Commençons par les propos de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie en visite d’Etat et d’amitié au Mali, en ce mardi, 07 février 2023 : « « La lutte contre le terrorisme est bien sûr d’actualité pour les autres pays de la région […] Nous allons leur apporter notre assistance pour surmonter ces difficultés. Cela concerne la Guinée, le Burkina Faso et le Tchad, et en général la région sahélo-sahélienne et même les pays riverains du Golfe de Guinée » ».
Des déclarations choc qui ne devraient pas nous laisser indifférents, quand nous savons que chez nous en Guinée – contrairement au Mali et maintenant le Burkina Faso – non seulement les autorités de la transition ont plutôt une position « très tempérée » ou sinon qu’elles n’ont jamais évoqué très clairement une possible coopération militaire – de grande envergure en ce qu’elle impliquerait une quelconque lutte contre le terrorisme – avec la Russie. Mais aussi que le terrorisme, tel que connaît le Sahel aujourd’hui est loin de faire notre actualité jusque-là ( qu’il en soit ainsi pour toujours ).
Cette position actuelle du CNRD, Comité national du rassemblement pour le développement, autorité politique de la transition en Guinée aurait bien quelque chose à voir avec le rapprochement avec Paris que d’aucuns soupçonnent ? En effet, il vous souviendra que notre Ministre de La Défense nationale, le Général Aboubacar Sidiki Camara ait bien sorti dans les médias pour démentir « la rumeur » selon laquelle il aurait été encours l’établissement d’une base militaire française en Guinée. Faut-il préciser que nous étions de bonne foi ( moi en tout cas ) de ceux-là qui ont cru à la théorie de rumeurs malveillantes.
Mais aujourd’hui, que peut-on déduire de ce possible tiraillement de nos autorités, entre d’un coté la France et de l’autre, la Russie. La France – faut-il oser le dire – qui a su se réserver sur la transition militaire en cours en Guinée, tout le contraire de ce qu’elle a pu ou continue de faire pour ce qui des situations du Mali et du Burkina Faso. La Russie qui est acclamée ouvertement dans ces deux derniers pays et qui, selon les propos susmentionnés de Lavrov est disposée pour la Guinée également, à une coopération militaire. Entendez par là une coopération militaire d’envergure qui intéresse la lutte globale contre le phénomène de l’insécurité, du terrorisme dans la région sahélo-sahelienne ( de nos jours, la CEN-SAD, Communauté des États sahélo-sahariens comprend 29 États africains y comprise la Guinée ) et dans tous les États du Golfe de Guinée dont la mer est davantage menacée, en raison de ses immenses richesses ( pétrole, gaz et autres ), de l’importance de son trafic maritime ( sur le plan économique, géopolitique et de l’intégration ), en proie à l’insécurité et aux actes de piraterie.
Mais pour rappel de ce qui est la tradition ou presque de la politique guinéenne à l’égard des phénomènes internationaux, il est bien de noter que depuis l’accession à l’indépendance, la position de nos gouvernements successifs a été pour la plupart, l’affirmation de notre souveraineté, la position de non-alignement sur les questions géopolitiques entre l’Est et l’Ouest, et la défense ( je suis toujours dans les principes ) des intérêts vitaux du peuple de Guinée. Cette position défendue par les panafricains comme N’krumah, est aujourd’hui celle du gouvernement malien.
Par conséquent, est-il besoin de rappeler que le CNRD n’a pas d’autre choix que dans la lutte panafricaine, dans « l’Afrique des libertés » ? Cette position ne lui serait-elle pas beaucoup plus confortable à tenir – précisément sur les sujets de défense et de sécurité – que d’aller plus à l’Ouest ? Le fait que l’opposition guinéenne soit pour la plupart soutenue – et depuis bien longtemps – par les capitales occidentales ne l’oblige t-il pas tout de même à entrevoir quelque peu sur la ligne du NATIONALISME et de L’AFFIRMATION DE LA SOUVERAINETÉ, surtout dans un contexte où les peuples africains veulent – incessamment – s’affranchir des diktats des puissances exogènes ? Dès lors, la position actuelle du CNRD ( plus ou moins ambiguë sur le rôle de l’Hexagone selon plusieurs observateurs ) n’est-elle pas une question de temps avant qu’il ne se rende compte des véritables oppositions endogènes que ses soutiens «supposés» peuvent entraîner en ces temps ?
Dans un courant où la France est entrain de perdre pied en Afrique, par les revendications souveraines des populations africaines – notamment sur son échec dans la lutte contre le terrorisme, pour l’abolition du franc CFA, pour la fermeture de ses bases militaires sur le continent, contre son soutien aux dictateurs africains, pour toutes les revendications contre le colonialisme et néocolonialisme en somme – serait-ce prudent pour le pouvoir de Conakry d’être perçu comme un protégé du gouvernement français de Macron ? En tout cas, le Mali et le Burkina Faso l’ont appris à leurs dépens. Cela est d’autant plus vrai que le CNRD et son OPPOSITION ACTUELLE rappellent « ironiquement » cette anecdote d’un de mes maîtres, quand il s’interroge devant son incompréhension, d’une personne qui, fuyant la pluie au risque d’être mouillé, alla directement se baigner dans la rivière.
Mais il y’a un proverbe de chez nous qui me réconforte à l’idée que le CNRD réagisse à temps. Cette sagesse enseigne en substance qu’il n’est pas bon de laisser la chèvre dont on a l’obligation de transporter se mouiller ou se salir en sa présence, puisqu’après tout, on sera obligé malgré cet inconfort de la transporter, de toute façon. C’est sur cette philosophie que je voudrais espérer voir le CNRD dans la trajectoire des défenseurs du panafricanisme, parce qu’après tout, comme le proverbe, qu’il le veuille ou non, cette idée ne cessera jamais de grandir dans le cœur de l’Afrique du renouveau.
Par Ali CAMARA