Les politiques et leurs opposaillons* qui, pour la plupart, courent dans le sac de la Françafrique ou qui ne jurent que par un modèle de société importé n’ont pas encore compris, qu’aussi longtemps qu’ils espèreront le salut venu d’ailleurs, aussi longtemps qu’ils seront vomis – tôt ou tard – par leurs compatriotes. Parce qu’un peuple dont l’imaginaire est viré par sa classe politique n’a de souveraineté que de nom, et devient par cette trahison incapable de nouer avec le bonheur. Or, les peuples ne sont pas éternellement en résilience avec la souffrance décidée par les autres, tôt ou tard, ils prendront leur revenge.

La bourgeoisie politique où très souvent les questions de principe sont aériennes et la trahison à la clé, est comme un poème funèbre sur le déclin des valeurs. Elle doit laisser place à une classe politique qui a sa conscience dans le peuple, des politiques « se confondent avec le peuple dans ses aspirations, qui veulent défendre leur dignité dans la dignité du peuple ; [ des politiques ] qui peuvent être fidèles au peuple et qui savent que celui-ci demeure le référentiel de toutes les valeurs ».

Nos politiques d’où qu’ils se tiennent ne peuvent donc réussir à réinventer un nouvel horizon que par deux choses fondamentales, à savoir : la refondation idéologique et l’adhérence politique :

1. La refondation idéologique passe forcément par l’éveil de consciences, notamment de la jeunesse qui est la motrice de toute transformation dynamique. Seule la mise en œuvre de notre histoire et l’expression de notre unité de peuple, de nation, de destin, dans la diversité ethnique, religieuse, politique peut aider dans cette démarche.

2. L’adhérence ou la cohérence politique dont il est question s’entend la pleine assumation de la confiance du peuple. Un homme politique guinéen qui attend la fumée blanche de Paris, de Washington, de Londres ou d’ailleurs se trompe d’époque et de paradigmes. En cela, notre politique nationale ou internationale ne peut opérer pour notre propre bien que par la condition d’être décidée par nous-mêmes et pour nous-mêmes.

Mais le storytelling ethnique et la surenchère politique de nos intellectuels à la place de véritables enjeux est un prétexte. Il est en vrai au moins la conséquence d’une trilogie déconcertante : l’indigence morale, la sècheresse politique et le début de la misère intellectuelle. Les pauvres sont devenus – comme pour reprendre cette belle formule de Camus – cette génération où « l’intelligence s’est abaissée jusqu’à se faire la servante de la haine et de l’oppression ». Ces intellectuels de salon sont devenus ainsi le genre d’énergumènes ou de forcenés dont il nécessite – urgemment – d’aider à retrouver la raison et les protéger contre eux-mêmes et nous préserver tous du chaos qu’ils convoquent tant.

C’est dire autrement qu’élever – aujourd’hui – le débat public sous nos cieux est bien plus qu’une œuvre de salubrité publique, quand on sait au combien d’autres ont choisi par tous les dieux de rendre l’espoir excessivement cher.

À l’aune du manque d’ambitions de la quasi-totalité de nos hommes politiques pour à peine treize millions de populations et un pays si riche, combien parmi nous ont fini par avoir peur d’espérer de notre pays pour ne pas risquer d’être déçu une énième fois ? Combien sont ces jeunes guinéens à qui on ne promet jusque-là que courbettes et humiliations ? Combien sont ces parents qui sont devant « l’échec » d’une vieillesse paisible, parce qu’obligés de s’inquiéter incessamment pour leurs enfants désœuvrés qui n’ont trouvé du réconfort que dans les vices et l’envie ou qui s’aventurent pour des terres lointaines sans réelles perspectives ? Combien d’hommes, de femmes et de rêves brisés ?

Rendez-nous notre pays si vous êtes incapables de nous redonner de l’espoir. Laissez-nous en paix, si vous êtes incapables de nous proposer de nouveaux paradigmes. Taisez-vous, si votre parole nous divise.

Par Ali CAMARA