Bien que cette question ne puisse relever que de la conjecture et des hypothèses, il est néanmoins intéressant de la poser dans une tentative de trouver des réponses lesquelles pourraient peut-être nous être utiles pour anticiper le futur.
Cependant, il s’avère important de circonscrire notre analyse pour être plus objectif, et ce en nous focalisant sur la « colonisation européenne ». Aussi, il est important de savoir que l’Afrique du Nord contrairement à l’Afrique subsaharienne fut pendant des siècles déjà influencée par la civilisation européenne. D’ailleurs, ce contact entre l’Afrique du Nord et l’Europe se veut être la raison qui explique pourquoi cette partie de l’Afrique fut en avance sur le plan technologique, notamment avec une supériorité militaire qui se justifie par exemple avec le déclin de l’empire Songhaï par la prise de Tombouctou par les Marocains en 1591.
Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, il est notable de rappeler brièvement le contexte de la colonisation européenne pour évaluer l’impact qu’elle eût sur l’Afrique noire.
En effet, la colonisation européenne survint en Afrique dans la moitié du XIXe siècle, bien tardivement comparativement à la colonisation arabe qui fut déjà présente pendant plusieurs siècles. Bien qu’elle fût tardive et surtout de courte durée, il est incontestable que la configuration géopolitique de l’Afrique actuelle fut influencée par le système international européen westphalien qui fait référence à la structure « État Nation ».
Pourtant, si l’Afrique noire n’avait pas été colonisée par l’Europe, elle n’aurait très probablement pas connu le système « État Nation » étant une importation des Européens qui vinrent en Afrique d’abord en tant qu’explorateurs puis ensuite exploitateurs de ses matières premières.
Il faut ici rappeler le fait que l’Europe très industrialisée depuis le 18e siècle (Siècle des lumières) fut à court de matières premières pour faire fonctionner ses industries, donc son économie qui en dépendait fortement. C’est donc pour une raison économique que les métropoles assujettirent les colonies pour exporter les matières premières dont dépendait le fonctionnement de leurs industries.
Ainsi, une Afrique non colonisée serait aujourd’hui composée de plusieurs petits royaumes alignés sur différentes aires géographiques avec une diversité et une pluralité d’organisations politiques. Aussi, cette Afrique aurait pu connaître l’avènement de nouveaux grands empires à l’instar de l’empire du Ghana, l’empire du Mali ou de l’empire Songhaï.
Une Afrique non colonisée aurait certainement connu une carte différente de la présente car la carte d’Afrique dont nous disposons est héritée de son découpage entre les puissances coloniales, lors de la conférence de Berlin qui eut lieu de 1884-1885 sous l’initiative du Chancelier allemand Otto Von Bismarck, et ce pour éviter une autre guerre sanglante entre les Nations Européennes.
Par ailleurs, il est notable de noter que même si les européens n’avaient pas colonisé l’Afrique, ils y auraient néanmoins débarqué dans le but du commerce en vue d’acheter ses matières premières. Avec ce scénario, il y’aurait eu une modification de la structure économique du continent africain qui connaitrait au fil du temps à la fois le commerce transsaharien et celui transeuropéen.
Néanmoins, un échange commercial interafricain se serait consolidé s’élargissant sur un grand marché africain, favorisant un continent plus stable qu’il ne l’est aujourd’hui puisque le commerce international est un facteur de paix en ce sens où les relations commerciales créent des liens d’interdépendance. C’est à juste titre que Montesquieu a dit : « le commerce adoucit et polit les mœurs barbares ».
En conclusion, retenons que même si une Afrique sans le choc de la colonisation européenne aurait continué à connaitre les guerres, les razzias, de nombreuses dissensions inhérentes à la nature originelle de l’homme, l’Afrique aurait été plus stable car elle évoluerait avec un modèle local et non étranger, adapté aux réalités politiques, socio culturelles et économiques du continent. Avec ce scénario, certes l’industrialisation de l’Afrique se ferait à un rythme plus lent que l’Europe mais elle finirait par l’atteindre par le truchement des échanges commerciaux et des processus de déplacements et migrations des peuples africains qui apportent avec eux de nouvelles cultures, de la créativité, la science.
Par Abdoulaye M’Bemba KEITA
Diplomate, Expert en Études Internationales dans le domaine des Relations Internationales