J’ai appris avec le temps que très souvent, ceux qui radicalisent l’action politique sans en apporter suffisamment les preuves de la réussite de cette dernière sont en intelligence avec le pouvoir, ou qu’ils soient quelque peu moins convaincus des motivations qu’ils proclament.
Cette duplicité symptomatique a pour mobile inavoué d’induire dans des erreurs fatales la résistance, de la désorganiser, la désorienter pour saper le moral des partisans d’une lutte plus républicaine, et de conclure finalement sur l’échec de ceux-ci.
Des manques de visibilité sur une stratégie solide, des déclarations à l’emporte-pièce, l’occasion de violences qui font hésiter une adhésion générale à leur appel; l’accentuation des dissensions d’ordre personnel ou de leadership qui donnent lieu et tristement à des regains d’ethnocentrisme, d’extrémisme de la pensée. Des limites structurelles que traîne en effet notre opposition politique depuis très longtemps, sans prendre le temps de s’interroger sur l’inefficacité de ses actions, qui plus est si l’on se penche sur ses maigres résultats jusque-là. Dès lors, on retrouve une mouvance présidentielle qui a tout le temps réussi – même très acculée par les revendications sociales – à la démonter.
C’est encore un sujet d’actualité, à bien d’égards bien sûr : cette politique basse dans laquelle les acteurs sont forts de tout sauf de la conviction. Des fausses oppositions guidées essentiellement par l’occupation du fauteuil, sans autres idéaux pour surélever un pays qui a pourtant tous les atouts pour se positionner en leader dans la sous région. Mais c’est une absence criarde de nos politiques – majoritairement – même quand il faut tout simplement parler de nos préoccupations de tous les jours.
Cela me fait réfléchir sur ce qu’aurait pu être l’opposition guinéenne sous Alpha Condé, si elle avait réussi la lutte coordonnée dans un schéma plus consensuel. Des partis politiques à la société civile, il y a eu de la transhumance politique, la ruée vers la mangeoire. Certains qui partaient et d’autres qui revenaient. Mais jamais une opposition unanime, forte des mêmes revendications que ses acteurs défendaient «prétendument». Entre-temps il y’a eu en chemin de la résignation et bien d’autres ayant fait le choix de la mettre en veilleuse.
Le pot aux roses, c’est bien que curieusement, ceux-là mêmes qui radicalisaient hier notre opposition politique, sont les mêmes bras dessus, bras dessous qui font copains-copains avec le régime contre lequel on nous avait professé qu’il n’y avait aucune autre alternative. Voyez-vous quand des intérêts politiques se moquent de notre intelligence ?
Et à notre stupéfaction profonde, celui-là même qui demandait à ses militants s’ils étaient prêts à mourir pour la cause, s’est carapaté avant même la première convocation. Cet acte de bravoure du CARAPATEUR n’est-il pas suffisamment un cas d’école pour ceux qui savent lire entre les lignes ? Et que dire des hommes qui, plutôt « d’être conjugués au passé » dans la gestion des affaires publiques, continuent sous quelques formes sournoises à se faire la part belle ? On pourrait également parler du FNDC, Front National de la Défense de la Constitution, dont les manifestations programmées posent désormais des questions de principe.
Aussi, il est vrai que l’opposition politique soit entraînée par le despotisme d’Etat, à radicaliser ses positions. Ce qui devrait nous amener tous à poser le débat de la société politique que nous voulons construire. C’est à cet appel qu’il faudrait interpeller les autorités de la Transition à davantage inscrire leurs actions dans un cadre consensuel et plus transparent, tout en insistant sur la démarche républicaine de chaque acteur de ce processus de sortie de crises.
Devant tous ces constats et interrogations, nos espoirs pour de lendemains meilleurs prennent des coups. Pourtant nos problèmes n’ont pas cessé d’exister : les crispations politiques, la pauvreté endémique, une jeunesse en chômage ou désœuvrée ( baignant ainsi ses chagrins dans des stupéfiants, les jeux de hasard, la prostitution, la délinquance sexuelle ), une éducation nationale qui tremblote devant le fossé qui risque de l’engloutir…
C’est pourquoi j’en appelle à tous et de tous mes vœux, à plus de responsabilité dans nos actions individuelles et collectives; à nos acteurs politiques, à une remise en question, une prise de conscience globale de nos problèmes, à une série de réflexions plus poussées, dans la perspective de provoquer des solutions plus concertées.
Je veux bien croire qu’il existe une autre façon de faire la politique; qu’il n’y a aucune fatalité devant notre volonté commune de faire nation et de bâtir ensemble la Guinée que nous ambitionnons. Enfin, je veux espérer qu’il existe encore en nous – au-delà de nos divergences – un sursaut d’orgueil national pour bâtir notre pays sur des bases plus solides et permettre le déploiement de notre prospérité.
Par Ali CAMARA