Les Conakrykas se sont réveillés en ce petit matin du Samedi par le claquement sec des tirs, une musique inhabituelle qui rappelle l’habitude des temps incertains, l’inquiétude et le désemparement. Qu’est-ce qui se passe encore ? C’était bien là l’interrogation qui animait tous cNous autres en dehors du pays qui avions été réveillés par des amis attentionnés cherchions tout de suite à savoir comment allaient les nôtres.
Et il a fallu attendre des heures, le tour de quelques brides d’informations sur les réseaux sociaux et les éditions spéciales des émissions de grande écoute pour comprendre que des hommes armés avait fait irruption à la Maison centrale, y extrait des détenus et pas des moindres, tous co-accusés dans le procès retentissant des évènements du 28 septembre 2009 : le capitaine Moussa Dadis Camara (ex chef d’État), le Colonel Moussa Thiégboro Camara (ancien Secrétaire d’État à la Présidence de la république chargé des services spéciaux, de la lutte anti-drogue et du grand banditisme du gouvernement Komara), le Colonel Claude Pivi (Ministre chargé de la Sécurité présidentielle du gouvernement Komara), le Colonel Blaise Goumou (ancien agent des services spéciaux de lutte contre la drogue et le grand banditisme).
D’après les informations dont a pu recouper depuis lors, et selon le témoignage de Me. Sovogui, avocat du Colonel Tiegboro, ce dernier se serait échappé et entrepris de se livrer aux autorités. Le même scénario serait également celui du Colonel Goumou. Quant au Capitaine Moussa Dadis Camara, il subsiste encore tout un mystère entretenu ou non sur les conditions de son retour à la Maison Centrale. On ignore tout de cet épisode. Mais selon son avocat, Me Pepe Antoine Lama, celui-ci aurait bel et bien été « enlevé », mais il se trouve dorénavant à la maison centrale sain et sauf. Aujourd’hui donc, il ne resterait que le Colonel Pivi en cavale parmi tous ces grands détenus qui avaient pris tant soit peu congé de leur lieu de détention.
Dans cette affaire rocambolesque à la « Prison break », dont les meanders restent encore inaccessibles, la question principale est celle de savoir de quoi s’agit-il ( si l’on peut le poser au passé ) ? Il est vrai que l’on peut se poser des milliers de questions, et croyez-moi, elles auraient toutes leur pesant d’or. Mais connaître la nature de cet événement semble être le premier élément qui nous permettrait de voir tout le tableau d’ensemble. Était-il question d’évasion, d’exfiltration, d’enlèvement ou de coup d’État ? Il est à préciser que le dernier élément est de moins en moins crédible, en raison de la « maitrise de la situation », en tout cas en toute apparence.
C’est cela qui permet de prendre le contrepied de tous ceux qui dans cette affaire, essaient de mettre l’anathème sur les conditions d’organisation du Procès des événements du 28 Septembre 2009, et de dire par exemple qu’il subsistera toujours des risques à ce genre de procès d’envergure, qu’il ait été organisé de loin ( à la CPI ) ou sur place ( par les tribunaux nationaux ). Le plus important, c’est bien ce que les autorités viennent d’accomplir : être prêtes à toutes les éventualités. Aujourd’hui donc, quoi qu’on en dise, il est clair que le calme est revenu et que la situation, selon les autorités compétentes, est en passe d’être réglée. C’est dire autrement que les «problèmes» sont inhérents à ce genre de procès, et que le plus important est de pouvoir les régler promptement.
Même s’iI va falloir tempérer ces considérations en disant très clairement que la Maison Centrale a besoin de réunir davantage de conditions sécuritaires en raison de cette affaire et des antécédents d’évasion, mais surtout à cause du climat politique qui prévaut. En réalité, avec le temps, c’est une prison qu’il conviendra raisonnablement de délocaliser.
Venons-en à notre question fondamentale : Qu’est-ce qui s’est passé ?
Non pas que les autres théories seraient farfelues, mais on est beaucoup plus tentés par l’option d’une EXFILTRATION. L’exfiltration qui consiste à organiser clandestinement la fuite d’une personne se trouvant en milieu considéré comme hostile ne peut ainsi être assimilée à une tentative d’évasion que lorsque les détenus étaient consentants au moment des faits, et qu’ils avaient le choix de ne pas en être embarqués. L’évasion supposerait donc qu’ils étaient au courant de la manœuvre, en ont déployés les moyens ou tout au moins qu’ils étaient disposés à être embarqués dans cette mésaventure.
L’exfiltration simple supposerait que des «partisans», «proches» ou supposés tels auraient choisi de les faire libérer sans au préalable recueillir leur consentement. Ils auraient pris le risque de les sortir de prison, parce qu’ils auraient estimé que c’était le meilleur moyen de les «libérer» et probablement la preuve ultime de leur loyauté. Certains détenus ayant probablement réalisé la volatilité de cette situation eu égard à leur propre sécurité, le chemin difficile d’une cavale en pareilles circonstances et les considérations de l’opinion publique sur leurs rôles quant aux événements du 28 Septembre 2009 dont le procès est en cours, n’auraient donc de choix raisonnable que le chemin du retour en prison.
Mais, tout cela étant dans l’ordre de l’analyse qui, même si elle s’efforce d’être objective ne peut prétendre à la réalité des faits, nous accueillons avec sérénité les instructions du Procureur Général aux fins d’enquête afin de déterminer entre autres les motivations des assaillants (1), l’implication supposée ou non des détenus (2), les complicités qui sont souvent inhérentes à ce genre de situation (3), les moyens déployés (4), et faire la lumière sur le bilan humain de ces «affrontements» dont on peut lire quelques échos dans les médias.
Vous auriez compris que nous ne faisons aucune allusion à la théorie de l’enlèvement, parce que très improbable, d’autant plus que trois détenus sur quatre ont été retrouvés sains et saufs. Des prisonniers nuitamment «enlevés», qui se retrouveraient débarrassés de leurs ravisseurs et subitement disposés à se retourner en prison ; à moins d’être adeptes d’une théorie du complot, ce schéma reste très irréaliste.
Enfin, l’heure est à la retenue, à la sérénité afin que ce procès qui a commencé aille à son terme ; que les victimes soient reconnues et indemnisées, et que ceux qui n’y sont pour rien et qui se trouvent dans les liens de la justice recouvrent enfin leur liberté et leur dignité.
Par Ali CAMARA