La capitale guinéenne baigne dans les immondices en pleine saison pluvieuse. Partout dans les abords des routes les piétons et les automobilistes esquivent les tas d’ordures qui, pratiquement, occupent la chaussée au grand dam des usagers. Cette image, pour le moins rébarbative, laisse pantois les citoyens de Conakry qui pensaient n’avoir plus à renouer avec cette triste réalité.

Il faut rappeler que l’un des rares acquis du pouvoir décadent d’Alpha Condé était sans doute la maitrise quasi-certaine de la gestion des ordures. Après moult bégaiements, admettons-le, le régime avait néanmoins trouvé, sinon un dénouement, un palliatif à cette problématique. Au départ nous étions entre les mains des collectivités locales. D’ailleurs l’assainissement est l’une des prérogatives régaliennes de celles-ci, au regard de la loi organique qui régit leur fonctionnement. Mais malheureusement elles ont été dépossédées de ce rôle au profit d’abord du gouvernorat de la ville de Conakry. Ensuite de l’armée, puis du département de l’administration du territoire. Toutes les mesures envisagées à ce niveau se sont soldées par un échec eu égard au résultat plutôt médiocre que ça a donné. C’est ainsi qu’on a assisté à la création de l’Agence Nationale de l’Assainissement et de la Salubrité Publique (ANASP) qui, de l’avis de nombreux observateurs, n’a été qu’une coquille vide du fait qu’elle manquait de moyens conséquents et de contenu programmatique viable.

L’Etat, pour définitivement endiguer le problème, a cru bon de l’inscrire au centre des priorités gouvernementales. D’où finalement la création d’un département ministériel chargé de l’assainissement en République de Guinée. Ce fut une première de voir la question des déchets prendre une si grande importance. Cette volonté politique a fortement été saluée par l’opinion publique même si d’aucun étaient sceptiques quant à la capacité réelle de ce département à venir à bout de la problématique. Très malheureusement, les nombreux discours politiques tenus autour de la mise en place de ce ministère n’ont été que vœux pieux. La montagne n’a pu offrir qu’une sourie. Il a fallut attendre l’implication de la société Albayrak pour voir notre ville rompre avec les immondices. Contrairement à ses prédécesseurs, l’entreprise Turque s’est dotée d’un important équipement, d’un personnel à la fois suffisant et efficient. Grace à tout ceci, on pouvait affirmer sans risque de se tromper que Conakry avait rompu avec les tas de déchets.

A l’arriver de la junte militaire, des comptes des sociétés publiques et même de certaines entreprises privés avaient été gelés. Cette mesure de contrôle de gestion (bien que salutaire) avait produit et est encore entrain de produire par endroits des effets pervers (lourdeur administrative, lenteur voir paralysie des activités conduisant parfois même à la fermeture de certaines entités). A cela s’ajoutent les difficultés financières que connait l’Etat en cette période de précarité économique, induite par la conjonction des facteurs endogènes et exogènes. Nous sommes dans une transition, voyons ! Comme beaucoup d’autre société, Albayrak a été touchée de plein fouet. Son partenaire directe (l’Etat guinéen) est en défaut de payement, c’est du moins ce qu’on apprend. Les arriérés d’argent impayés s’accumulent. On parle d’un montant de plus de 40miliards de francs guinéens. Agacée par cette réalité et surtout l’impossibilité à couvrir ses charges, Albayrak a jugé bon de mettre la clef à la porte et ce, jusqu’au payement par l’Etat de ce qui lui est dû. Conséquences, les citoyens de Conakry se sont vu envahir par les déchets d’une ampleur fort inquiétante. C’est cette crise que le pays vit en ce moment avec en toile de fond les risques d’épidémie, notamment de choléra.

Pour beaucoup, les nouvelles autorités devraient mettre tout en œuvre pour éviter au pays une si dramatique situation. Se promener aujourd’hui dans la ville ne donne plus aucun plaisir au vu des odeurs nauséabondes que renvoient les tas de déchet. Conakry compte environs 3millions d’individus avec une production journalière de près de 2milles tonnes de déchet (1860 tonnes pour être plus précis). Au vu de l’ampleur d’une telle situation nos gouvernants se doivent d’instituer des solutions à la fois cohérentes et durables. L’une des premières solutions peuvent bien-sur consister à s’acquitter de la dette de la société Albayrak qui, quoiqu’on dise, a montré ses preuves. D’ailleurs on ne change pas l’équipe qui gagne, avons l’habitude de dire. Ensuite il faut rétablir progressivement les collectivités locales dans leur rôle régalien. Le pouvoir central peut bien-entendu avoir un œil sur eux notamment dans la gestion des fonds qui leur seront alloués. Le pouvoir central peut ensuite les aider à nouer de partenariats solides avec des acteurs (d’Afrique et/ou du monde) dont l’expertise dans le domaine de l’assainissement est avérée. Autrement, nous ne voyons pas par quelle magie le pays va résorber la crise liée au déchet. On se souvent qu’il a été demandé ici aux ministres d’aller assainir avec les populations dans les quartiers. Le résultat n’a absolument rien donné, nada. Vouloir réessayer cette même méthode boiteuse c’est nous conduire malheureusement au même fiasco car, nous dit un adage : « on ne peut changer le résultat d’un problème sans en modifier les données ».

Mohamed Lamine Sylla
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