#Chronique n° 11​ #Le_dernier_réquisitoire

Le 3 juillet dernier lors du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, la junte militaire guinéenne obtenait de la CEDEAO un surprenant sursis d’un mois afin de présenter à ladite institution un chronogramme d’une durée plus courte que les trente-six mois proposés pour un retour à l’ordre constitutionnel à l’issue d’un cadre de dialogue inclusif.

Le fait que la menace de sanctions économiques planant au-dessus de la Guinée ait été momentanément repoussées, a été perçu par beaucoup comme une victoire de la junte contre ses détracteurs. Cependant, si le CNRD a accepté l’envoi à Conakry d’un médiateur de la CEDEAO en vue de faciliter le dialogue inter-guinéen, il a obtenu l’écartement du ghanéen Mohamed Ibn Chambas, précédemment proposé à cet effet. L’ancien président béninois, Yayi Boni, a finalement été désigné médiateur de la transition guinéenne.

Au finish, aux vu des enjeux et résultats escomptés de ce sommet du 3 juillet 2022, où les questions des transitions malienne et burkinabé furent également abordées, le communiqué final sanctionnant ce 61ème sommet a été diversement apprécié par les différentes parties. On ne peut dire avec certitude qui du CNRD et de ses « opposants » dont le FNDC a remporté la partie, mais les événements qui ont suivi le sommet de la CEDEAO allaient considérablement secouer la transition de son immobilisme.

Dès le surlendemain du sommet de recadrage, soit le mardi 5 juillet 2022, le procureur général près la Cour d’Appel de Conakry fit une série de déclarations courroucées à l’occasion d’une interview à la radio FIM FM (émission Mirador) à l’encontre de trois membres du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC). Dans un élan volubile, un ton martial et quelque peu caricatural, sa marque de fabrique, Alphonse Charles Wright reprochait à l’artiste Djanii Alpha d’avoir « injurié » les membres du CNT (propos certes maladroit mais moins vindicatif). Quant Oumar Sylla, alias Foniké Menguè, et Mamadou Billo Bah se voient, eux, opposer le grief d’outrage à magistrat (ces deux cadres du FNDC ayant traité le procureur général de pion du CNRD). Le procureur avait conclu son propos radiophonique par le rappel de sa réquisition des procureurs d’instance de rechercher et arrêter les individus précités.

Joignant l’acte à la parole, les activistes du FNDC furent arrêtés non sans choquer l’opinion publique nationale et internationale suite aux images extrêmement violentes de leur interpellation lors d’une conférence de presse qu’ils avaient organisée au siège de leur mouvement. En effet s’étant présentés « sans mandat d’arrêt », les policiers ont dû faire face à une résistance acharnée de la part des présumés fauteurs de trouble et des autres participants à la conférence, à laquelle ils ont opposé une violence inouïe.

Face à l’émotion suscitée par les images de ces arrestations musclées, des déclarations de condamnation et de désapprobation ont fusé de partout à travers le monde. Des partis politiques dits d’opposition aux membres du CNT dont Me Mohamed Traoré, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats de Guinée, les réactions ont été sans appel : non à l’arbitraire et oui au respect des droits civiques du citoyen !

Par contre, pour d’autres, l’attitude de Foniké Menguè et sa bande justifiait cet usage disproportionné de la forceant ainsi

En dépit de ces désapprobations quasi générales, le trio fût auditionné et aussitôt déféré à la prison civile de Coronthie avant d’être jugé en comparution immédiate deux jours plus tard.

Toujours est-il que les prévenus ont été présentés au tribunal de Dixinn le 8 juillet 2022 dans le cadre de la procédure de flagrant délit. Et là, Coup de théâtre à l’audience, puisque contre toute attente le procureur de Dixinn a tout bonnement requis la relaxe pure et simple des prévenus pour délit non constitué, ce qui permit au président du tribunal de déclarer les prévenus non coupables. Une issue favorable qui a été chaleureusement accueillie dans une partie de l’opinion et soulagé les autorités après plusieurs jours d’échauffourées entre jeunes et forces de l’ordre sur l’Axe dit de la démocratie.

Notons tout de même l’attaque d’un reporter de la radio Djoma Média, grièvement blessé, suscitant l’émoi au sein de la société qui a unanimement condamné l’agression dans un large élan de solidarité républicaine.

De cette journée du 8 juillet 2022, retenons l’affront du procureur de la république de Dixinn à l’encontre de son chef hiérarchique, le Procureur générale, l’inénarrable Alphonse Charles Wright qui a tout de même assuré et assumé la poursuite des dirigeants du FNDC.

Le Procureur général, comme déjà évoqué dans nos précédentes chroniques, a laissé libre cours à ses envies non seulement en théâtralisant son opposition au FNDC, aussi et surtout en renvoyant l’image d’une inimitié accentuée à l’égard des trois cadres du FNDC.

Toutefois, une interrogation demeure en suspens : qui du Procureur de la république, Alghassimou Diallo, et du procureur général, Alphonse Charles Wright, a pu bénéficier du soutien du CNRD dans ce jeu d’influence qui tarde à livrer ses secrets ? Toujours est-il que l’image du Procureur général se serait bien passée du camouflet que représente le verdict du procès.

Le CNRD n’étant jamais en reste dans les retournements rocambolesques de situation, la télévision nationale s’est faite, dès la tombée de la nuit, l’écho d’un décret du président de la transition portant nomination d’Alphonse Charles Wright ministre de la justice en remplacement de Me Alain Koné.

Encore faut-il rappeler qu’un communiqué de condamnation de l’arrestation musclée des membres du FNDC avec de plates excuses du président de la transition attribué au ministre Koné avait circulé sur les réseaux sociaux sans pour autant être authentifié. Ce document aurait été l’élément annonciateur du coup de grâce achevant le destin gouvernemental de l’ex Garde des sceaux ?

Cette promotion inattendue d’Alphonse Charles Wright revêt toutefois un caractère particulier et pose question quant à l’image de la justice que voudrait envoyer le CNRD aux Guinéens dont l’une des aspirations est de voir enfin la consécration d’une vraie indépendance de l’institution judiciaire en Guinée.

Alphonse Charles Wright a certes perdu son bras de fer avec Foniké Menguè et ses compagnons, mais il semble, par la même occasion, tirer le gros lot avec un régime qui se jette carrément dans ses bras pour en faire son cheval de Troie non pas pour sa très grande maitrise du droit, mais très probablement pour son audace que d’aucuns qualifieraient volontiers de populisme judiciaire.

Les destins d’Alphonse Charles Wright et du CNRD paraissent désormais liés dans un schéma d’interdépendance sans conteste.

Une chose est sûre, l’ancien procureur général semble prêt à tout pour servir le CNRD qui l’a carrément adopté en retour et de ce tandem-là dépendra le sort de la transition du point de vue des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Mardi 12 juillet 2022

Par Titi Sidibé et Mory Mohamed Camara