionale et continentale évoquée précédemment, l’organisation régionale ouest africaine devrait procéder à un réexamen de toutes les dimensions de sa force en attente, son bras armé qui a succédé en 2004 à l’ECOMOG. Cela concerne non seulement la doctrine et les procédures opérationnelles, mais aussi le financement, sachant que cette force souffre d’un manque de moyens récurrent.
La CEDEAO doit parallèlement développer une diplomatie active et cohérente et s’exprimer d’une seule voix. Elle doit convaincre les États membres de la nécessité de faire de la diplomatie régionale un complément voire un substitut aux efforts diplomatiques nationaux, affaiblis, eux aussi, par un manque évident de ressources financières. Il n’existe pas d’organisation régionale forte sans pays leader. Le Nigeria, par son poids économique et démographique, est le plus apte à jouer ce rôle de moteur de la réforme. Ce pays compte pour 77 pour cent du produit intérieur brut de la CEDEAO et, à ce titre, est le mieux à même d’apporter des ressources financières aux opérations de maintien ou d’imposition de la paix de l’organisation. Géant continental qui espère dans les prochaines années jouer un rôle de premier plan au sein de l’organisation des Nations unies, le Nigeria doit travailler à la restauration de sa diplomatie et faire de la redynamisation de la CEDEAO un axe essentiel de cette diplomatie rénovée.
Respect de l’Ordre Constitutionnelle
L’exigence de la CEDEAO de respect de l’ordre constitutionnel devrait s’étendre au respect par les chefs d’Etats des constitutions de leurs pays. Il faudrait permettre aux citoyens des Etats de la CEDEAO de pouvoir déférer devant une instance juridictionnelle forte (et non devant la commission) des cas de violations de constitution par les chefs d’Etat, notamment lorsqu’ils se livrent à un coup d’état constitutionnel pour se maintenir au pouvoir. Les décisions de cette instance devraient alors etre appliquées par les pays concernés, au risque que leurs dirigeants subissent des sanctions de l’organisation, identiques à celles infligées dans les cas de coup d’Etat militaires
Les Sanctions : « Pour qui et contre qui »
La notion de sanction collective appliquée par la CEDEAO n’a pas vraiment de sens. Qu’est ce qui fonde la fermeture des frontières et la suspension des échanges décidée par la CEDEAO ? L’ouverture des frontières de chaque pays et de ses échanges avec les autres pays membres ne dérive pas de son adhésion à l’organisation. La fermeture des frontières et la suspension des échanges comme une sanction pour violation de dispositions de l’organisation n’a pas véritablement de fondement. Les effets que l’appartenance à la CEDEAO produit pour chacun des pays, ce sont principalement la libre circulation des personnes et celle des biens et services, qui se manifestent par la non-exigence de visas entre les pays membres et une franchise des droits de douane au niveau des échanges de biens.
La CEDEAO peut suspendre la participation d’un pays aux réunions de l’organisation, et elle peut prendre des sanctions à l’encontre des auteurs de coup d’état. Elle peut également suspendre le bénéfice des effets attachés à l’appartenance à l’organisation. Mais, elle devrait dissocier les sanctions aux dirigeants auteurs de coup de force, et ce qui s’apparente à une sanction collective, dont les populations sont les principales victimes. On ne peut pas sanctionner des peuples souverains pour des actes commis par un groupe de personnes. Des réformes s’avèrent nécessaires au niveau de la CEDEAO et de l’Union africaine, pour insérer dans les dispositifs gouvernant ces organisations, une place importante à l’expression de la souveraineté des peuples, qui ne doit pas se limiter uniquement à la désignation des dirigeants. Des réformes identiques devraient être opérées dans chacun des Etats membres, pour consacrer et donner aux peuples l’exercice de leur pouvoir souverain, accaparé aujourd’hui par les Chefs d’Etats.
