Mamadou Moussa Bah, ce natif de la Préfecture de Koundara, puisque c’est de lui nous parlons, a vécu des moments pénibles de sa vie. A bas-âge, il devient infirme alors qu’il faisait la troisième année de l’école primaire. C’est à cette époque qu’il contracte une sévère maladie qui lui fait perdre l’usage de ses membres inférieurs. Au même moment, il perd également celui sur qui reposait tout son espoir. Il s’agit de son père biologique qui le soutenait dans sa formation. Le calvaire commence et les études s’arrêtent.
Mamadou Moussa Bah va passer plus de six ans en quête de soins pour recouvrer sa santé qui lui était la plus chère. Après ces années d’épreuve très douloureuses, il décide de se trouver un métier puisque pour lui, il est hors de question d’abandonner ses études à cause de son handicap. C’est là qu’il commence à faire l’objet de toutes les risées. Mais l’objectif étant visé, il a su se frayer un chemin en déjouant tous les pronostics sur lui.
«J’ai étudié jusqu’en classe de troisième année, j’ai paralysé. J’ai fait sept ans sans étudier, j’étais à Labé. Après j’ai repris l’école à Pounthioun. Entre-temps mon père est décédé, je n’avais aucun soutien étant donné que je suis handicapé. Comment étudier étant pauvre? Je me suis dit de ne pas m’asseoir sans rien faire bien que je n’avais plus l’usage de mes pieds, mais mes bras étaient fonctionnels. Je suis allé trouver mon oncle qui avait un garage de vélo et de moto, je lui ai fait savoir que je voudrais faire le métier afin que je puisse subvenir à mes besoins. Au départ tout le monde se moquait de moi en disant que même ceux qui ont leurs membres au complet ne peuvent pas faire deux activés à la fois, comment est-ce qu’un infirme pourra le faire», s’interrogeait l’entourage.
Ces propos ne lui ont pas démotivé. Il prend son courage et décide de prendre lui-même, ses études en charge, sans être quémandeur comme le font d’ailleurs, la plupart des handicapés. Il brave tous les obstacles et parvient à sortir la tête de l’eau.
«C’est grâce à cette mécanique de vélo et de moto que je parvenais à acheter mes fournitures scolaires jusqu’à ce que j’ai terminé mes études. Aucun ne me dira que c’est lui qui a pris en charge mes études. Il n’y a pas cette personne. C’est grâce à ce métier que j’ai fait devant les locaux de la Gendarmerie de Koundara, que je suis parvenu à achever mes études», a-t-il relaté.
Après Koundara, une autre aventure commence. Avec cette nouvelle aventure, la situation devient de plus en plus complexe. Une aventure qui s’inscrivait dans le cadre de la poursuite de ses études. Là aussi, comment s’y prendre avec une santé précaire, sans condition de vie favorable ?
«Je suis venu à Conakry pour poursuivre mes études je n’ai pas eu quelqu’un pour m’héberger. C’est un certain Abdoulaye Guirassy qui m’avait approché. Pendant ma première année, ils m’ont rien réclamé mais lorsqu’il est décédé (Abdoulaye Guirassy), ils m’ont dit de payer les frais de mes études. Puisque j’avais décidé d’étudier, on a payé j’ai continué. Heureusement j’ai eu la moyenne qui me permettait de faire l’Université publique. Je logeais à Sangoya, c’est à 5heures du matin que je bougeais de la maison pour me rendre à l’Université à bord de mon fauteuil roulant. ils m’accompagnent jusqu’à Sangoya pharmacie, c’est là-bas que je prends le taxi. Déjà, certains chauffeurs n’acceptent pas de prendre un handicapé sous prétexte que son fauteuil va gâter les vitres de leur véhicule. Quand je prends le taxi jusqu’à Cité, je descends, je m’embarque sur mon fauteuil roulant, pour descendre la colline. A 7heures 30 minutes je suis déjà à l’Université, si vous leur demandez ils vous diront que c’est moi qui arrive en premier», explique Mamadou Moussa Bah, qui a écarté de son esprit toutes les perceptions que les gens ont des infirmes. «Un infirme n’est rien aux yeux des gens, mais, il fallait que je me batte pour vivre. Quand j’ai fini mes études je suis resté au chômage. Quand un handicapé prend son diplôme pour aller chercher du boulot, ils lui disent qu’il n’est pas apte. Ils oublient que tu as étudié avec des personnes valides. Moi je suis un handicapé, j’ai étudié avec 1400 étudiants, j’ai été 3ème parmi eux à la fin de mon cursus universitaire. Mon responsable à l’époque, Moussa Oularé, leur a dit que j’ai étudié avec des personnes valides, je me suis classé devant elles, pourquoi je ne serais pas en mesure d’enseigner ? Laissez-le essayer s’il n’est pas apte, on va chercher un autre. Ils m’ont accordé 30 minutes, ils s’interrogeaient déjà sur ce que je suis capable de faire etant un infirme. Quand j’ai épuisé les 30 minutes qui m’étaient accordées, ils étaient tous contents. Ils m’ont encore dit que s’il faut que j’enseigne, il faudrait que j’ai le master qui coûtait 40 millions. Où je vais avoir ces 40 millions moi qui ai fait la mécanique vélo pour étudier ? Ils ont organisé un test pour être inscrit en master, 16 personnes ont réussi le test et j’ai été 5ème. Il n’y avait aucune possibilité de m’écarter, il fallait payer les frais de mon master. C’est comme ça j’ai fait le master. Ce n’est pas moi qui ai financé c’est l’Etat», raconte d’un ton rassurant notre interlocuteur.
A date, Mamadou Moussa n’a rien à envier aux personnes valides en terme de formation.
«Moi que vous voyez, j’ai mon diplôme de Master depuis maintenant 5 ans. Actuellement je fais le doctorat et en même temps j’enseigne la philosophie à l’Université. J’ai fait le master philo, psycho, pédago, qui a trois domaines réunis. C’est un master qui s’étend sur 8 ans», a-t-il indiqué.
Cependant, il déplore le mépris avec lequel les handicapés sont traités par les autorités. Il soutient qu’ils ne sont pas mis dans des conditions optimales. C’est pour cette raison d’ailleurs, qu’il formule des doléances auprès des autorités, afin que le Ministère de l’action sociale et des personnes vulnérables soit dirigé par une personne issue de la couche vulnérable. C’est seulement avec cette possibilité qu’ils pourront pleinement jouir de leurs droits selon Mamadou Moussa Bah, par ailleurs, coordinateur national des handicapés de Guinée.
Mamadou Aliou Diallo pour maguineeinfos.org