Il est difficile d’être surpris des trois (3) premiers « objectifs » cités dans le communiqué en date du 03 Mai 2023 des organisations politiques et de la « société civile » qui s’entendent depuis quelques temps être « Les forces vives de Guinée ». S’il est possible qu’on puisse être amenés à une certaine attention pour ces revendications, il ne reste pas moins qu’elles sont devenues en effet un mélange touffu, la dote de « mariages incestueux » entre des protagonistes d’hier dont les vœux de mariage sont comme l’autel de la transition ; et que derrière ces envolées lyriques au nom de la démocratie et des droits de l’homme, il ne s’agit que d’intérêts et de stratégies – strictement – politiques. Que du vent.
C’est le pragmatisme guinéen dit-on, par lequel nos hommes politiques espèrent malgré tout nous accrocher à leur idéal de rupture. Une énième preuve de l’absence de principe qu’on nous déblatère pourtant en long et large dans les médias, sur les réseaux sociaux ou dans des livres de quelques-uns qui ont encore l’intelligence d’écrire. De la complaisance dans la défense des valeurs proclamées qui, hélas, brise davantage le peu d’estime qu’on pouvait encore garder pour cette frange politique.
Mais que peut-on espérer d’une classe politique dépassée par les enjeux et qui, visiblement, ne promet pas de paradigmes qui puissent reconsidérer ce qui devient de plus en plus la nécessité de son renouvellement ?
Rien, à part le courage de se retirer dignement. Notre vieille garde politique n’a jamais compris et jamais su faire la politique autrement, sinon que par la manipulation des masses, la radicalisation de l’action politique, le dédouanement par la politique, la surenchère inutile et pour finir la politique excessive de « quitte je m’assoie » des élections. Mais ce qui est frustrant, c’est qu’elle réussit comme par envoûtement à tourmenter ces jeunes politiques pour lesquels nous avons espéré autant le changement, dans les approches politiques et dans les buts à atteindre.
Faut-il compter sur une jeunesse qui réfléchit au-delà des blocs politiques ?
Peut-être bien. Mais cette jeunesse doit davantage s’affirmer. Elle doit sauter les enclos ethniques, l’alignement ou l’adhésion à un quelconque parti ou une quelconque autorité politique. Réfléchir sur l’intérêt général, sur la république nous amène à reconsidérer davantage chacune de nos actions à la fois individuelles et collectives. La bipolarisation de notre société, le pour ou contre systématique doit laisser place au discernement, à la nuance, au jugement au cas par cas, sans pour autant ignorer la démarche de compréhension globale de nos problèmes de société.
Et qu’en est-il du quatrième objectif de ces manifestations ?
Alors, non pas que je conteste ou désapprouve cette belle initiative – si tenté qu’il en soit ainsi – je trouve particulièrement curieux de vouloir revendiquer contre des violations répétées du Code des marchés publics sur fond de la « récurrence des contrats de gré à gré » aux soutiens des autorités politiques actuelles, sans au préalable dresser la liste des contrats visés, leurs termes et leurs bénéficiaires ; sans dénoncer ces contrats à l’opinion publique, dans leurs manquements ou possibles combines ; sans établir les preuves des liens « soupçonnés » ; sans exiger avant toute manifestation la réaction des autorités concernées. Cette méthode grotesque et si approximative témoigne bien à quoi peut se réduire notre jeu politique : le manque de rigueur, les ragots, la chasse aux sorcières, les guerres d’intérêts privés.
À force de tergiversions, le dialogue politique a fini par être bloqué à cause des considérations plus ou moins éparses. Les démarches menées par les religieux sont en souffrance et le Premier Ministre semble avoir quelques problèmes internes. Les revendications sociopolitiques n’ont pas dit leurs derniers mots, tandis que le CNRD ne réussit pas l’adhésion de cette fraction indécise de la population qui continue à croire que la boussole s’est perdue à la CRIEF, que la justice est aux ordres et que le chronogramme de la transition risque fortement d’être perturbé. Tout porte à croire que nous nous dirigeons vers un cycle infernal.
Mais il n’est pas si tard pour mieux faire, pour qui sait écouter et tirer les conséquences qui s’y prêtent. C’est dire que les autorités de la transition doivent rassurer davantage. Elles doivent se situer entre clarté, fermeté et exemplarité. C’est le moins qu’on puisse espérer d’elles. La volonté ne suffit pas, et une refondation de l’Etat guinéen n’est pas la course au fer et au béton, l’urgence est à la refondation idéologique, la rupture avec le dérèglement politique, social et économique de notre société. Cela suffit pour rappeler à chacun de nous notre part de responsabilité citoyenne et patriotique.
En fin, aussi vrai que les politiques soient libres de leurs choix, il est crucial aujourd’hui que les guinéens se situent vis-à-vis de leurs intérêts, vis-à-vis de cette transition, vis-à-vis des hommes politiques qu’ils suivent, vis-à-vis de l’avenir politique qu’ils souhaitent. Après tout qu’est-ce qui prévaut ? C’est la Guinée et rien d’autre.
Par Ali CAMARA