Cela s’inscrit en droite ligne des appels de plus en plus nombreux, pour l’avènement d’une CEDEAO des peuples plutôt que des Etats (ou du moins des Chefs d’Etats). Des réformes devraient également consacrer l’obligation des Chefs d’Etats de respecter scrupuleusement les constitutions de leurs pays, au risque de subir des sanctions. Il faudrait aussi consacrer dans les dispositions de la CEDEAO, l’interdiction des gouvernants d’utiliser l’armée pour réprimer et tuer les populations, notamment lors de manifestations pacifiques. Les crises maliennes, Guinéennes et Burkinabés mettent en lumière quelques problématiques, qu’il paraissait nécessaire de souligner. Celles-ci apparaissent au nombre des préoccupations des populations africaines, et sont à l’origine de crises observées dans certains pays. Au-delà de tout, c’est le concept même de démocratie et le contenu des systèmes démocratiques dans les Etats africains, qu’il faudrait interroger et revoir de façon profonde.
Crise Guinéenne : « De la genèse à nos jours »
De nombreux africains ont suivi avec beaucoup d’attention la crise survenue en Guinée depuis plusieurs mois, où les populations, de façon massive, ont décrié la mauvaise gouvernance caractérisée, la corruption généralisée au sommet de l’Etat et les fraudes électorales manifestes, qui ont jalonné les dernières élections législatives, le coup d’Etat constitutionnel. L’opposition politique et la société civile ont exprimé leur ras-le-bol à travers des manifestations largement suivies, qui ont plongé la Guinée dans une profonde crise, à laquelle le régime au pouvoir a répondu par une répression féroce et sanglante sans pouvoir y mettre fin.
La situation de blocage et l’incapacité des autorités à proposer des mesures fortes, à même de susciter une large adhésion des populations, a conduit l’armée Guinéenne à précipiter la fin du régime du président Alpha CONDE. Ce coup de force de l’armée a été largement condamné. Au premier rang des réactions, celles de la CEDEAO et de l’Union africaine qui ont condamné ce coup d’état militaire, et appelé à la libération du président de la république.
Outre la condamnation, certains observateurs ont déploré que des manifestations répétées d’une frange de la population puissent justifier un coup de force mettant fin à un pouvoir constitutionnel. Ils soulignent que dans un Etat de droit, les crises politiques doivent être résolues par des mécanismes démocratiques. Nonobstant la pertinence de ces réactions, il parait utile de relever un certain nombre de problématiques, à la lumière de la crise Guinéenne. Les manifestations organisées par les mouvements de l’opposition et de la société civile contre le régime et contre la gouvernance et le système en place ont rassemblé largement la population Guinéenne sortie massivement à l’appel de ces organisations. Ces manifestations devraient indiquer suffisamment la gravité de la crise, que le président Guinéen n’a semble-t-il pas vraiment perçu. Les manifestations étaient-elles le reflet d’un profond mécontentement de la majorité de la population ou celui d’une minorité ?
Dès lors que les fraudes ou divers obstacles empêchent les mécanismes démocratiques de jouer pleinement leur rôle de résolution de potentielles crises, il ne faut pas être surpris que certains acteurs aient recours à des moyens non démocratiques pour régler des crises politiques. C’est le cas en Guinée aujourd’hui, et ça pourrait l’être aussi au Sénégal, où des crises politiques sont également observées, et où des élections sont prévues dans quelques semaines. Le principe de la condamnation par la CEDEAO du coup d’état opéré par les militaires est compréhensible. Mais alors, elle devrait condamner tous les coups d’état, y compris les coups d’état dits constitutionnels, dans lesquels les gouvernants transgressent les dispositions de la constitution pour se maintenir au pouvoir. En ne condamnant pas les dirigeants qui se livrent à de telles pratiques, la CEDEAO se trouve à exiger des autres acteurs et des peuples qu’ils respectent les constitutions et évitent de poser des actes anticonstitutionnels, et à observer un mutisme et un laxisme à l’égard des Chefs d’Etats, lorsque ceux-ci violent la constitution et posent des actes anticonstitutionnels.
