Mission impossible ou bons offices mort-nés de Monsieur Boni Yayi en Guinée ? Que Dieu nous en garde. Dites amine !

Loin d’être un oiseau de mauvais augure, mais même si elle n’est pas impossible, toujours est-il que la tâche de cet envoyé de la Communauté Economique des Etats De l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en Guinée s’annonce indubitablement ardue.

Blocage de sièges des principales formations politiques, arrestation des activistes du FNDC et des responsables de certains partis politiques, qui viennent s’ajouter à la liste des grandes figures du régime du Professeur Alpha CONDE écrouées depuis quelques mois à la maison centrale sans procès, c’est dans cette ambiance délétère et conflictuelle que le médiateur de la CEDEAO reviendra en Guinée, après son voyage éclair du mardi, 19 juillet 2022, dont le but était de prendre la température, de jauger le processus de transition en cours dans notre pays avec les tenants du pouvoir. Sans aussi oublier les Forces Vives de la Nation (FVN) qui, non seulement exigent l’ouverture immédiate d’un cadre de dialogue inclusif, mais aussi menacent de battre le pavé à partir du 15 août 2022 partout dans le pays.

La transition s’embourbe-t-elle en Guinée ? Pourquoi ce cadre de dialogue peine-t-il à se mettre en place ? Pourquoi ce grand et écœurant silence des sages et religieux face à ce déchainement de violences ? Pourquoi personne parmi eux n’ose élever la voix ou taper du poing sur la table pour dire aux différentes parties d’arrêter et de se mettre autour de la table ?

Diantre ! Rupture entre louangeurs et encensés, qui l’aurait imaginé ? Tellement que la complicité entre les deux était forte au lendemain du 5 septembre 2021. Scenario d’une vraie danse à deux temps. Le temps est le meilleur juge de l’histoire. ‘’Si l’arbre savait ce que lui réserve la hache, il ne lui fournirait pas le manche’’. Si Dieu prête longue vie, l’homme verra tout en ce bas monde. Quelle leçon de vie ! Allah tê, mais passons.

La Guinée n’est pas encore sortie de l’auberge. À bien voir et analyser les déclarations de guerre de ces derniers jours, ce durcissement de ton des discours depuis l’arrestation des activistes du FNDC et des acteurs politiques, on se rend aussitôt compte qu’il y a bel et bien de l’électricité dans l’air, donc de véritables raisons de s’inquiéter. Comment faire aujourd’hui pour baisser rapidement cette tension qui ne cesse d’aller crescendo ?

Les récentes journées mouvementées sur l’axe Hamdallaye-Bambeto-Cosa-Cimenterie, suite à l’appel du FNDC appuyé par certaines formations politiques non des moindres, viennent davantage embrouiller la mission du médiateur de la CEDEAO. Nul besoin de rappeler ici que ces deux journées de manifestation ont été émaillées de violences, des répressions, de destructions de biens publics et privés, des pertes en vie humaine, bref de vandalisme de tous genres.

Quoi qu’il en soit, l’espoir est permis. Oui, l’espoir est permis. Cependant, ce serait surabondant de resouligner que le facilitateur de l’organisation intergouvernementale ouest-africaine ne dispose pas de baguette magique ni de formule miracle pouvant lui permettre d’amener le CNRD et les différents acteurs socio-politiques autour de la table de dialogue. Il faut d’abord une volonté nationale forte d’aller autour de la table de l’ensemble des composantes de notre chère Nation.

Oui ! Ne nous leurrons pas ! Ce mécène de la CEDEAO ne peut que plaider l’indulgence des uns et des autres pour une transition inclusive, apaisée et réussie en Guinée. Il ne réussira cette délicate et difficile mission de bons offices que lorsque nous-mêmes guinéens le voudrons. Sinon, à beau être son engagement, il n’y réussira guère.

Une fois encore, il est imminent d’ouvrir un cadre de dialogue permanent et inclusif. La situation guinéenne sera ce que les différents acteurs guinéens veulent qu’elle soit. Quelle que soit la bonne foi de Monsieur Thomas Boni Yayi et de la CEDEAO, si les acteurs à couteaux tirés autour de la gestion de la transition en cours dans notre pays, ne sont pas de bonne foi, s’ils ne privilégient pas le dialogue, quelles que soient la volonté et la bonne foi des mécènes envoyés, elles seront sans aucun doute vouées à l’échec. C’est pourquoi, c’est aux guinéens d’abord de s’engager sur la voie du dialogue et du désamorçage de la crise.

La volonté doit imaginer trop pour réaliser assez. Une fois encore, le Président Thomas Boni Yayi n’est pas un prestidigitateur pour qu’à l’aide d’un coup de baguette magique il puisse raffermir les cœurs des guinéens et les mettre tous autour de la table. Il faut une réelle volonté de l’ensemble des guinéens d’aller vers un cadre permanent et inclusif de dialogue qui est la clé de réussite de la transition en cours dans notre pays.

Il est temps que les guinéens, à l’unisson, se battent pour la mise en place de ce dialogue permanent et inclusif. À dire vrai, quelle que soit la volonté et la détermination du Président Thomas Boni Yayi, si les guinéens décident de ne pas dialoguer du tout, il n’y aura pas de dialogue. Et la discorde autour de la conduite de la transition ne sera point dénouée.

La Guinée, notre resplendissant pays est très fragile. Réalise-t-on cela ? Nous devons tous en avoir conscience. C’est pourquoi justement chacun de nous doit faire attention aux mots et actes pendant cette période charnière de l’histoire de notre patrimoine commun. Il faut privilégier le dialogue à la violence. C’est seulement en privilégiant le dialogue que chacun de nous trouvera positivement son compte.

Le Président Thomas Boni Yayi a du pain tout simplement sur la planche. Réussira-t-il cette rocambolesque mission de la CEDEAO en Guinée ? Le futur proche y répondra.

Mais pour le moment, continuons à égrener nos chapelets pour que la conduite actuelle de la transition facilite son aboutissement.

Par Sayon MARA, juriste