À quelques heures tout juste du mot d’ordre de manifestation du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) auquel certaines grandes formations politiques de notre pays ont adhéré, nombreux sont ceux qui pensent aujourd’hui que les autorités de la transition doivent illico presto mettre en place le cadre de dialogue permanent réclamé par une bonne partie de l’opinion afin de désarmer les cœurs et les esprits.
« Le pouvoir est comparé à un œuf : si tu le serres trop fort, il se casse entre tes mains ; si tu ne le tiens pas suffisamment ferme, il peut glisser de ta main et se casser aussi. Il faut exercer le pouvoir ni avec trop de sévérité ni avec trop de laisser-aller. »
Le célèbre historien burkinabè, Monsieur Joseph Ki-Zerbo, n’a pas eu tort d’affirmer cela. Oui ! Le pouvoir, c’est comme un œuf. Celui qui l’a, doit être prévoyant, il doit jouer de toute son intelligence, au risque de le casser entre ses mains.
En effet, à une période charnière comme celle que traverse présentement notre pays, tout pouvoir est fragile et peut, à la moindre secousse parfois, vaciller. C’est pourquoi les autorités à tous les échelons du pouvoir doivent prioriser le dialogue, l’écoute et la considération dans leurs relations avec les différentes composantes de notre patrimoine commun. Elles doivent écouter tous les acteurs socio-politiques pour une transition inclusive, réussie et apaisée.
Pour ce faire, le pouvoir doit mettre en place un véritable cadre de dialogue. Si le peuple de Guinée ne gagne pas autour de la table, il ne perdra pas non plus. Il faut appeler les différents acteurs autour de la table pour discuter de la conduite de la transition. D’ailleurs, qu’est-ce qui empêcherait maintenant par exemple les autorités d’appeler tous les acteurs socio-politiques autour de la table pour désamorcer la crise ?
Ne pas admettre de nos jours qu’il y a une crise dans notre pays, c’est carrément nier l’évidence. Il y a bel et bien une crise, pour preuve, les acteurs socio-politiques les plus représentatifs de notre patrimoine commun ne soufflent pas dans la même trompette que les autorités en place. Ils se regardent en chiens de faïence.
Diantre ! Après dix (10) mois de transition en Guinée, les autorités et certains acteurs socio-politiques non des moindres ont encore du mal à accorder leur violon pour une transition inclusive, réussie et apaisée. Ces derniers dénoncent « une gestion unilatérale » de la transition.
D’ailleurs, comment on peut ne pas parler de crise quand les principales formations politiques comme le RPG Arc-En-Ciel, l’UFDG et l’UFR, qui totalisent, à elles seules, près de 90% de la population guinéenne, se sentent exclues du processus de transition ?
Ne nous leurrons pas. Il y a bel et bien une crise en Guinée. La transition cherche sa boussole. Les autorités du pays ainsi que les acteurs socio-politiques doivent tous admettre qu’il y a une crise. La reconnaissance de cette réalité qui saute aux yeux de plus d’un aujourd’hui, pourrait éviter que la transition s’enlise. Clairement, reconnaitre qu’il y a une crise dans notre pays, constituerait aujourd’hui le début d’une solution au problème.
La grandeur d’un pouvoir réside dans sa capacité à mobiliser les filles et fils du pays autour des valeurs essentielles. Les autorités de la transition doivent accepter la mise en place d’un cadre permanent de dialogue avec les acteurs socio-politiques pour éviter que ceux-ci ne battent le pavé les 28 juillet et 4 août 2022 prochains, car les manifestions, qu’elles soient pacifiques ou violentes, affectent un pays et donnent de sérieux coups à l’économie. Il faut détendre le climat socio-politique en ouvrant un espace d’échanges autour des questions essentielles ayant trait à la vie de notre Nation.
Loin de jouer l’oiseau de mauvais augure, mais chaque fois qu’il y a manifestation dans notre pays, des citoyens sont empêchés de vaquer à leurs occupations, les commerces sont paralysés, des routes sont bloquées. Sans parler des violences de tous genres dont elles sont souvent émaillées. Bref, l’Etat doit éviter le piège de l’orgueil.
L’ouverture d’un véritable cadre permanent de dialogue entre les acteurs socio-politiques de notre pays est plus qu’une nécessité. C’est une urgence et un impératif pour la paix.
À vrai dire, la restauration de la stabilité politique et sociale que souhaite le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) ne saurait être possible que lorsque les acteurs politiques et la société civile seront associés à tous les niveaux de la gestion de la transition.
Bref, la défense de l’intérêt national doit primer sur tout dans les cœurs des uns et des autres, car personne n’a intérêt que la transition en cours dans notre pays prenne un coup ou qu’elle échoue. Si elle échoue, ce serait l’échec de tous.
Par Sayon MARA, Juriste