Un médiateur pour la Guinée « Pourquoi faire ??? »
Par ailleurs, l’obstination de la CEDEAO à nommer un « médiateur pour la Guinée » interpelle de nombreux Guinéens. La Guinée vit cette crise depuis plusieurs années, avec des conséquences diverses au nombre desquelles de nombreuses pertes en vie humaine. Et les multiples médiations de la CEDEAO, menées aux plus hauts niveaux, n’ont pu permettre de régler cette crise. Le président Alpha CONDE n’a pas pris la pleine mesure de la crise. Il s’est contenté d’organiser un referendum ; des élections violant au passage la constitution. Pour l’opposition et la société civile, c’était synonyme de continuité du système ; alors que celles-ci, largement soutenues par les populations, appelaient à un profond changement du système et de la gouvernance.
La CEDEAO n’a pas pu imposer au président Alpha CONDE malgré de nombreuses de médiations et un médiateur nommé une feuille de route bien définie. Une telle proposition aurait permis de régler la crise, de sauver de nombreuses vies humaines et de préserver l’ordre constitutionnel. En fermant cette porte qui devait ouvrir la voie à la résolution de la crise, le président Alpha CONDE et la CEDEAO ont, d’une certaine manière, conduit de nombreux acteurs à considérer qu’il n’y avait pas d’autre issue à la crise, que de faire sauter le verrou principal, en la personne du président Alpha CONDE. L’action des militaires Guinéens a certes rompu l’ordre constitutionnel établi, et apparaît comme un coup d’état. Elle apparaît cependant, au vu des militaires et au niveau de la nation, comme une action qui est de nature à ouvrir la voie à une sortie de cette crise, que la CEDEAO n’a pu aider à résoudre.
Consensus Nationale. « Une solution Guinéo Guinéenne »
Les nouvelles autorités ont multiplié les gestes et décisions symboliques allant dans le sens de l’apaisement, de la réconciliation, de la décrispation sociale ; une façon de recoudre en quelque sorte le tissu social, malmené ces dernières années par les régimes antérieurs. (Libération des prisonniers politiques, retours des exils, visites des cimetières de Bambeto, consultations populaires, visites des tombes et familles des anciens présidents, restitution des biens et droits des anciens présidents.
Les rencontres permanente entre le Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation et les acteurs socio politiques, la mise en place d’un gouvernement représentatif, la représentativité de toutes les forces vives au niveau de l’organe législatif en l’occurrence le CNT
La mise en place d’un cadre de dialogue inclusif et la rencontre du Premier ministre avec les forces vives de la nation ; les leaders religieux et les sages augurent les lendemains sereins.
Le souhait des partis politiques et de organisations de la société civile d’avoir un cadre d’échanges et de dialogue permanent
Les assises nationales et la visites des conseillers dans l’ensemble du pays pour recueillir les besoins, les aspirations des populations.
Il faut néanmoins noter que la réussite d’un dialogue est la résultante des volontés des différentes parties prenantes ainsi l’apport de la CEDAO à travers ce que l’on pourrait appeler un facilitateur est important mais ne saurait conditionner le succès du dialogue sans un réelle volonté et une implication de toutes les parties prenantes en dépassant les considérations politico politiciennes et des intérêts égoïstes. Il faudra pour cela que toutes les parties mettent les populations Guinéennes aux centre de leurs préoccupations et que seul l’intérêt supérieur de la nation prime car la Guinée est un bien commun et il appartient à tous les Guinéens d’œuvrer pour la refondation, la construction d’un Etat de droit la consolidation de la paix et de la quiétude sociale, le vivre ensemble ; une nation ou tous les citoyens sauront se reconnaitre et œuvrer pour la construction d’un idéal commun et d’une Guinée prospère.
La Guinée est à tous et il appartient à chacun de ces fils et filles t’apporter une pierre pour la construction de cet édifice dans la paix, le respect, la concorde, la tolérance, le pardon, la laïcité, l’acceptation, le dialogue, le partage, l’amour et l’harmonie ça y est dans l’intérêt de tous.