Quand j’étais enfant, je pensais que ma mère était instruite, un peu comme Madame Aicha, mon institutrice à la maternelle. Elle veillait à ce qu’on fasse correctement la lecture, française et coranique. Dès que l’un de nous tâtonnait en lisant, elle nous demandait de reprendre parce qu’elle estimait que la maîtrise n’y était pas. Voilà pourquoi, jusqu’à un certain âge, je pensais que ma mère était instruite et comprenait ce qu’on lisait.

Contrairement à mon père, ma mère n’a pas fait d’études du tout, mais elle était très impliquée dans nos études. Je l’ai toujours connue très autonome et indépendante alliant vie de famille et son activité de couturière d’abord, puis de commerçante, plus tard. Elle participait aux réunions des parents d’élèves, répondait aux convocations des instituteurs et venait nous applaudir lors des activités culturelles de l’école. Ma mère nous a même transporté, à moto, à l’école quand besoin il y’en avait.

« imagines si Néné avait été à l’école », me disais-je souvent lorsque je vois comment elle raisonne et traite certaines situations délicates. Elle ne l’était pas mais elle assurait le suivi d’une main de maître, comme une vraie manager.

Je prends cet exemple sur ma mère – qui n’est certainement pas un cas isolé en Guinée- pour évoquer le rôle central que jouent les femmes dans la construction d’un pays. Surtout parce que d’où je viens, les femmes sont majoritairement illettrées, mais braves, intelligentes et naturellement entrepreneuses. Elles maintiennent en vie des familles entières et font vivre l’économie du pays. Elles inspirent le courage et la détermination. Elles forcent l’admiration et le respect pour qui connaît la valeur de leurs efforts.

Analphabètes (osons le mot), elles contribuent déjà significativement au développement de leur pays, alors instruites, imaginez un peu ce qu’elles peuvent accomplir. On a de beaux exemples dans ce cas.

Fort malheureusement, dans plusieurs localités de la Guinée, l’instruction des jeunes filles n’est juste pas envisageable. Elles sont destinées à être mariées très jeunes, à faire des enfants et à en prendre soin se débrouillant comme elles peuvent à assurer le bien-être de toute la famille. C’est le rôle qu’on leur assigne !

Ajoutez à cela, d’autres injustices tels que le viol, les violences conjugales, les mutilations génitales féminines, le harcèlement sexuel, les mariages forcés… qui ne touchent pas que des guinéennes bien évidemment. Mais elles n’en sont pas moins concernées.

Dans certains pays, certaines femmes étaient, en ce 8 Mars, dans des conférences, assemblées ou organisations à débattre ou défendre des idées et actions pouvant contribuer à l’avancement de la cause féminine. D’autres ont tout simplement vaquer à leurs occupations oeuvrant pour leur survie quotidienne.

Et d’où je viens, aujourd’hui c’est jour de fête pour les travailleuses. Les femmes de l’administration sont vêtues en uniformes et vont célébrer cette journée à coup de chants et de danses… et aussi de quelques discours pour la bonne conscience des dirigeants.

Je veux bien que l’on parle de progrès parce qu’il y’en a eu, c’est vrai. Que l’on parle d’accessibilité des filles aux sciences, c’est très bien. Que l’on parle de « digital inclusif » c’est ambitieux. Mais je voudrais surtout qu’on se penche sur les questions certes très basiques ailleurs mais ô combien importantes chez nous : la scolarisation des jeunes filles au même titre que les garçons par exemple. Résoudre définitivement cette question serait un très bon début. Car elles pourront ainsi acquérir des connaissances, prendre des décisions qui les avantagent et qui serviront à leur autonomisation économique.

Les préoccupations ne sont pas au même niveau dans tous les pays du monde. Les priorités ne sont pas les mêmes. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas avoir les mêmes combats. Dans certains pays comme la Guinée, on n’est loin du « digital inclusif ». On est encore au stade où on se demande ce qu’une jeune fille irait chercher à l’école alors qu’on trouve naturel pour son frère d’y aller. Comment pouvons-nous parler de parité à ce stade ?

L’inclusion numérique c’est bien, mais l’instruction d’abord ! Chaque pays, ses priorités. En Guinée, l’éducation des jeunes filles et de tous en est une !

Par Toullaye DIALLO